samedi, mai 28, 2016

La journée spéciale

Tu te demandais pourquoi, depuis quelques temps, tu acceptais toutes les invitations du samedi soir, quand c'était pour toi, le dernier jour de semaines souvent trop longues, pleines de monde que tu ne connaissais pas.

Ce samedi ne faisait en aucun cas exception. Même si l'envie d'y être se disputait âprement avec l'envie de ne pas y faire apparition. Mais bon, une fois encore tu avais donné ta parole d'amie et cette parole-là, pour toi, vaut de l'or. Alors mauvaise ou bonne foi dans la manche, tu t'y étais rendue.

La majorité des convives étaient arrivés bien avant toi. Le soleil faisant, la détente et tout ce qui s'en suit faisant leur effet, tu te sentais un peu déphasée. Si tu connaissais certains visages, tu étais un satellite dans l'environnement, de manière assez évidente. Un satellite bienvenu, accepté et intégré. Avec des retrouvailles à quelques dizaines d'années d'intervalles entre ces hiers et les aujourd'huis.. Des gens que tu ne connaissais plus sinon que par les nouvelles éparses que tu glanais de temps à autres auprès de l'ami commun que l'on fêtait en ce jour.

Et puis, tu avais décidé de suivre un cerf-volant, de loin, parce que tu te rappelais des échecs cuisants de ton enfance à essayer d'en faire voler, mais il y avait une enfant dont la maman était partie faire une course qui avait bien envie d'aller courir après le dragon dans le ciel. En te rendant sur les lieux du crime à venir, tu avais annoncé à l'enfant en question que tu avais connu sa mère dans une autre vie, histoire de tisser un lien et tu avais eu le réflexe de demander à la fillette en question si elle aimait lire. Grand bien t'en fit. La question était à peine terminée qu'elle laçait sa petite menotte à la tienne. Confiance et abandon. Ton cœur s'était serré à ce geste et avait fondu quelques pas plus loin quand c'est tout ton bras qui avait été enserré, pour te montrer ton importance du moment.

À cet instant, tu avais senti l'émotion partir du sol que tu foulais pour aller se réverbérer jusque dans le moindre de tes cheveux. Quelque chose de grand et de beau. Tu reconnaissais l'importance de l'offrande amicale, la générosité du geste. Tu savais que les enfants ne faisaient pas confiance sans raison aux femmes qu'ils ne connaissent presque pas, sinon lorsque leur instinct leur dictait de se laisser aller parce que geste en valait la peine.

Et tu n'avais pu faire autrement que te partir rapidement parce que tu avais compris que les grosses montées d'émotions te rendaient friable à la colère. Même si tu n'avais aucune raison de te fâcher, le fragile équilibre entre toi et toi demandait un certain recul. Tu sentais les larmes frôler tes paupières et tu étais consciente de ne pouvoir les verser en public, même si les émotions qui les sous-tendaient étaient positives. Tu avais appris à tes dépends que tu gérais très mal ces vagues émotionnelles.

Tu avais quitté juste à temps, à temps pour faire le chemins du retour les larmes coulant allègrement sur le rond de tes joues. Avec en tête le titre imposé par ta nouvelle amie « la journée spéciale ».

Ce qu'elle fut.

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jeudi, mai 26, 2016

À hauteur d'homme

On m'a accordé une petite liberté et je me demande bien ce que je pourrais en faire.

J'ai plusieurs options, plusieurs directions à prendre, potentiellement. Par-là, il y a mon grand ami blond. Sauf qu'il n'a pas le droit de bouger de son coin, pour le moment. Ce qui fait que ce serait un peu plus plate que d'habitude si j'allais le voir. Ce n'est donc pas une option très tentante.

Par ici, il y a le petit garçon qui sourit. Il est drôle lui, il fait toujours les mêmes choses que moi, si je bouge la jambe droite (ce que je fais presque toujours), il le fait, si je tend la main, il le fait, si je ris, il rit mais quand j'essaie de le toucher, il disparaît complètement derrière ma main. Je ne comprend pas très bien comment il fait pour se cacher tout entier dans ma main, sauf que je vois bien que c'est ce qui se passe. J'essaie de mon mieux de ne pas le faire disparaître et je reste quelque temps fasciné à le voir disparaître et réapparaître.

Puis, je me dis que je pourrais prendre une autre direction, ce que je fais, mais à toutes les fois où je pars vers ce là-bas, je reviens systématiquement à la case départ. Ce n'est pas de mon fait : c'est le sol qui glisse sous-moi et me ramène d'où je suis parti. Je ne trouve pas ça très rigolo. Il me faut donc, encore une fois, changer mes plans. Soupir, gros soupir.

Je regarde autour de moi et je me dis que je pourrais bien aller chercher mon livre, ça c'est un bon plan. Je le fais et je me plonge dans la lecture avec délectation. Dans le livre, il y a aussi le petite garçon qui sourit. L'image est cependant moins claire et moins grande que celui dont je parlais tantôt. Il y a aussi des bruits. J'aime ces bruits. Mon ami blond les aime aussi, on dirait qu'il pense qu'ils sont pour lui, mais il se trompe, ces bruits-là sont pour moi tout seul, c'est maman qui le dit.

En parlant de maman, je l'entend parler dans une autre direction. Je pourrais peut-être aller voir où elle est. Je ne la vois pas, mais je reconnais très bien sa voix et son odeur. Allez, je me secoue et repars en quête. Je suis pas mal certain d'approcher de mon but parce que son odeur est de plus en plus forte. Ça sent bon une maman, je crois que c'est le plus beau parfum du monde. Un drôle de mélange de sucré, de salé et de lait aussi.

En chemin, je croise des petites billes bien rouges et bien luisantes. Je me demande bien ce que c'est. Les billes bougent toutes seules. Ça m'intrigue vraiment beaucoup. Et comme je découvre le monde par le goût, je prends une grosse croquée de bille avec mes petites dents aussi blanches que les billes sont rouges.

C'est là que j'entends maman, du rire plein la voix, qui dit : « Chatou! Qu'est-ce que tu fais? Tu mors mes orteils? » D'abord, je ne sais pas ce que sont des orteils, mais je sais que j'aime ça quand il y a du rire dans la voix de maman alors je mors dans une deuxième bille rouge, juste pour voir, et c'est à ce moment précis que quatre têtes rieuses apparaissent sous la table où je me suis âprement rendu et moi je les regarde, bien fier de mon coup, avec le pied de maman dans ma bouche.

Ça, c'était une belle aventure. Demain, peut-être, je recommencerai.

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samedi, mai 21, 2016

S'ouvrir les yeux

Il avançait de cette démarche chaloupée, propre aux gens dont le corps s'est usé à grande vitesse. À la fois hésitant et assuré. Ses épaules étaient larges et crevaient le t-shirt trop une taille trop petite pour lui. Mais sa taille était si mince, qu'à cet endroit de son corps, le t-shirt semblait surdimensionné. Je ne voulais pas réellement l'observer, sauf que mon pas se rythmait au sien et je ne voyais pas l'utilité de changer ma trajectoire habituelle, simplement pour ne pas avoir l'impression de suivre ce jeune homme.

C'était une belle journée de mai, le soleil dardait ses rayons sur les passants. Peu habitué à de chauds rayons, le jeune homme portait un chandail à capuchon sur sa tête, les manches pendant inélégamment autour de son visage en le fouettant à chaque mouvement brusque, qui étaient nombreux. En effet, il regardait par dessus son épaule droite environ aux dix pas, pour ne trouver que moi, quelques foulée derrière lui. Dans le bleu panique de ses yeux, je lisais un certain soulagement qu'il n'y eut personne d'autre.

J'avais commencé par remarquer les pantalons qu'il portait avec la taille trop basse. Cette mode qu'affectionnent certains jeunes Noirs de porter leur ceintures à mi-fesse m'horripile. Lorsque je suis prise derrière l'un d'entre eux dans les escaliers roulants, je me sens toujours forcée à regarder cette partie précise de leur anatomie, que j'en ai envie ou non. Bon d'accord, elles sont fermes, rebondies et certainement très jolies pour qui à envie de les voir, mais la quidam (âgée, selon les standards de leur adolescence) que je suis se sent toujours un peu bousculée par une telle exposition.

Il m'est vite apparu cependant que la personne qui me précédait ne se pliait à aucune mode dans son accoutrement. Ses frusques étaient lâches et usées à la cordes, plus du tout ajustées à son corps, comme le t-shirt mentionné plus haut. Il ne portait pas de ceinture, probablement parce que c'était une dépense qu'il ne jugeait pas utile, aussi remontait-il ses pantalons presque aussi fréquemment qu'il regardait par dessus son épaule. Ça ajoutait au chaloupé de la démarche et à la fragilité de l'être humain.

Arrivé en bordure d'un parc, le jeune homme a modifié sa démarche et s'est mis à zieuter anxieusement ses occupants. Un homme en complet, la soixantaine avancée, l'a rejoint, ils ne se sont pas dit un mot, mais un échange d'argent a eu lieu discrètement. Le jeune homme a fait semblant de redresser une fois de plus son pantalon pour enfouir son nouveau magot dans une de ses poches arrières et les deux hommes se sont ensuite enfoncés dans une partie boisée du parc.

Ça m'a décillé le regard. Je me suis rendue compte, par la suite, que ce jeune homme, je le vois bien souvent, aux abords des parcs et des stations de métro de mon quartier.

Désormais, lorsque je croise ses yeux hagards, rendus fous par des abus de toutes sortes, je sais ce qu'il vend. Il n'est plus pour moi un simple marginal du quartier. Je connais une partie de son histoire, plus jamais il ne me sera anonyme, même si j'ignore son nom.

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mercredi, mai 18, 2016

2016-05-18

Soyons honnêtes, j'aime bien attirer l'attention. Pas tous les jours, certainement pas à tous les moments. Mais le 18 mai de chaque année, j'aime beaucoup être le centre de l'attention de mon univers. C'est la journée dans l'année que je veux prendre. Parce que c'est mon anniversaire. Et la prendre, ne veut certainement pas dire que je veuille être servie à tout cran. Je préfère simplement me faire souligner qu'on pense à moi.

Peu m'importe que ma fête soit grandiloquente ou non. Certaines années, ce fût le cas; il y a des charnières méritoires. Pas toujours celles auxquelles ont s’attendait. J'ai souvenance de mon anniversaire de 18 ans que j'avais rêvé de tous leurs feux, qui ont fini dans un bar, à siroter une bière toute seule, un bar que je connaissais déjà bien, avec personne pour boire à ma santé. Pas vraiment triste, mais pas non plus à la hauteur de ce que je m'étais imaginé.

Il y a aussi eu mes 21 ans, l'âge adulte universel, auquel seulement deux amies se son présentées. Tous les autres s'étant dit que j'étais tellement populaire que personne ne remarquerait leur absence. Mais justement, leur absence fût largement remarquée, surtout que quelque chose comme vingt individus avaient confirmer leur présence.

Mais j'ai aussi eu des surprises à mes 32 ans, au Boudoir. Soirée lors de laquelle à peu près tous les gens avec lesquels je travaillais et quelques autres personnes que j'aimais beaucoup, s'était donné rendez-vous. Je n'ai plus aucun souvenir de l'heure à laquelle je suis partie, mais je garde encore la bd issue d'un texte que j'avais écris sur ce blogue qui avait pris de l'envergure sur les traits acérés et sensible de mon ami Lew. Encore aujourd'hui, je considère que les quelques planches qu'il m'avait offertes sont un des plus beaux cadeaux qu'on m'ait fait.

Depuis quelques années, les réseaux sociaux rappellent à nos entourages que notre anniversaire est le jour dit, à condition qu'on leur ait indiqué ladite date. On pourrait se dire que les vœux qui nous arrivent par ces biais n'ont aucune espèce d'importance. Mais je sais que je vois passer un nombre impressionnant d'anniversaires annuellement et que je ne commente pas tout. Personnellement, je le fais quand ça me chante ou quand je me sens quelque chose à dire. Alors tout ce que je reçois, je le prend comme tel. Prendre le temps de me dire bon anniversaire, c'est du temps que quelqu'un n'aura pas pris à faire quelque chose d'autre.

Et cette année, j'ai eu deux merveilleux cadeaux : une série de photos de mon neveu, une à tous les mois de sa jeune existence, qui m'ont remplie de bonheur parce que je suis totalement gaga de ce petit garçon. Je suis totalement partiale, sauf que je crois dur comme fer qu'il est le plus joli poupon de son âge, simplement parce que je l'aime (et que très généreusement, ses parents me laissent un bel espace dans sa vie).

Mais la surprise des surprises est venue d'un de mes frères qui a pris le temps de m'appeler pour me souhaiter une belle année à venir. Ça devait faire une dizaine d'années qu'il ne m'avait pas souhaiter bon anniversaire. Il m'a dit, nonchalamment qu'il oubliait, les années précédentes, jusqu'à ce qu'il juge qu'il soit trop tard pour me le dire. Résultat, j'avais l'impression qu'il se foutait complètement de ce genre de détail. 
Ce soir, il y a pensé et m'a appelée. La discussion s'est perdue dans un nombre inouï de sentiers. Une belle heure imprévue et inespérée.

Je ne demande pas grand chose à la vie, je pense, sauf d'avoir ma scène le jour de mon anniversaire. Cette année, je suis comblée.

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dimanche, mai 15, 2016

Le lever de la reine

7h18 métro Berri , la jeune femme fait une entrée précipitée dans le train. Elle porte des vêtements sports trop grands tandis que sa chevelure abondante est retenue par un chouchou qui laisse échapper quelques mèches rebelles. Ses grands yeux noirs sont encore bouffis de sommeil et le rauque de sa voix laisse présager que le réveil est très récent. Un grand café à la main, elle se laisse choir sur les bancs qui me font face, tandis que son amoureux, rigolant, s'assied à proximité.

Sherbrooke : ouverture de la caverne d’Ali-baba, ou plutôt du cabas d'Ali-baba, sitôt le café terminé. De mon observatoire, j'ai l'impression que ledit sac contient toute une vie, tellement il est gros et semble receler des merveilles. L'amoureux amusé, plonge le nez dans un roman de Romain Gary tandis que la jeune femme s'affaire.

Mont-Royal : apparition de la trousse à maquillage mettant en vedette le miroir de poche. Apparition aussi d'une bouteille d'eau et d'une débarbouillette pour les ablutions matinales. J'en suis ébahie.

Laurier : exercices faciaux pour dénouer les muscles. Rosemont : application méthodique du fond de teint. Beaubien : différents types de caches-cernes sont de la partie. Jean-Talon, petite pause, le temps de laisser le wagon se vider pour mieux se remplir.

Jarry : tout le fourbis du cabas se retrouve sur le sol du train, tandis qu'à force de contorsions qui dureront jusqu'à Sauvé, les vêtements de sports sont délaissés au profit d'une petite robe estivale. Il ne reste que la grande veste savamment ouverte pour laisser voir le galbe parfait de l'épaule droite. Le public que je suis n'aura pas vu l'ombre d'un sous-vêtement ni une parcelle de peau qui n'aurait pas dû être montrée.

Henri-Bourrassa : application des fards (à paupières et à joues). Cartier : eye-liner, mascara et rouge à lèvres. De la Concorde : le chouchou prend le bord avec luxe mouvements de la tête pour donner du volume à la chevelure et me trouve chanceuse que l'époque des laques à tout prix soit passée, parce que je serais sans doute morte étouffée.

Le fourbis reprend le chemin du cabas, avec en prime la paire de chaussures éventées qui s'apparentent singulièrement à des pantoufles, remplacées par d'élégantes sandales à hauts talons. L'amoureux ramasse la chose, qui a des airs de poche de hockey au moment où elle ajuste une jolie petite sacoche toute discrète qui complète sa tenue.

Montmonrency, 7h41, une jeune femme professionnelle et bien mise émerge de la rame, fraîche comme une rose, laissant croire à tous les quidams qu'elle pourra croiser qu'elle est tout à fait à son affaire et prête pour sa journée.

Moi je reste sidérée d'avoir assisté, au premier rang, au lever de la reine, version 2016.


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mardi, mai 10, 2016

Mes chemins buissoniers

Le printemps m'est tombé dessus à bras raccourcis, aujourd'hui. Une fois que j'ai eu mis un pied dehors, pour aller faire des courses qui ne me tentaient, au départ, pas du tout, j'ai fais tous les chemins buissonniers entre le point A et le point B, puis du B au C et ainsi de suite jusqu'à mon retour à la maison. Au bout du compte, un petit besoin essentiel à comblé qui aurait pu me prendre une dizaine de minutes a fini par m'en prendre presque 120.

Évidemment, j'étais beaucoup trop habillée, parce que j'avais considéré que le facteur vent était frisquet, comme dans les derniers jours. Mais malgré l'eau qui me coulait dans le dos, je ne pouvais me résoudre à rentrer si vite chez-moi. Il me fallait arpenter les rues, profiter du soleil et du paysage mouvant que me présentaient tous les êtres qui, comme moi, s'étaient laisser tenter par le goût du printemps.

Je reste dans un quartier aux antipodes de lui-même. Certaines rues me sont très sécuritaires, presque en voie de gentrification et si ce n'est le cas, tellement bien habitées par les mêmes familles depuis des décennies, qu'il ne peut pas vraiment m'y arriver quelque chose de fâcheux puisque je fais désormais partie de leur décor et que si je ne ne suis pas partie prenante de leur meute, elles me reconnaissent comme faisant partie intrinsèque de leur territoire. D'autres rues par contre, me sont beaucoup moins fréquentables, et je les évite soigneusement depuis des années.

Dans ce soleil chatoyant de mai, je me sentais un peu délinquante alors j'ai osé mettre le pieds là où je ne vais jamais. Après tout, il faisait si beau et un détour de plus de pouvait que me rendre heureuse. C'est ainsi que je suis tombée sur un skate park minuscule sur le coin de deux rues particulièrement achalandées. Là, j'ai vu des hommes se donner en spectacle pour tous les badauds qui croisaient cette intersection.

Ils étaient jeunes, pour la plupart, mais pas tous. Le clivage se faisait surtout dans les sports pratiqués, deux gangs y partageaient les mêmes rampes avec, à mon sens, beaucoup de politesse et de savoir vivre. Il y avait les patineurs sur roues alignées et les plancheurs, sur roulettes. Au premier regard, j'ai eu l'impression que c'était un festival de la testostérone en démonstration. Ils n'étaient pas excellents, rien pour en faire le genre de film viral qui pullule sur les réseaux sociaux. Mais ils étaient profondément en harmonie avec leur propre corps.

Je les ai trouvé particulièrement sexy. Pas tant dans leurs prouesses, qui, elles, me laissaient passablement indifférente, mais dans leur grâce absolue d'hommes très exactement dans leur corps.

Et je me suis prise à penser que si les hommes se mesurent entre eux en termes de prouesses casses-gueule, les femmes sont peut-être plus enclines à êtres fascinée par l'élégance imparfaite d'un homme qui s'habite, tout simplement.

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dimanche, mai 08, 2016

Mes deux mères

Je suis une drôle de bête, ça fait longtemps que mon entourage le sait. D'abord, j'ai deux mères, ce qui n'est certes pas courant.

Bon, on s'entend, il n'y en a qu'une qui m'a portée en son sein, une seule qui a m'avoir tricotée fibre après fibre. Une seule à avoir panser mes plaies d'enfance et du reste de mon existence. Une mère que j'admire et honore. Pour ce qu'elle a fait de nous, ses enfants, ses poussins, ses cocos, ses petites œuvres d'art qu'elle aura eu le courage de laisser devenir eux-mêmes malgré les craintes, les peurs, les appréhensions et malgré les jambettes aléatoires qui nous aurons fait trébucher, tour à tour.

Une seule mère que j'admire et honore pour ce qu'elle a fait dans l'histoire des femmes du Québec, dans sa vie professionnelle. Ce n'est pas tout le monde qui peut se taguer d'être née de la matrice d'une femme qui contribué à ramener la profession sage-femme à la légalité. Une mère qui savait être sévère quand il le fallait, mais douce et conciliante lorsque ça s'imposait. Une mère qui me fournissait les balises nécessaires à mon développement, mon épanouissement. Parce que sans balises, il est si facile de s'écrouler sur son propre socle.

Une seule mère qui, dans mes pires moments, ne m'a pas rejetée. Elle m'a plutôt ramener au bercail, m'expliquant avec luxe de patience à quel point mes belles qualités pouvaient être mes défauts les plus difficiles à surmonter. Une seule mère qui peut m'aimer aussi complètement et inconditionnellement.

Ma deuxième mère ne m'a évidemment pas mise au monde. En fait, c'est plutôt moi qui l'ai vue pousser. Pousser dans la matrice que nous avons partagée à quelques années de distance, pousser comme être humain, aussi. Sauf qu'elle a mis au monde cet l'automne dernier et depuis... Depuis j'ai le sentiment que ses angles se sont adoucis. Je la trouve d'une générosité sans bornes à mon endroit.

En premier lieu, elle me permet de connaître son fils. Dès qu'elle en a l'occasion, elle vient me faire une petite visite au travail, histoire de me faire admirer les risettes de l'enfant. Elle me laisse le serrer contre mon cœur, lui faire des bisous, l'endormir moi-même, sans me suivre pas-à-pas. Une belle assurance qui témoigne de sa maturité dans son rôle de mère et de confiance à mon endroit. Je ne suis pas mère moi-même et ne le serai sans doute jamais, sauf que je suis à même de supposer que c'est une offrande bien précieuse qu'elle me fait.

En deuxième lieu, elle réussit à composer avec une maisonnée pas si simple dont elle est le centre complet et complexe avec beaucoup de bonhomie et d'humeur joyeuse même sil le gros chien lui demande une attention constante et que le chat fait fait son indépendant pour mieux quérir son attention tandis que l'enfançon a toujours besoin de soins constants, parce qu'à pas tout à fait six mois, l'indépendance ne fait pas partie de la donne. Je suis perpétuellement ébahie par le talent qu'elle a d'additionner toutes ces données et d'en faire quelque chose de cohérent.

Je suis une drôle de bête, mon entourage le confirmera sans hésiter. Pour commencer, j'ai deux mères que j'aime et que j'honore pour les femmes qu'elles sont.

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mercredi, mai 04, 2016

Ma Dalton

Ça fait un certain temps que je croise cette dame à l'heure de pointe sur le quai du métro Berri. La première fois, elle m'a amusée, la seconde, un peu moins et les fois suivantes un tantinet irritée.

C'est un minuscule bout de femme. Elle ne doit pas faire cinq pieds. Elle est jeune, plus jeune que moi en tout cas, je dirais trente, trente-cinq ans. Elle est aussi filiforme que petite et me semble déborder d'énergie et de confiance en elle-même.

Comme je ne la connais absolument pas, je m'imagine qu'elle a l'habitude que tout lui réussisse et surtout que tout lui soit dû.

C'est du moins ce que son attitude laisse transparaître.

À tous les coups, elle arrive sur le quai, à bout de souffle, quelques secondes avant que le train n'entre en gare. Alors, elle se met à jouer du coude pour dépasser tout le monde et se planter dans le milieu du chemin lorsque les portes s'ouvrent, créant, par le fait même une jolie cohue désordonnée parmi les gens qui tentent de sortir du wagon tandis qu'elle reste immobile jusqu'à ce qu'un minuscule espace se crée et qu'elle s'engouffre, avant que tous les passagers qui veulent partir ne soient effectivement sortis, dans la voiture.

Aussitôt entrée, elle se garoche invariablement sur le même banc. Elle semble se l'être approprié. Où croire qu'il lui appartienne, c'est selon le point de vue, je suppose. Si ce dernier n'est pas libre, elle se s'installe devant ledit banc, en foudroyant du regard la personne qui l'occupe tout en poussant de longs soupirs et en tapant du pied. Sans aucun espèce d'égards pour l'âge, l'infirmité ou quoique ce soit d'autre qui pourrait accorder la priorité de la place assise à qui que ce soit. Il n'est pas rare que son petit manège fonctionne d'ailleurs, et que la personne qui occupe l'espace le lui cède.

Elle s'assoit alors satisfaite.

On pourrait croire qu'elle a un long trajet à faire, mais rien n'est plus faut. Elle descend à Rosemont, soit quatre stations après le début de sa course.

Ce matin, ça ne me tentait pas de me laisser encore pousser par cette petite teigne. Alors j'ai fait barrage de mon corps et me suis précipitée sur son banc avant elle. Je me demande encore comment il se fait que je sois encore vivante vu la vigueur avec laquelle elle me mitraillait du regard.

C'est en la regardant sortir, que je me suis dit qu'elle me rappelait terriblement Ma Dalton.

En plus jolie.

Et ça ne m'a qu'amuser davantage de ne m'être pas laisser intimider.

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dimanche, mai 01, 2016

Le mantra

Ce voyage avait pourtant bien commencé. Du moins, le plan d'avant le voyage semblait super. Deux filles en jeune trentaine, l'Europe dans un circuit pas tout à fait organisé. Un petit brin d'autonomie pour se donner l'impression de pouvoir un peu faire ce que l'on voulait dans les villes que nous visitions et rien à prévoir rendu sur place pour les couchers et pour le transport entre les différentes destinations. Il me semblait que c'était quelque chose s'approchant du nec-plus-ultra pour un premier séjour outre Atlantique.

C'était sans compter sur ce que ma compagne de voyage et moi avons compris, à la dure, sur nos personnalités contradictoires dans ce genre d'environnement. C'est bizarre à quel point on peut s'entendre à merveille avec quelqu'un dans la vie de tous les jours, quand on retourne dormir chez-soi avec nos petites bébites qu'on ne présente jamais face publique, et la réalité du voyage qui nous fait nous retrouver vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec la même personne que l'on ne connaissait pas tant que cela.

Je ne dirai pas qu'elle était horrible, ce serait mentir. Je dirais, cependant que nous ne nous convenions absolument pas comme compagnes de voyage. Point à la ligne.

Pour m'éviter de me gâcher le voyage, je m'étais mise à jaser avec d'autres personnes du groupe avec lequel nous faisions les étapes. Tous des Québécois. Dont une femme qui me faisait beaucoup rire et avec laquelle j'avais passé des heures à jouer aux cartes. J'aime jouer aux cartes, surtout avec quelqu'un qui a de la conversation. Cette dame en avait.

Elle était une conteuse qui s'ignore. Elle me disait continuellement qu'elle radotait. Moi, je buvais ses paroles. Ses anecdotes sur ses enfants étaient truculentes. Je savais bien qu'il existait un décalage certain entre ce qu'elle me faisait vivre par ses mots et le moment où elle me les racontait parce que ses enfants, selon ses dires, n'étaient jamais sortis de l'adolescence. Pourtant, je savais, toujours par ses informations qu'ils étaient désormais adultes et parents à leur tour. D'ailleurs, elle me disait souvent, en clignant de l'oeil:! « J'ai un fils » comme un mantra.

Ça me faisait bien rigoler cette insistance. Je ne le connaissais pas, il ne me connaissait pas. Je n'avais aucune espèce d'idée de ce à quoi il ressemblait et bien honnêtement, n'avais pas non plus tant envie que cela de savoir qui c'était. C.'était e genre de blague de vacances qui était destiné à rester une blague de vacances.

Et me voilà, quelques années plus tard, en couple avec ledit fils qui a eu le courage de me contacter, au travail. En m'envoyant une fausse demande d'emploi complètement ridicule pour le profil recherché. Le genre de truc que je rejette d'ordinaire du revers de la main, mais j'étais allée jusqu'au bout de la lettre d'introduction juste parce qu'elle était bien foutue. Et c'est là que j'avais compris qu'il était le fils dont mon récent voyage m'avait baratiné les oreilles.

Je lui avait donné rendez-vous par respect pour sa mère. Je l'ai aimé, par respect pour lui.

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