J'ai été une enfant et
une adolescente joyeuse, je crois. Ma mère m'a déjà raconté que
je riais toute petite dans mon berceau, petite Mathilde déjà en
quête d'une certaine reconnaissance. Avant l'adolescence, il ne
m'était jamais passé par l'esprit de me trouvé autrement que
jolie. Pas belle nécessairement, mais jolie, au moins.
Puis j'ai eu des amies
qui trouvaient abominable que
je ne me me décrive pas comme pleine d'imperfections et qui ont mis
le doigt sur celles qu'elles me voyaient. Et j'y ai cru. Petites
mesquineries rien que normales qui ont porté leur fruits jusqu'à ce
que je sois convaincue de leur véracité. C'est une histoire banale,
à travers laquelle beaucoup de filles passent.
J'étais
romantique, complètement et irrémédiablement. Je m'engageais dans
l'existence à coups de gueule et de butoir. À coups d'idéaux
aussi. Je rêvais d'amour en lettres majuscules. Je rêvais de ces
amours impossibles qui durent toute une vie après un seul regard, de
celles qui font souffrir, parce que je ne savais pas mesurer
autrement un sentiment, mais qui paradoxalement réparent et
permettent à une famille d'y naître.
Évidemment,
cette vison de l'amour, complètement déglinguée, ne m'aura poussée
qu'à me mettre en déséquilibre. Profondément en déséquilibre.
Attirée, à vingt ans à peine, par la spirale tenace de ma propre
lourdeur, parce que l'homme qui partageait ma vie ne me choisissait
pas toujours avant de se choisir lui. En fait, il ne nous choisissait
pas souvent et moi encore moins. Déjà après, une première rupture
amoureuse, je regardais l'orée fascinante de ce que j'appellerais,
plus tard, le pays des zombies.
Ce
n'est que dix ans plus tard que j'ai fini par y sombrer. Avec tout
mon essence passionnée. Je me suis un jour retrouvée toute seule
dans un marécage gluant dont je ne percevais plus le fond. Il
m'était facile de me convaincre que je ne valait pas la peine de
rien, j'étais sans diplôme, sans métier, sans argent. J'avais
grossis aussi, beaucoup et je ne m'étais pas habituée à ma
silhouette épaissie. Je ne me voyais que comme la somme de mes
dettes et de mes manquements.
Plus
encore, comme j'ai la mémoire aiguisée, j'avais la certitude que
les seuls souvenirs que j'avais pu laisser dans mon sillages étaient
ceux des erreurs, des mots mal avisés que j'avais pu, un jour ou
l'autre prononcer. Parce que je me souvenais avec vivacité de tous
ceux-là, en écartant du revers de la main, tout ce que j'avais pu
faire, ou être de bien.
La
remontée fut longue et ardue. Un chemin parsemé d'embûches.
Accompagnée, tout du long par le magnétisme constant de la zone que
je tentais de quitter. Portant en moi, désormais, une conscience
lancinante de ma fragilité, du fait que je ne suis pas une héroïne
indomptable et qu'il me faille m'avouer que j'ai parfois besoin
d'être seule, régulièrement besoin d'aide, à différents degrés,
et souvent besoin d'écrire.
Aujourd'hui,
on cause pour la cause et si mon cas pouvait, ne serait qu'être un
hameçon pour quelqu'un qui ne croit plus en soi, les longues années
que j'ai pris à me reconstruire en auront largement valut la peine.
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