jeudi, novembre 27, 2014

Un chapeau dans la tête

Des fois, je me dis que je n'aurais peut-être pas dû venir habiter ici.

Pas que je n'y sois pas bien. Non, c'est juste que...

D'abord il y a la chatte. Je n'ai jamais trop bien su comment me comporter avec les chats. Je ne les comprends pas. Me semble que je me trompe toujours dans l'interprétation de leurs signaux. Quand je pense qu'ils veulent jouer, ils me mordent et quand je crois qu'ils sont d'humeur câline et que c'est le temps de les coller, ils me laissent toujours en plan, s'éloignant dans toute leur féline dignité. Lorsque j'habite avec un chat, j'ai l'impression d'habiter chez le chat. Ce qui fait que même mon espace devient comme sa chose. C'est embêtant.

Et puis j'habite avec un couple. Je le sais depuis le départ. Mais bon, ça implique toutes sortes de choses auxquelles je ne suis pas habitué.

Évidemment, il a fallut que je tombe amoureux d'Elle. Mais elle est amoureuse de Lui. Compliqué un peu, comme situation. Elle le sait, je crois. Peut-être que je ne suis pas assez subtil.

Je réfléchis donc, ce matin, à la situation dans laquelle je me trouve.

Je me fais le plus discret possible. Mais ce n'est pas toujours évident. Je les entends rire et dire toutes sortes de niaiseries auxquelles je ne comprends pas grand chose. Je fais semblant de dormir, pour qu'ils ne me portent pas attention. Généralement, ça fonctionne assez bien. J'ai besoin de penser calmement. Par contre, je sais très bien que je suis censé aller courir avec Lui bientôt. On a une entente sur ce genre de choses. Sauf qu'aujourd'hui, ça ne me dit pas du tout de respecter cette entente, j'aimerais beaucoup mieux rester, au chaud, dans la maison, avec Elle.

Pour commencer, il fait froid dehors, ensuite, on fini toujours par courir beaucoup plus que le 5 km sur lequel on s'était entendus. Mais Lui, il est un peu hyperactif et quand il commence à bouger, c'est difficile de l'arrêter. Il a déjà son pantalon mou, et je le vois enfiler ses souliers de course.

Je n'ai pas envie d'y aller.

Je me tasse sur moi-même, en espérant qu'il oublie que je suis-là. Mais je suis trahi par mon propre mouvement; j'ai fait du bruit. Je fais semblant que c'est un mouvement du sommeil, et là, c'est ma voix qui se fait entendre. Crotte. Ils savent bien tous les deux que je ne dors pas vraiment. Lui me regarde droit dans les yeux, que je garde à moitié clos, et Elle rit. De moi, peut-être. Misère!

J'essaie de disparaître sous le divan, le faisant tanguer de tous les côtés dans ma tentative. Elle me pousse vers la porte, la traîtresse, tandis que Lui me tend la laisse.

Parce que, vous comprenez, je ne suis qu'un gros chien blond, un peu gâté. Et ma maîtresse trouve que j'ai un maudit beau talent de comédien.

C'est pour ça qu'ils me gardent, je pense.

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mardi, novembre 25, 2014

Première rencontre

J'ai été une enfant qui adorait jouer à la poupée. Ma sœur, en a d'ailleurs été passablement victime. Pauvre elle, avec les presque dix ans qui nous séparent, je me suis gâtée. Elle a été ma première poupée vivante. Et elle sentait si bon le bébé.

Après la naissance de ma sœur, ma mère a entrepris de devenir sage-femme. À une époque où cette profession était en marge de la légalité. Je me rappelle de discussions acrimonieuses, avec mes collègues de classe à l'école secondaire, sur la légalisation de la profession. J'ai toujours été assez articulée dans mes opinions et je ne me laissais pas abattre par les majorités écrasantes.

Quelquefois, ma mère recevait à la maison des groupes de rencontres post-natales. Un jour qu'il y en avait une chez-nous, j'ai avisé un cousin de ma mère que je voyais rarement, mais avec lequel j'avais beaucoup de plaisir à discuter. Lui et son amoureuse avaient l'air complètement dépassés par leur vie de nouveaux parents. Parce que je suis ce que je suis et que j'adore les bébés, je me suis permise, de lui demander si je pouvais prendre sa fille. Cette toute minuscule fillette qui avait, selon mon souvenir, 5 semaines, à l'époque. La petite personne en question avait (toujours selon mon souvenir qui peut être tout à fait imprécis puisqu'il remonte à 25 ans aujourd'hui), l'air particulièrement en colère. Les parents, hagards, m'ont dit oui.

J'ai pris la petite boule chaude qui hurlait à perdre haleine, même si sa couche était propre et son petit estomac bien gavé, je l'ai posée sur mon cœur et je suis allée m'asseoir avec elle. Ça ne faisait pas deux minutes qu'on était installées qu'elle s'était endormie. Je lui ai raconté toutes sortes d'histoires pendant son sommeil. J'avais un public conquis pour mes rêves éveillés. Mon imagination débordante était donc comblée.

Je ne sais pas combien de temps la petite a dormi sur mon cœur. Quelques heures, peut-être. Toujours est-il que ce n'était pas dans ses habitudes, semblerait-il, de dormir si longtemps. Le papa dépassé, à la fin de la réunion, m'a demandé comment j'avais fait. Et du haut de ma très grande naïveté d'adolescente de seize ans, je lui ai répondu : « Ben rien, je lui ai fais confiance, c'est tout ».

En fin de semaine, j'ai pris un café avec elle et une de ses cousines immédiates. Je lui ai raconté cette histoire, qu'elle a trouvé jolie. Ce sont elles qui m'ont tendu la main à travers les années. Je ne les connais pas beaucoup, elle ne me connaissent pas davantage. Mais je crois que nous partageons, en dehors d'une parenté éloignée, un intérêt pour l'humain. Nous avons donc transformé, à trois, un jour de novembre morne et gris en quelque chose qui peut s'approcher du vivant.

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dimanche, novembre 23, 2014

Amicalement-vôtre

Je pense que j'ai un talent certain dans mes amitiés avec les garçons. Je pense que je peux me targuer d'être une bien meilleure amie de fille que j'ai été une amoureuse. Peut-être est-ce parce que je sais cela que je ne coure pas tant après l'âme sœur. J'ai l'amour en déséquilibre, je crois. Et je me préfère en équilibre. Déjà que l'équilibre et moi...

Ici, je ne prétends pas que je n'ai pas de talent avec mes amitiés féminines. Loin s'en faut. Seulement, celles-ci sont souvent moins zigzagantes que celles-là.

J'ai l'amitié tenace, je peux retourner voir ce qui s'y trouvait, plusieurs fois. Avant de me rendre à l'évidence que certaines d'entre-elles resteront à jamais lovées dans un passé qui m'est désormais inaccessible. Quelles qu'en soient les raisons. Il arrive que ce soit moi qui décide de tout rompre, par exemple lorsque ces garçons, ne sont plus si gentils à mon endroit ou encore qu'ils attendent de moi que je sois une groupie émerveillée devant tant de charme et d'allure. Je veux bien être la groupie des artistes que je ne connais pas autrement que par leurs œuvres, ça m'amuse, en réalité, beaucoup. Mais pas des gars avec qui j'ai partagé quelque chose de bien plus que cela. Quand c'est rendu que je me fais la réflexion que les gens dont je suis la fan avouée ont plus de considération pour moi que ceux que j'ai un jour nommés amis, ben je me tanne et je tire la plogue. Il arrive aussi que je me frappe à un mur d'indifférence qui s'est dressé, comme ça, tout bêtement, en travers de mes chemins.

Mais si je dis que j'ai un talent certain dans mes amitiés masculines, c'est que je peux, comme je l'ai récemment raconté dans ces pages, traverser vingt ans de silence, dans un seul sourire, et retrouver une complicité rigolarde qui n'a rien perdu de sa spontanéité.

Je peux aussi me jeter à rires perdus dans une amitié en mode derby de démolition. À essayer de nous faire croire que nous ne sommes pas tout à fait ce que l'autre nous renvoie comme image de nous-mêmes, jusqu'à ce que les arguments, bien pesés, nous mettent devant l'évidence qu'on a une perception un peu faussée de soi. J'en reviens toujours complètement revigorée et courbaturée. Même si, cette fois encore, les années s'étaient additionnées, l'air de rien. La franchise et l'honnêteté sont de bien bons ingrédients pour cultiver les terreaux fertiles de mes amitiés.

Il y a aussi ces messages que je n'attendais pas, sur mes chemins ou ailleurs, de gars qui me disent qu'ils lisent ma prose et qu'ils aiment bien ce qu'ils y trouvent. De gars qui ont été des amis plus ou moins proches avec lesquels je me promets une rencontre, un jour.

Je crois que je suis une bien bonne amie de fille, qui ne ressasse pas les années d'absence l'air de dire que j'ai été négligée. Je sais trop bien que j'ai négligé plus souvent qu'à mon tour.

J'ai bien mieux à faire, voyez-vous. À commencer par profiter des moments qui me sont offerts et de mordre dedans à belles dents.

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jeudi, novembre 20, 2014

Sur la frontière du réel

On va mettre quelque chose au clair, vous et moi. Si vous me demandez de qui je parle lorsque je m'aventure sur la frontière du réel, je ne vous répondrai pas. Du moins dans les pages de ce blogue. Je ne suis quand même pas pour dévoiler mes secrets, n'est-pas?

Mais je veux bien vous partager ma recette.

Ça prend :
Un peu de vrai
Beaucoup de faux
De la musique
Du temps
Quelques épices
Un brin de folie

C'est dans la méthodologie que ça ce complique.

La toute première étape est de choisir les prénoms de vos personnages à venir. Tant que vous ne les tenez pas, rien à faire, le texte ne vivra pas. Je suggère alors, de mettre celui-ci en jachère, avec les idées éparses qui le mèneront quelque part. Un jour, vous les attraperez (les prénoms) et vous pourrez avancer sur cette ligne aussi floue que fuyante.

Une fois que cette étape est traversée, commencez par définir l'ambiance musicale. C'est ce qui établit le décors. Ensuite, attrapez le peu de vrai qui vous aura interpellés, regardez-le sous tous ses angles et tordez-le. Ajoutez-y le brin de folie. Attendez quelques instants pour voir ce que ça donnera. Écrivez tout ce qui vous traverse la tête. Sans censure. Et puis lorsque les mots cesseront d'eux-mêmes, fermez la page et laissez reposer.

Faites autre chose. N'importe quoi. Ce qui vous plaira. Voyez des amis, ou écrivez-leur ce qui vous tracasse. Jusqu'à ce que le texte entamé se remettre à vivre dans votre esprit. Continuez-le alors, mentalement.

Revenez au texte. Relisez-le attentivement. Parsemez-le de tout le faux dont vous soyez capables. Réservez. Au moins une heure. Profitez de ce moment pour écouter les nouvelles, histoire de ne pas être totalement déconnecté de la réalité. Ça aide l'arrimage.

Reprenez le texte. Changez l'ordre des phrases. Le couper/coller de l'ère informatique est bien utile à ce stade. Il faut être attentif à ce que l'on fait, c'est une étape précaire, car les erreurs de syntaxe et de grammaire ont une tendance, assez fâcheuse, à salir le paysage. Effacez ce qui n'est plus nécessaire. Regardez votre texte dans le blanc des yeux. Jetez-y les épices. Et-là, c'est vraiment selon l'humeur du moment, le ton de ce que vous avez envie de raconter. L'important est que lesdites épices se marient bien entre-elles. Si vous avez envie de cannelle, je déconseille fortement d'essayer d'y mêler du curry. Ça fait grincer les dents.

Dormez-là dessus et cherchez la chute.

Au matin, vous constaterez que vous avez une jolie histoire bien ficelée.

Publiez.

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mardi, novembre 18, 2014

L'arbre à sorcières

Elles étaient aussi dissemblables que possible. L'Une mince, élancée, posée et portant sur le monde un regard assuré. L'Autre, petite, ronde, noire et portant en elle plein d'éclats de maux.

L'Une avait la faculté de deviner une grossesse au premier regard, de mitonner des sucreries qui faisaient enfler la panse de ceux qui croisaient sa chaumière. Elle ne le faisait cependant pas pour dévorer ses proies. Elle le faisait beaucoup plus simplement pour le plaisir de voir des visages s'épanouir de bonheur lorsqu'ils croquaient un fruit défendu. Son truc à elle, son pouvoir magique, c'était de créer une certaine harmonie dans beaucoup de rires. Elle avait cette faculté savoir quelles images, réelles ou imaginaires, pourraient faire exploser de soleil le cœur de ceux à qui elle les présentait.

L'Une était une bien gentille sorcière, même si d'aucuns vous diraient qu'elle avait de le bleu de l’œil cet appétit pour pour ses semblables, laissant présager que, peut-être, elle pourrait un jour se muer en ogresse, histoire de voir si toutes les saveurs qu'elle avait su inventer, pourraient être goûteuses sous la peau de ses concitoyens. C'était une femme entière, enjouée, sans compromis ni concession. C'était une femme comme il s'en fait peu.

L'Autre était davantage de colère et de doutes. Sans être taciturne ou continuellement explosive, elle avait l'équilibre hasardeux. C'était une femme qui connaissait les fêlures de l'âme, de celles qui laissent des marques permanentes. On la voyait se promener accompagnée de sa grande chienne jaune, celle qui trahit un penchant pour la censure intérieure. C'était une femme bien courageuse que l'on pouvait apercevoir se promener sur la frontière du pays des zombies jusqu'à voir les tréfonds de l’œil de sa tempête. Et quelquefois, elle tendait la main pour secourir un être esseulé qui s'y mirait dangereusement, avec le succès mitigé que ce genre d'entreprise présuppose.

L'Autre avait un talent singulier pour attirer ceux qui jalonnaient sa route dans un cocon de confidences et de vérités. Son talent tout particulier était de savoir lire les silences, même les plus tenaces. Elle les écoutait, les cogitait, les dépeçait et vous les renvoyait en pleine tête, l'air de rien lorsque vous vous y attendiez le moins. Cette faculté de trouver exactement les mots que vous n'aviez pas dit et de les retransmettre abruptement, la rendait, disons, singulière. Elle était un petit bout de femme, entêtée, passionnée, excessive et terriblement humaine. En somme l'Autre était tout aussi unique que l'Une.

Elles étaient aussi dissemblables que possible, mais partageaient un bien grand secret. Elles avaient toutes deux poussé sur le tronc d'un arbre à sorcières. Un arbre de sagesse et de cœur. Un arbre qui leur avait enseigné à regarder juste un peu plus loin que le bout de leur nez lorsqu'il s'agissait de s'intéresser à autrui.

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dimanche, novembre 16, 2014

Reconnaître l'étincelle

Il y a des hommes qui traversent ta vie comme des comètes et te laisse désarçonnée d'un départ aussi fulgurant que l'arrivée aura été intempestive.

Il y a des hommes qui se posent dans ta vie sans que tu t'en aperçoives. Comme ça, au hasard d'un cadeau bien choisi, que tu auras laissé traîner des mois avant de l'ouvrir. Et puis, tu t'y seras mise, toute entière parce que ça te ressemble. Et si les mots de ces hommes-là te touchent jusqu'à la moelle des os, tu te seras choisis quelques extraits à mettre sur une liste de lecture, que de toute manière, tu n'écouteras pas. Sauf, peut-être, quand tu reçois. Pour faire taire tes idées, tu t’abrutis de télé et d'information continue. Tu lis des romans savons qui n'ont pas de sens et encore moins de style. Tu n'oses plus partir à la découverte des mots des autres, au cas-où.

Au hasard d'une entrevue, tu vois qu'un de ces hommes donne un spectacle pas trop loin de chez-toi. Tu te mets à te dire que ce serait une bien bonne idée d'y aller.

Et tu t'es retrouvée dans une salle pas si bondée que ça, mais que cet homme-là avait l'air d'estimer plus que pleine. Tu t'es prise à danser sur sa musique, à croire que, finalement, il a du charme à renverser un océan. À te dire, sur place, que ses mots sont des boulets qui t'assassinent de leur justesse. Puis t'es retournée chez-toi, toute chose. Avec comme un fourmillement dans les phalanges. Trois jours plus tard, ta mère te fait remarquer que tu vis quand tu parles de ce spectacle-là.

Alors, tu as envoyé un message à cet homme-là. Parce que c'était devenu trop pour toi. Il fallait qu'il sache que, quelque part à Montréal, il y avait une femme qui était bouleversée. Bouleversée parce que tu tu as retrouvé une image de ce que tu avais déjà été, dans cette prestation sans économie de geste ni de don de soi.

Dans les semaines qui ont suivi, t'as fait une folle de toi à plusieurs reprises. Tu t'es laissée porter par le bonheur, tout simple, que ses textes et ses mélodies t'ont apporté.

Alors évidemment, les mots sont revenus hanter tes jours et tes nuits. Tu t'es remise à penser par écrit. Tu fais une logorrhée d'écriture. Tous soirs, tu t'enfermes avec ton ordinateur et les chansons de cet homme-là que tu écoutes en boucle, mais plus juste sur un album. Non, t'as fini par laisser toute son œuvre t'apprivoiser.

Et puis, quelqu'un t'as dit que tu devrais continuer à écrire parce que ça te fait bien.

Il y a des hommes, comme ça, qui se sont insinués dans ton système, tu ne les connais pas, ils te connaissent encore moins, mais auras reconnu, chez-eux, ce quelque chose d'étincelant que tu avais un jour possédé et tu t'es dis que, vraiment, tu ne perdrais rien à essayer de vibrer aussi fort qu'eux.

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vendredi, novembre 14, 2014

Macadam tribut

J'ai passé les dernières années à dire que j'étais une droguée de la Première chaîne. J'ai toujours aimé apprendre. Faute de bancs d'école, je me suis rabattue sur cette radio qui me garde en contact avec la culture, l'humanité, la politique et tous les autres sujets qu'elle sait aborder.

Mais voilà que depuis deux semaines, je me suis débranchée. Je me love dans une voix qui m'émeut ou m'achève et j'écris jusqu'à plus soif. Je ne prends plus le temps d'ouvrir la télé et la radio ne m'intéresse plus autant. J'ai mieux à faire. Me relire, pour commencer, et lire ailleurs, des choses que je n'ai jamais lues. Ce qui tranche nettement avec le régime que je m'imposais jusqu'à très récemment.

Pour ne pas complètement être déphasée de la société dans laquelle je m'inscris, je me force cependant à écouter la radio au réveil. C'est ainsi que j'ai appris, avec un peu de retard, le décès de Jacques Bertrand.

Il a fait partie de ces animateurs qui m'ont réellement allumée, sortie de plusieurs de mes torpeurs, particulièrement à l'époque de Macadam tribus. Un soir où je revenais d'une consultation quand j'errais au pays des zombies, je passais devant un cimetière en écoutant cette émission et j'ai croisé une procession funéraire qui en sortait. Je n'y portais pas attention, j'écoutais la radio. Je ne me rappelle plus quel était le sujet, mais je me vois encore exploser de rire très exactement au moment où la bière est passée devant moi. Mettons que les personnes dignes de la procession ont été choquées de mon éclat de rire intempestif et à leurs yeux, sans doute, mal venu.

Et cet autre moment encore où je riais tellement que j'ai dû m'asseoir sur un banc pour rire à mon aise avant d'arriver, en retard, à un rendez-vous parce que mes jambes ne me portaient plus. Monsieur Bertrand avait une voix singulière et son humour l'était tout autant. Durant les dernières années, je ne manquais aucune émission de La tête ailleurs, c'était une forme de nourriture de l'esprit. Quelquefois même, je retardais le moment de sonner à une porte, pour ne pas manquer la blague ou le mot d'esprit qui me mettrait des étoiles plein la tête.

Avec lui cependant, je ne me suis jamais dénoncée. J'ai, ça et là, commenté des extraits, participé discrètement à ces émissions que j'aimais beaucoup.

Ce matin donc, j'ai tout simplement envie de lui dire merci pour toutes les années où il a meublé mes heures d'éclats de rire et de soleil. Quand je n'avais plus la force de croire en moi, cet humour décapant aura su me sortir de mes ornières en me faisant réagir à quelque chose qui se passait à l'extérieur de mon petit nombril.

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mardi, novembre 11, 2014

Ce garçon-là

Sur la table de bois, devant moi, il y avait ces mains d'artiste parées d'éclats argentés dont je ne gardais aucun souvenir. Je ne me rappelais pas non plus sa voix qui porte un drôle de timbre, vers laquelle mes oreilles se sont tout de suite tendues, dans une espèce de quête de réconfort. Je me souvenais très bien de ses yeux par contre. Moi qui ai toujours eu le chic de ne pas savoir la couleur des yeux de mes correspondants. Comment aurais-je pu avoir oublié un noir d'encre qui m'a toujours attiré vers la profondeur des confidences? En cinq minutes, il a été évident que je le connais encore par cœur. Malgré la distance établie par plus de vingt ans d'absence.

Je suis arrivée avant lui et lorsqu'il a poussé la porte, même si la pénombre me masquait ses traits, j'ai tout de suite su que ce ne pouvait être que lui; un grand mince, un peu tout croche dans la posture, un peu tout gauche dans le charme qu'il n'a jamais su posséder. Il s'est assis devant moi et nous avons eu trois heures de discussions honnêtes et vraies. Sans fla-fla ni faux semblants.

J'ai écrit, il y a plusieurs années, qu'au moment où j'ai fait sa connaissance, j'étais à peu près la seule fille, de notre année scolaire, à qui il parlait. Ce genre de souvenir d'adolescence a l'ancrage solide. Parce que c'était vrai, il l'a admis dans toute sa déconcertante simplicité. Il m'a tissé un tapis de fleurs au sujet de ma toute personnelle importance dans ses peines de cœur qu'il ne racontait à personne d'autre que moi. Il se rappelait chaque nom. Moi qui me targue d'avoir une bonne mémoire, il y avait belle lurette que je les avais oubliés.

Il m'a parlé de sa famille, celle que je connais et celle que je rencontrerai peut-être, un jour. La famille que je connais, m'avait, autrefois, complètement apprivoisée. À moins que ce ne soit l'inverse.

Il m'a parlé de sa musique, celle qu'il habite de mots et de sons. Il a déposé toute sa sensibilité devant mes yeux comme l'adolescent que j'avais connu avait l'art de le faire. Un peu comme si entre hier et aujourd'hui, il n'y avait eu qu'un battement de cœur. On s'est vautrés dans l'admiration de mon Artiste actuel, en se disant qu'il fallait qu'on aille le voir, ensemble.

La dernière fois que je l'avais vu, je n'étais pas encore tout à fait une femme et lui pas encore tout à fait un homme. On en avait l'âge légal et certains attributs, cependant il nous manquait ce petit quelque chose de l'amertume pour être vraiment adultes. La dernière fois, il avait encore les joues douces des garçons qui ne se rasent pas tous les jours. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, mes joues sont encore piquetées du rétif de sa barbe drue. Quand on s'est quittés en se promettant de remettre ça, parce que, franchement, des amitiés comme celle-là ne courent pas les rues, il a fait un geste comme pour me serrer dans ses bras. Mais il s'est retenu. Se souvenant sans doute que je suis une experte du « i » des accolades malvenues.

Sauf que je suis grande maintenant, et je pense que ça ne me dérangerais pas du tout que ce ténébreux-là me fasse un gros, gros, gros serre-fort.

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dimanche, novembre 09, 2014

Le grain de sel de l'ironie

C'était une histoire qui s'inscrivait dans les balbutiements des dialogues amoureux, pas encore totalement avoués à cause d'ancrages dans d'autres espaces affectifs qui déambulaient sur la ligne floue des ruptures à finir.

Après un mois sans nouvelles de Michel, Gabrielle avait été charmée de recevoir un message de sa part, lui annonçant son retour prochain à Montréal. Surtout que le mois avait été parsemé de doutes et de tempêtes auxquels, seuls le silence de l'isolement le plus complet pouvaient répondre.

Michel avait passé la nuit sur sa trop personnelle corde à linge à devoir calmer le jeu des reproches mérités de ses mensonges par omission. À voir souffrir une femme qu'il avait, autrefois aimée, mais qui n'était plus celle avec qui il avait envie de s'envoler. Entre le décalage horaire et les discussions nécessaires qui bouffaient les heures de la nuit, il n'avait pas beaucoup dormi. Sa seule envie était de serrer Gabrielle dans ses bras pour lui dire qu'il était-là, tout à fait présent dans l'aurore du récit à inventer. Alors Michel s'était rué sur le pas de la porte de Gabrielle en espérant accrocher son sourire et la chaleur de ses yeux.

L'existence suit cependant sa propre ligne de vie que l'ironie titille de son grain de sel.

Ce matin-là Gabrielle était partie beaucoup plus tôt qu'à son habitude et toutes tentatives de communication s'étaient perdues dans les fissures bétonnées du métro. Et Michel était resté sur son appétit, se demandant s'il n'avait pas imaginé une étincelle qui n'existait pas.

Ils s'étaient revus, plusieurs jours plus tard, elle étonnée de le voir réellement de retour, lui coincé par le doute de l'absence de réponse. Autour d'eux, il y avait une impression d'un millier de personnes qui fripaient le rythme de cette rencontre.

Michel avait fini par mettre son orgueil en boule pour dire à Gabrielle qu'il l'avait vainement attendue par un matin de bise fraîche sur le pas d'une porte désespérément muette.

Elle avait planté un baiser sur sa joue avant de lui dire : « La prochaine fois que tu as envie de me voir, tu pourrais juste me le dire un peu d'avance, comme ça je pourrais être-là. »

Michel s'était alors pris à penser que l'amour, finalement, pouvait être une histoire pas du tout compliquée.

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mercredi, novembre 05, 2014

Les heures d'avant

J'ai été élevée par une maman qui baissait le chauffage dans les nuits froides du Québec. Je dors mieux lorsqu'il fait froid que lors des nuits chaudes de l'été. Par ailleurs, il m'arrive parfois d'être coincée entre deux saisons et de me réveiller, en sueurs, incapable de me rendormir, simplement parce que j'ai trop chaud et que je n'ai plus, à portée de main, la literie légère des jours plus cléments.

Durant les dernières années, lorsque ce type de situation m'éveillait, au cours des heures d'avant l'aube, je tournais dans mon lit, jusqu'à plus soif. Mes journées étaient alors sapées par le manque de sommeil, ce qui me donnait l'impression d'être à la fois brouillée et brouillonne. À force de me battre pour trouver le repos, je finissais vaincue par un épuisement qui prenait des jours à se dissiper.

Cela n'a pourtant pas toujours été le cas. Il y a une dizaine d'années, à l'époque où écrire était facile, je savourais à pleines dents ces moments volés aux heures normales de mon existence et j'en profitais pour créer des histoires. Quand la ville dormait, que les bruits du silence étouffaient le pas des âmes assoupies de mes concitoyens, j'avais toute la liberté du monde pour me laisser aller à marcher sur la frontière du réel.

J'en profitais aussi pour écrire les courriels qui me passaient par la tête. Je m'expliquais la vie, en assommant au passage, mes amis de digressions sur tout et n'importe quoi. N'importe quoi sur tout. Mon muscle d'écriture, bien rodé était mon souffle de vie.

Revenir des limbes, n'est pas si aisé. Même si, cette fois, je ne crois pas avoir fréquenté le pays des zombies, je pense que j'en ai probablement vu l'orée à plusieurs reprises. Jusqu'à faire des crises qui demeurent inexplicables pour leurs témoins. Des crises qui m'ont laissée meurtrie et isolée durant des périodes plus ou moins longues, essentiellement parce que je ne cherchais même pas à me les expliquer. Enfin, je crois.

Ce matin, je me suis levée pour écrire. Écrire pour avancer et continuer à vivre, garder cette vibration qui m'anime depuis presque un mois.

Écrire pour partager les heures d'avant l'aube qui m'alimentent, mais uniquement si je les porte au bout de mes doigts.

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dimanche, novembre 02, 2014

S'entraîner, un jour à la fois

L'écriture est un muscle qui se travaille. Autrefois, lorsque j'écrivais presque tous les jours, il n'y avait rien à mon épreuve, je n'avais besoin que d'un sujet pour me lancer. En quelques minutes, sérieusement, je pondais une histoire. Aujourd'hui, c'est passablement plus difficile. J'ai commencé plusieurs textes, que je n'arrive pas à terminer, je ne trouve plus l'angle ni l'élan. Mais je refuse de m'arrêter en si bon chemin. Le défi que je me suis lancé est d'écrire deux textes par semaine.

En tant que moi, intensément et immensément passionnée, je suis encore totalement obnubilée par cet artiste qui accompagne le plus clair de mes heures. C'est pas mal juste là-dessus que j'ai envie d'écrire. Mais je crois que je lui ai fait peur (je lui ai demandé de lire le précédent texte). Pauvre lui, il ne sait pas qui je suis. Il ne sait pas que je ne suis pas dangereuse, que je n'ai absolument aucune envie de le kidnapper ou de me jeter dessus. Au bout du compte, je l'ai placé sur un piédestal et, selon ma bonne vieille habitude, je veux qu'il y reste. Je ne suis pas intéressée à savoir qui est l'être humain qui se cache derrière le chanteur. Et je suis nettement plus excitée à l'idée de potentiellement voir un ami que je n'ai pas vu depuis pas loin de vingt ans, qu'à l'idée de rencontrer l'Artiste.

En réalité, je veux juste continuer à exprimer tout le bien que son album me fait. Alors au lieu de le lui dire à lui, je vais le raconter aux quelques personnes qui traversent mes ailleurs.

Il chante : « Si tu m'avais connu quand j'étais vivant, je croyais être roi » Ça me sonne deux cloches. La première c'est que toute cette chanson me semble une description, assez juste, de la bipolarité et la seconde c'est que son spectacle est arrivé dans ma vie quand j'étais morte. Et que depuis lui, je suis ressuscitée.

Mon humeur est complètement transformée. Je chante et je danse à tout moment. Même quand le chat chez qui j'habite renverse une bouteille d'eau sur mon clavier et que l'outil de ma création semble kaputt, je reste heureuse. J'ai recommencé à commenter toutes sortes de choses, renoué avec mes opinions.

J'ai assisté à une chouette soirée d'Halloween, hier. Même si j'ai manqué un premier autobus et que je me suis rendue au second pour m'apercevoir que mon arrêt est temporairement hors-service ce qui m'a poussée à courir d'Ontario à Sherbrooke pour ne pas le manquer. Je vous garanti que ces mésaventures auraient été plus que suffisantes pour me ramener chez-moi, il n'y a pas si longtemps.

Pas ce coup-ci. Hier soir, je me suis rendue pareil, j'ai fait de belles rencontres et j'ai même demandé à un charmant couple, la permission de les raconter. Ce que je ferai bientôt, je présume, lorsque j'aurai assez travaillé mon muscle d'écriture pour pouvoir passer de la réalité à la fiction.


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