dimanche, mars 29, 2015

Bouillir

J'étais particulièrement en colère ce soir-là. En colère contre un garçon de ma connaissance qui m'avait fait savoir qu'il ne désirait plus me fréquenter, en colère contre un paquet d'autres choses aussi, qui n'allaient pas très bien dans ma vie.

Je ne saurai sans doute jamais ce que je pouvais bien dégager à ce moment précis, toujours est-il que j'ai rarement attiré autant de commentaires que ce soir-là.

C'était un soir d'impro, à l'époque où j'animais des matchs hebdomadairement. Ce qui faisait en sorte que je sois sortie de ma tanière malgré mon humeur massacrante. J'avais une entente avec un joueur : je lui trouvais trois mots par soir à glisser quelque part dans ses apparitions. Ce soir-là, j'avais sorti « ignifugé » de ma manche, par pur esprit de provocation, et parce que ma mauvaise foi légendaire, quand je suis de mauvais poil, avait évidemment pris le dessus. Le joueur en question avait, bien entendu, relevé, adéquatement, mon défi, me faisant rire et adoucissant au passage mes plumes hérissées.

Mais certains jours ne nous laissent pas de répit. Ainsi, à la fin du match, j'étais plantée près du bar pour demander je ne me rappelle plus trop quoi au barman (nous avions des consommations gratuites dans l'arrière scène), et là, un gars que je n'avais jamais vu de ma vie me dit : « Tu ne devrais pas t'habiller de même, t'as l'air grosse ». J'ai figé, et vu encore plus rouge qu'en début de soirée. Comme pour faire exprès, son commentaire est tombé dans un silence entre deux pièce musicales, enfin, c'est l'impression que j'en garde étant donné que tout le monde dans le secteur nous regardait.

J'ai serré le dents avant de me retourner et de lui demander :  « Est-ce que ça t'as fait du bien de me dire cela? » Et lui de me lancer quelque chose dans le genre qu'il me disait ça pour moi ou une autre ineptie dans le même genre. J'ai répété ma question et il s'est remis à patiner dans le même sens. J'ai fini par lui dire : « Ben, si ça ne t'as pas fait du bien de me le dire, pourquoi tu l'as fait? Moi, ça ne m'a pas fait plaisir de l'entendre et si tu me trouve laide, il y a sûrement au moins une fille ici que tu trouves de ton goût, alors au lieu de gaspiller ta salive avec moi, va donc lui dire à elle, qu'elle est jolie, si tu en as le courage ».

Je pense que c'est la seule fois de toute ma vie que j'ai dit les bonnes répliques au bon moment, au lieu de les penser deux heures plus tard quand elles n'auraient plus d'impact.

Je retournais tranquillement vers l'arrière scène, quand un gars que je ne connaissais pas davantage que le premier m'a attrapée par le bras et plaqué un baisé aussi vif que surprenant sur les lèvres. Je l'ai regardée, ébahie, il m'a sourit et est parti.

Je ne l'ai jamais revu.

Depuis ce temps là, je me dis qu'il doit y avoir quelque chose d'hormonal quand je boue, comme je bouillais ce soir-là. Sinon, comment pourrais-je m'expliquer qu'autant d'événements inattendus me soient arrivés en aussi peu de temps?

Libellés :

jeudi, mars 26, 2015

Une saison en ascenseur

Je me rappelle encore ce jour de printemps du cinquième secondaire d'Alex. Elle était débarqué chez-moi, selon sa bonne habitude, avec tout son fatras d'écolière. Je lui trouvais quelque chose de différent sans être capable de saisir d'où cette impression me venait.

Pendant la première heure de cette visite, elle avait agit selon de la même manière qu'à l'ordinaire. Cependant, plus le temps passait, plus je me disais que quelque chose la taraudait. Intensément.

Elle avait finit par me demander tout à trac : « Marc, toi est-ce que tu connais des ressources pour une fille qui est enceinte, à mon âge? »

J'étais resté saisi. Lors de notre dernière discussion sur les gars et l'amour, elle me donnait l'impression d'être intéressée par les découvertes, pas de les avoir expérimentées. Mais bon, comment un gars gauche, pas tout à fait inexpérimenté, mais pas un grand séducteur non plus, pouvait répondre à une jeune demoiselle de seize ans, à ce genre de questions?

J'avais osé un : «  C'est pour toi? » Auquel elle avait répondu : « Ben, non voyons! » Trop assuré pour que j'y crois totalement.

Ne sachant trop quoi lui répondre, nous avions écumé l'internet ensemble, même si elle m'affirmait avoir tout fait cela, auparavant. Comme, selon ses dires, ce n'était pas pour elle, nous n'avions pris aucun rendez-vous et je l'avais laissée partir tout chose, inquiet pour ma jeune amie que j'avais l'impression de ne plus connaître.

Dans les semaines et les mois qui ont suivit, je ne l'ai revue que de temps à autres : elle ne venait plus écumer ses fins de journées à la maison. Comme si je ne faisait plus partie de sa vie d'adulte.

Je la regardais passer sous mes fenêtres, angoissé de voir sa silhouette se transformer, les mois d'été étant impénitents pour les jeunes filles en fleurs qui laissent pousser une vie en leur sein.

Je n'osais aller m'enquérir directement de l'état des choses, surtout parce qu'elle était beaucoup moins présente, en ces mois d'été, prise par son premier travail d'été.

Et puis un jour de septembre, après son premier gros party de cégep, elle avait déboulé les escaliers (vers le haut) jusque chez-moi pour me remercier de l'avoir aidée le printemps précédent, en m'annonçant, de but en blanc : « Finalement, je n'ai pas eu à fabriquer un ange, mais t'es encore la seule personne, sur cette Terre à savoir que j'ai eu peur. »

Je me suis alors fait la réflexion que je devrais approfondir ma propension à poser un peu plus de questions aux gens qui m'entourent, et que j'aime, histoire de ne pas passer un autre autre saison en ascenseur.


Libellés :

dimanche, mars 22, 2015

Les coups

Il y a des coups qui vous tombent sur la figure à des moment importuns. La plupart du temps, en réalité, à moins d'en faire votre gagne pain. Mais si vous êtes une femme amoureuse, il est possible qu'une toute petite infidélité, même mentale, vous assomme plus certainement que n'importe quel upper cut.

Si vous êtes amoureuse et qu'il se questionne sur le sens du sentiment amoureux, les chances sont fortes pour que vous ne sachiez plus quels sont vos véritables repères dans l'existence.

Si vous travaillez avec lui depuis presque aussi longtemps que votre emploi à un même endroit et qu'il vous dise nonchalamment, que ses plans sont ailleurs. Vous resterez sur votre appétit.

Si vous vivez une situations familiale particulièrement difficile et que l'objet de cette difficulté persiste à se présenter à votre travail, il est fort probable que vous soyez remuée.

Ces coups-là sont inattendus et généralement malvenus.

Si toutes ces conditions s'additionnent et que vous persistez à offrir un accueil hors pair à toues les gens qui vous environnent, alors... Alors non seulement vous gagnez mon admiration, mais je vous trouve particulièrement forte. Forte et audacieuse devant la vie qui est sans merci pour la majorité d'entre nous.

Vos larmes amères ne sont pas des faiblesses; elles sont le résultats d'épreuves que peu d'entre-nous peuvent traverser sans les verser. J'ajouterais que ceux qui ne les versent pas se murent dans des tourelles de verre pour se laisser croire que rien ne les atteint. Ou donner le change, c'est selon. Je le sais très bien, j'ai arrêté de pleuré pendant une dizaine d'années. Heureusement, j'ai mûri depuis et je sais désormais que les pleurs ne sont pas un signe de faiblesse ou d'abnégation. Bien au contraire, je suis convaincue que les gens qui savent laisser aller jusque dans leurs yeux, leurs émois, sont bien plus forts que moi. À condition que ce soit sincère et non une tentative de manipulation. Auquel cas je deviens incroyablement impatiente.

Il y a de ces coups qui vous assomment et vous obligent à vous demander quelle sera la suite de votre cheminement.

Des coups qui vous font presque perdre complètement la tête

Des coups qui se lovent autour de votre cœur.

Il y a des coups qui vous amènent loin de vos schèmes habituels, jusqu'à mentir. Pour préserver l'absolu.

Je n'ai pas la science infuse, je ne connais pas l'avenir, j'aimerais pouvoir affirmer hors de tout doute que tel chemin est meilleur qu'un autre.

Mais il est fort probable que dans ma volonté de protéger tout un chacun, j'aie tort.

Parce que, s'il y a une chose que j'ai comprise à travers les années, c'est que les sentiments ne se calculent ni se mesurent à aucune aune. Il sont, tout bonnement.

Libellés :

mardi, mars 17, 2015

Cousine

Elle me connaît depuis avant ma naissance. Pas tant avant, mais les quelques six mois d'âge qui nous séparent font en sorte qu'elle a dû entendre parler de moi avant que j'entende parler d'elle. Je n'ai aucun souvenir de ma propre existence où elle n'a pas été mon amie. En fait, elle a sans doute été ma toute première amie.

Nous avons passé une enfance à se voir régulièrement. Dormant l'une chez l'autre, de temps à autres. J'ai des mémoires de très petite enfance, quand ma chambre était à l'étage et le salon au rez-de-chaussée, avec son mur en miroirs très années soixante, devant lequel on s'installait, à l'heure des poules (traduire avant que mes parents ne soient levés pour nous faire à déjeuner), pour parler à nos doubles dans lesdits miroirs. Nos amies imaginaires avaient des visages; les nôtres.

Nous avons traversé ensemble, à quelque distance, quartiers et écoles différentes obligent, les années de l'adolescence. En étant totalement différentes, mais en s'aimant beaucoup. Notre plus grand point d'ancrage est sans doute un amour inconsidéré pour Corey Hart. Les adolescentes émoustillées que nous étions sont restées sensibles à son charme et à tout ce qu'il a, un jour, représenté pour nous. Nous avons dépensé une petite fortune pour le voir une dernière fois en spectacle, et c'est une des plus belles soirées de mon année 2014.

C'est une optimiste maniant un humour fin qui me fait encore beaucoup rire aujourd'hui De nous deux, elle est incontestablement la plus sage, la plus réaliste, la plus posée surtout. Ne s'emportant que très rarement. Lorsque ça arrive, évidemment, c'est tout un orage qui gronde. Elle m'est toujours apparue comme celle qui faisait les bons choix. Mais, comme tout le monde, elle a eu son lot de heurts et de mésaventures de toutes sortes. Nous ne sommes plus aussi proches que nous l'avons été. Par contre, comme nous partageons un certain lien de sang par nos mères, peu de choses nous échappent. On ne s'en parle pas nécessairement, mais on sait que l'autre sait.

Comme dans bien des relations qui s'étendent sur plusieurs décennies, les ponts se sont un peu distendus, sauf qu'à chaque fois qu'on se voit, les discussions repartent là où on les avaient laissées lors de notre précédente rencontre et s'envolent sans effort, dans toutes les directions où on voudra bien les diriger.

Dans les dernières années, elle a vécu sont lot de soubresauts et de sauts. Des choses qui m'arracheraient le cœur et me laisseraient démunie devant la vie. Elle, elle fait face, vaillamment. C'est une femme de courage et de force. Une femme que j'admire énormément.

Ce soir, elle a demandé, publiquement, une dose de pensées positives.

Alors j'ai fait la seule chose que je sache faire, écrire.

Pour toi, ma cousine, mon amie, mon intime, je t'aime.

Libellés : ,

dimanche, mars 15, 2015

Dommages collatéraux

Lorsque j'étudiais à l'université, j'ai entrepris un mémoire de maîtrise sur les confessions sexuées dans le Québec du XIXe siècle. Mémoire que je n'ai jamais terminé parce que je suis un jour entrée de plein pieds dans le pays des zombies. Ceci implique, cependant que mon intérêt pour le féminisme ne date pas d'hier et je sais que celui sur les religions m'accompagne depuis plus longtemps encore.

Il va sans dire que l'actualité me bouleverse. Moi qui, dans l'innocence de la vingtaine, étais convaincue que les guerres de religions étaient des aventures historiques. Mettons que je suis rattrapée par la réalité. Ça blesse mon cœur d'être humain, ça sape mon cœur de femme.

Quand je lis que des femmes joignent les rangs des extrémismes qui font les unes des journaux, parce qu'un individu, qu'elles n'ont souvent jamais vus, avant d'entreprendre un voyage vers ce qu'elles croient sinon être un salut, au moins une raison de vivre et d'avoir une place qui leur appartiennent, j'ai envie de pleurer. Pleurer sur les manquements à l'éducation de nos société. J'ai mal aux mémoires collectives qui ne sont pas cultivées.

Dans toutes les histoires de guerres que je connais, et j'en connais plusieurs, les femmes ont été des trophées, des victimes, des violées, parce que la biologie fait en sorte qu'elles sont les terres à fertiliser pour perpétuer ce que que l'on veut perpétuer. Elles paient, incontestablement, le fort prix des luttes à finir. Qu'elles le fassent de leur plein gré, ou contre leur gré.

J'ai, par contre, beaucoup de peine à croire qu'un libre arbitre quelconque soit présent lorsque j'apprends qu'une fillette, ou un garçonnet, ayant à peine atteint l'âge de raison soit l'explosif humain qui détruit un centre commercial, une ambassade ou autre lieu public. Ces enfants ne sont que de la chair à déchiqueter, sans aucune espèce d'importance pour une idée de ce qu'est censé être le plus grand bien, mais qu'ils ne peuvent pas comprendre.

J'ai choisi d'étudier en sciences humaines. J'en comprends les lacunes, elles ne sont pas des sciences exactes. Chaque thèse, mémoire, article, écrits dans ces domaines sont, fondamentalement teintés par la personnalité et les partis pris de la personne qui les compose. C'est une part inhérente à ce genre de procédé, et les auteurs en sont conscients. Les rigoureux, iront toujours consulter ceux qui sont en désaccord avec leurs présupposés de base et les lecteurs impénitents pourront toujours les retrouver en consultant les bibliographies. C'est le paravent qu'ont conçu les intellectuels pour prévenir leurs propres manquements.

Mon présupposé tout personnel, c'est que c'est l'Homme qui a créé Dieu et non l'inverse. Forcément, il m'apparaît surréaliste qu'on puisse assassiner impunément ici en espérant avoir une meilleure vie de l'autre côté de l'existence.

Moi qui ai choisi d'étudier les sciences humaines parce que l'humanité m'intéresse. Depuis quelques mois, j'ai l'impression qu'elle me fait plus de mal que de bien.

Libellés :

jeudi, mars 12, 2015

Un dimanche à l'opéra, seconde partie

Lorsqu'on a pas, ou peu, l'occasion de voir des amies qui sont collées sur notre cœur, malgré la distance, les années, les vies qui vont dans toutes sortes de directions différentes, et que la rencontre a lieu; on a les mots qui nous titillent le bout des doigts. Enfin, j'ai les mots qui me titillent le bout des doigts.

Dimanche dernier, donc, nous sommes allées à l'opéra. Parce que Ju participait à une pièce, foulant pour la première fois, la scène, depuis plus d'une décennie. Elle qui est habitée par la musique comme je le suis par les mots. Mais comme moi, elle a choisi de pratiquer son art pour elle-même plutôt que pour gagner sa vie.

C'est San qui nous a mises en mouvement, c'est elle qui a manifesté l'importance de l'événement et la nécessité d'y aller. La suite appartient à toutes, puisque nous avons collectivement fait fi des agendas et des impondérables pour nous réunir. Ça lui ressemble bien d'ailleurs, réunir plein de gens autour d'un événement, en toute discrétion. Mais l'orfèvre, celle qui a pu faire en sorte que les billets se sont passés de mains en mains, c'est évidemment Alexe, la pragmatique voisine de la chanteuse que nous allions admirer. Il y a de ça dans l'amitié, toutes sortes d'archétypes dans les personnages en présence qui se cantonnent plus souvent qu'autrement dans les rôles que l'on attend les unes des autres, mais si le sentiment est sincère, tous celles-ci savent pertinemment qu'elles peuvent sortir de leur carcan.

Personne dans notre groupe, sauf moi, ne connaissait la pièce que nous allions voir. Et je la connaissais de nom parce que dans les romans d'amour insipides que j'aime lire, elle est souvent citée. En la voyant, j'ai compris pourquoi :j'ai eu sous les yeux un roman d'amour victorien à la finale facilement bouclée et franchement trop rose bonbon. Le pire du pire. Ceci étant dit, la pièce est une super belle manière d'apprivoiser le chant classique, parce que la drôlerie et la légèreté du propos, rend le tout tout accessible pour des oreilles novices.

Notre groupuscule aurait aimé que les choristes soient un peu plus solistes, histoire de pouvoir déceler plus distinctement la voix de Ju, parmi toutes les autres. Par contre, nous sommes toutes particulièrement heureuses de l'avoir simplement vue sur scène.

Il faut savoir que ce noyau s'est constitué au hasard des horaires de soir, je dirais. Le seul point commun que nous ayons ensemble est d'avoir passé de longues soirées à la librairie. Enfin, presque toutes. Parce que Lew n'a jamais travaillé avec nous. Il est l'amoureux de M et s'est joint à nos bières bimensuelles l'air de rien, sans que qui que ce soit ait l'idée de trouver qu'il ne cadrait pas dans notre décor féminin.

On remarquera ici que je conjugue le groupe au féminin depuis deux textes, malgré le fait qu'il y ait un gars dans l'unité.

Et je sais qu'il est particulièrement fier d'être une fille dans la gang de filles parce que ça lui donne un accès à notre intimité que peu de gars peuvent se vanter d'avoir, même une seconde, obtenu.

Libellés : ,

mardi, mars 10, 2015

Un dimance à l'opéra

Pendant deux ou trois ans, on s'était vues tous les jeudis de paie, ou presque. Petits rendez-vous informels qui nous réunissaient dans les mêmes endroits, histoire de nous changer les idées et de pelleter des nuages, au passage. Quatre d'entre nous ayant partagé le même appartement, un an. Nous sommes donc un groupe de six, aux liens serrés, mais dont les mailles se sont plus ou moins relâchées, durant les sept dernières années. Se voir, même en duo, tient des douze travaux (d'Hercule, ou d'Astérix, selon vos préférences).

La semaine dernière, on a réussi le tour de force de trouver un moment où nous étions disponibles toutes les six. M'enfin cinq parmi les six pour aller voir la dernière qui s'est lancée dans le vide pour revenir à ses anciennes amours musicales.

Revenons en arrière; j'ai fait la connaissance de toutes ces gens lorsque j'ai commencé à travailler à la librairie. Aucunes d'entre elles dans les tous premiers mois, mais elles en sont devenues les ancrages permanents. Celles avec lesquelles le contact peut encore exister, même si j'ai traversé du côté patronal, même si toutes les autres ont quitté le milieu, depuis quelques temps déjà.

L'une d'entre-nous est retourné aux études pour devenir thanatologue. Grande entreprise. Elle qui avait entamé son collégial en chant classique, c'était tout un changement sémantique de son orientation de vie, à quelques années d’intervalle. Mais une fois installée dans sa nouvelle profession, les étranges détours du destin l'ont remise sur le chemin du chant classique, comme passe-temps, cette fois-ci.

Elle a déménagé dans l'ouest de l'île, parce que pour son travail, c'était plus simple. Posant ainsi ses assises dans un milieu qui est à des kilomètres culturels et linguistiques de celui duquel elle provient. Elle se cherchait des amis et s'est dans ses premières passions qu'elle les y a trouvés. D'où le dimanche à l'opéra.

C'est ce qui a amené les cinq autres à Pointe-Claire par un joli dimanche après-midi, presque printanier. Nous avions toutes revêtues de beaux atours, pour l'occasion. Et nous étions fort excitées dans la salle avant le début du spectacle. On parcourait le programme dans tous les sens, ravies de voir que notre amie y apparaissait, nommément, deux fois.

Lorsque les lumières se sont tamisées, le public, presque uniquement anglophone, s'est levé d'un seul bloc, la main sur le cœur et a entamé le « Oh Canada ». Nous, on est restées un peu saisies, puis on s'est levées, en réalisant qu'on ne connaissait que la version « hockey » de l'hymne national. Nous n'avons même pas vraiment essayé de le chanter, trop prises que nous étions par le fou-rire...

Comme quoi il n'est pas nécessaire d'aller bien loin de chez-soi pour vivre un vrai beau choc culturel.

Libellés :

dimanche, mars 08, 2015

De chairs et d'émotions

J'ai envie de rendre hommage aux femmes, parce qu'ont est le 8 mars. Journée internationale des femmes.

Ça me hérisse complètement lorsque j'entends des gens dire, un peu partout, que c'est la journée de la femme. Comme si nous étions toutes semblables. Comme si la féminitude était une entité sans aspérité.

Nous sommes des réalités complexes, avec des histoires aussi individuelles qu'il y a de femmes dans l'univers que l'on partage.

Avec ou sans éducation. Quel que soit le continent sur lequel nous habitons, la culture dans laquelle nous vivons.

Nous sommes les premières victimes des guerres que nous ne commandons que rarement.

Nous sommes filles, des sœurs, des amoureuses, des mères.

Nous sommes des traîtresses, des vilaines, des couteaux à doubles tranchants.

Nous sommes des colères, des impulsions, des joies, de la générosité, des faux semblants et de la retenue, aussi, parfois.

Nous sommes têtues, aptes, capables, aimantes, encourageantes et décourageantes à nos heures.

Nous sommes, peur, contrainte, émancipation et courage.

Nous sommes les premières de classe mais les hommes ont encore de meilleurs salaires que les nôtres.

Nous sommes jugées sur l'apparence (et nous sommes les pires bourreaux de nos semblables).

Nous sommes conviées à des colloques qui se situent près de centres commerciaux, comme si notre frivolité naturelle escamotait notre esprit crique.

Nous sommes ces qualités et ces préjugés qui peuvent nous convenir à certains moments de nos vies, mais il n'y a pas deux femmes qui puissent affirmer qu'elles sont continuellement au diapason d'une autre.

Nous sommes de chairs et d'émotions.

Nous sommes différentes et uniques.

Et fières de l'être.

Du moins, je l'espère.

Libellés :

mercredi, mars 04, 2015

Princesse de paille

C'était une princesse de paille qui étalait la richesse de son père, bardé de brevets, comme d'autres portent leurs étendards. Elle n'avait rien de plus où de moins que la majorité du groupe, cependant, son nom de famille, à lui seul, lui assurait une certaine notoriété. Elle était toujours invitée partout, dans tous les partys dignes de ce nom.

Elle avait un an d'école, donc deux ans de vie, de moins que moi. Cela ne l'empêchait nullement de me traiter de haut parce que je n'avais pas l'heur d'être une personne populaire. Honnêtement, je ne crois pas que je m'en fichais, mais je me frayais un chemin qui m'appartenait. Et si la gang ne s'intéressait à moi que pour me dénigrer, j'en prenait mon parti parce que je savais pertinemment que certaines de ses parties, m'aimaient bien, pour ce que j'étais.

Je crois que j'ai toujours été une fille allumée, capable de répartie, apte à expliquer clairement, sinon cordialement, son point de vue sur des sujets allant dans toutes les directions. Sauf que je n'ai jamais été de celles qui pouvait monnayer les amitiés. Aujourd'hui, j'en suis fort aise. Adolescente, je trouvais cette situation passablement injuste.

Je ne me rappelle absolument plus comment il se fait qu'une fin de semaine, je me sois retrouvée dans une énorme fête d'école secondaire, chez-elle. Elle ne m'y avait probablement pas invitée. Mais on sait ce que c'est, une fête, relativement intime d'amis, quand les parents sont partis, lorsqu'on est encore à l'école secondaire, se transforme rapidement en quelque chose d'incontrôlable.

Ce dont je me souviens par contre, c'est que c'est moi qui suis allée à la pêche aux corps amortis dans la piscine intérieure du domicile. Personne, sauf moi et un gars dont je ne garde aucune autre mémoire que cette pêche miraculeuse, ne semblait s'apercevoir du danger qu'il y avait à laisser couler des adolescents trop embrumés par l'alcool ou les drogues dans cette étendue d'eau, dans laquelle on n'avait pas toujours pieds.

C'est moi qui ai fini par appeler la police. Je n'avais pas assez de bras, et encore moins d'arguments de fille plate, pour maîtriser la situation. Dire que ma réputation, en a pris pour son rhume, déjà qu'elle n'était pas particulièrement reluisante, n'a aucune commune mesure avec la réalité. Mais je persiste à croire que j'ai bien fait.

La semaine dernière, je l'ai recroisée, elle, sur la rue Ontario. Petite princesse de paille sur des talons beaucoup trop hauts pour le monde ordinaire. Elle qui avait été notre princesse à tous, me donnait l'impression de paraître trois fois mon âge.

Je me suis alors dit c'est un tribut que je suis heureuse de ne pas avoir à payer.

Libellés :

dimanche, mars 01, 2015

Alexandre Désilets

La salle était fort jolie, mais tout aussi petite. L'ambiance était feutrée, comme si nous étions sur le point d'assister à un ballet classique. Pourtant, sur la scène, la mise en place ne laissait planer aucun doute sur le fait qu'il y allait y avoir là un spectacle pop, tous les filages et les instruments parlaient en ce sens.

La salle ne s'est pas remplie, à mon grand étonnement. C'était la deuxième fois que je voyais le même spectacle, et j'ai stressé tout le mois de décembre à avoir peur qu'il n'y ait plus de billets lorsque je pourrais avoir les miens. J'ai eu peur pour rien, faut croire.

Et pourtant... Il donne tout un spectacle, quelle que soit la salle devant lui. Y mettant tout son cœur et toute son âme, je crois. Surtout, y mettant tout le plaisir qu'il a à chanter. L'effet a été exactement le même, pour moi, que le 9 octobre dernier. Même impression de voir un jeune homme vibrer si fort que les murs pourraient en trembler. Et mon cœur s'est mis à revivre, encore. Pas le cœur amoureux, celui qui fait circuler le sang dans mes veines, celui qui fait en sorte que je suis animée, bien dans ma peau, heureuse d'avancer dans l'existence.

Parce que la salle était petite, il nous a fait la fleur de nous laisser choisir la première pièce de son rappel, qu'il a fait a cappella, simplement accompagné de son guitariste. Dire que c'est une des plus belle chose qu'il m'ait été donné à entendre, est bien en deçà de la réalité. C'était majestueux. Nous avons tous, humblement, escaladé l'ivresse jusqu'à plus soif. Je crois.

Au cours des derniers mois, j'ai échangé quelques courriels avec lui par le biais des réseaux-sociaux. Je savais donc, à l'avance, qu'il est très gentil avec son public en général, et moi en particulier. À la fin du spectacle, la salle s'est rapidement vidée, mais je suis restée, pour avoir une chance de lui parler. Quand il est revenu sur scène pour commencer à la démonter, je suis allée me présenter. Il le fallait. Je devais lui dire de vive voix tout le bien qu'il m'a fait. Lui dire que j'avais renoué avec ma propre créativité et ma folie toute personnelle au contact de ses spectacles, de sa musique et des textes. Des textes qu'il sait si bien écrire, avec Mathieu Leclerc, que je ne connais pas, mais à qui je dois aussi beaucoup de bonheur semble-t-il, parce qu'ils travaillent en si étroite collaboration, en ce domaine, qu'aucun des deux ne serait capable de me dire qui a pensé une strophe ou une autre.

Je suis revenue à Montréal, habitée par une performance solide, un contact bref, mais plus que cordial.

Que je ne vois personne me dire que c'est une mauvaise idée de se dénoncer comme fan d'un artiste, lorsqu'on en a l'occasion. Je suis convaincue du contraire, convaincue qu'on a tout à y gagner.

Je ne sais vraiment pas quelle sera ma prochaine toquade artistique, mais elle viendra bien hanter mes jours et mes nuits, et je compte bien aller jusqu'à la dénonciation une fois encore, au cas-où ça pourrait me faire plaisir.

Libellés :