jeudi, septembre 29, 2016

Némésis

J'ai rencontré celui qui allait devenir ma première Némésis à l'âge de 4 ou 5 ans. Je ne pouvais pas savoir, ce jour-là que ce serait une personne à ce point marquante dans ma vie, ni qu'il allait me rendre rocailleux, un sentier qui me semblait jusqu'alors, joyeux. Ce n'est certes pas lors de ce premier contact que j'aurais pu imaginer à quel point il pourrait être méchant à mon endroit, quelque part dans un avenir que je n'envisageais même pas étant donné que ce simple concept était beaucoup trop complexe pour ma petite tête d'enfant.

C'était sans doute le nœud de mon problème avec lui, d'ailleurs. J'avais eu tellement de plaisir à jouer avec lui, cette toute première fois, que je ne comprenais pas que dans un groupe de personne il pourrait me rejeter parce que je cadrais moins bien que d'autres dans ce qu'il envisageait comme groupe de personnes auxquelles se rallier, ce faisant, il y avait là un levier pour m'atteindre, parce que j'étais et je suis toujours, profondément fidèle dans mes affections.

Bref, point n'est besoin de raconter toute cette histoire, je crois qu'il sait parfaitement qu'il n'a été gentil avec moi que lorsqu'il avait le choix entre se montrer sympathique à mon endroit ou s'ennuyer. Je n'en suis pas tout à fait certaine parce que je ne lui ai jamais posé la question aussi directement et que cela n'a plus tellement d'importance aujourd'hui. Nous n'avons de contacts que de loin en loin par réseaux sociaux et parents interposés.

Mais s'il fut le premier, il n'aura pas été le seul. Si dans l'enfance et l'adolescence, je puis affirmer que les gens que je puisse placer dans cette catégorie étaient méchants, plus tard, des gens m'ont heurtée sans avoir cet objectif précis en tête. Je dirais même que certains d'entre eux ne me voulaient que du bien. Sauf que le bien que l'on me veut n'est pas nécessairement celui qu'on me fait.

Je ne suis pas toujours courageuse, pas toujours assez aguerrie pour tout affronter. Certaines de mes Némésis ont le chic d'apparaître et de réapparaître quand je ne les attends pas et surtout quand je ne le veux pas. Dans ma boîte de courriels, au détour d'une conversation qui ne porte pas sur eux mais qui les impose me rendant ainsi friable.

Et quelquefois même, il y a ces questions auxquelles je suis la seule à pouvoir apporter une réponse, impliquant un nombre conséquent d'autres personnes. Et j'essaie, je jure que j'essaie dans ma tête de me dire que je peux réussir. Sauf qu'arrivée à la sommes de mes hypothèse j'en arrive à la conclusion qu'une rencontre serait possible si, et seulement si, cette Némésis m'ignorait totalement, sauf peut-être pour m'envoyer discrètement la main. Et là encore, il y a des chances que je trouve cela envahissant.

C'est impossible, bien entendu. Alors je me sens un peu harpie et énormément coupable de faire, du mal à des gens que j'aime parce que je ne suis incapable de faire front à ces Némésis, qui au fond, ne le sont que pour moi.

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dimanche, septembre 25, 2016

Une question de goûts

Je vois fréquemment la même femme bizarrement attifée près de la station de métro que je fréquente quotidiennement. Quelquefois à l'intérieur, pas toujours cependant. C'est difficile de ne pas la voir ; elle semble affectionner les couleurs vives, voire criardes et les mêle toutes. Je ne sais pas son âge, mais cela doit s'approcher du mien, même si elle a l'air beaucoup plus vieille que moi.

Elle porte généralement une jupe trop large, bien roulée autour de ses hanches pour ne pas la perdre en route, qui est d'un jaune violent. Elle a différentes couches de chandails à fleurs immenses qui crient les uns par rapport aux autres et elle est chaussée d'espadrilles blanches desquelles surgissent des bas blancs qui remontent jusqu'à ses genoux. Ses cheveux gris, presque blancs sont noués en une queue de cheval dont la moité s'est échappée et qui lui retombe perpétuellement sur les yeux.

Il m'arrive parfois d'être distraite, à l'épicerie, et de passer à la caisse derrière elle. À tous les coups, c'est d'une longueur inimaginable. Visiblement, elle a beaucoup de peine à bien comprendre les prix et doit continuellement réviser les achats prévus pour rentrer dans son maigre budget. Si je ne la juge pas, d'autres le font sans vergogne. Combien de fois aie-je entendu des quolibets et des commentaires disgracieux sur sa tenue ou la lenteur avec laquelle elle complète ses achats ? Je ne saurais le dire, le pire selon moi, ce sont les caissiers qui ne sont pas toujours très cléments avec elle.

Il y a quelques jours, je suis sortie de l'épicerie juste derrière elle. Et sur le trottoir, se tenait un homme vêtu d'un chandail des Nordiques usé à la corde. Il portait un pantalon de fortrel carrelé dans drôles de tons orangés. Il avait des lunettes trois fois trop grosses pour son mince visage et avait un serre-tête rouge avec des oreilles de diablotin sur la tête. Lorsqu'il a vu surgir la dame que je suivais, son visage s'est fendu d'un sourire aussi généreux que radieux. Elle s'est arrêtée, lui a tendu sa petite menotte fripée qu'il n'a pas prise tout de suite, il s'est plutôt chargé de la délester de ses sacs. J'étais coincée dans la porte derrière eux, témoin involontaire de cette scène touchante tandis que dans mon dos, on me disait pas très poliment de me pousser de là.

Eux, ne voyaient rien de la vilenie de leur entourage. Il se sont dignement dirigé vers la station de métro, fiers, avec raison, d'avoir accompli la mission qu'ils s'étaient fixés.

Je les ai regardé disparaître dans la station, me laissant bousculer par tous les quidams pressés qui n'avaient pas eu la chance de les trouver beaux.

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vendredi, septembre 23, 2016

Un visage de la peur

Ligne verte. Extrême ouest. Je crois que j'y avais atterri après être allée voir un spectacle à l'extérieur de Montréal et que mon transport m'avait laissée à cet endroit que je ne connaissais que peu. Il était tard, la rame était vide, ou presque. Je n'avais pas encore l'habitude des excentriques qui forment la vaste faune que je croise, aujourd'hui quotidiennement.

Je me rappelle que j'étais fatiguée et passablement irritée contre moi, parce que dans l'excitation de l'activité d'où j'arrivais (et don je ne me rappelle pas du tout), j'avais oublié mon livre et de changer les piles de mon lecteur de cd. Il va sans dire qu'à cette époque, je n'avais pas l'ombre d'un téléphone entre les mains.

Ça peut paraître absurde, mais les œillères qu'on peut se mettre quand on est en transport en commun, pour se donner une contenance, sont comme des remparts intangibles autour de soi. Cette nuit-là, je n'avais rien pour me donner l'air occupé et j'essayais, tant bien que mal de ne pas fixer trop les autres passagers. Il me semblait que le train passait un temps infini dans les tunnels, entre deux stations. Sauf que ce sentiment n'était chimère de mon imagination.

Toujours-est-il, que je voyais deux jeunes hommes se disputer violemment dans le wagon voisin depuis quelques temps. J'essayais vainement de ne pas y porter attention, sans grand succès. Je faisais mon possible pour me concentrer sur les craques du plancher.

Comme on s'approchait de Lionel-Groulx, je me disais qu'on atteindrait une certaine foule, malgré l'heure tardive et qu'enfin, je pourrais me sentir un peu plus en sécurité. C'est alors qu'un des deux jeunes hommes qui se disputaient a décidé de franchir les portes entre les deux wagons. J'étais assise juste à côté de la porte, à cette époque, ça se pouvait sur la ligne verte. Il était fort jeune, mais il me faisait penser à Samuel Jackson dans ses personnages les moins rassurants, cheveux et yeux fous en sus. Comme j'avais évité soigneusement de porter de trop près attention à la scène que je ne pouvais m'empêcher d'apercevoir, je ne savais pas très exactement ce qui s'était passé entre les deux protagonistes. Sauf que j'avais sous les yeux, un gars plus jeune que moi d'une dizaine d'années, qui avait visiblement été atteint par un objet tranchant : il saignait abondamment, sur moi.

Je n'écrivais pas ce blogue à l'époque. En réalité, je ne savais même pas ce qu'était un blogue. Mais j'avais pris une note sur l'anecdote dans un cahier. Ce qui l'a ramené à ma mémoire, cependant, c'est une photo de Samuel Jackson à la une d'un magazine pour le film Miss Peregrine's home for peculiars children.

Depuis, je revis cet événement en boucle dans ma tête. Et la peur que j'avais alors ressentie est intacte.

Malgré le fait que je n'ai pas été en danger ni à l'époque, ni aujourd'hui.

Cependant, pour moi, il s'agissait de ce qui s'approche le plus, du visage de la peur et cette image refuse, obstinément, de s'effacer de mon esprit.

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dimanche, septembre 18, 2016

Bonheur perlé

Dans l'église du village, les bancs se remplissaient lentement. Ça et là les familles se regroupaient entre elles. Tous les individus, étaient, bien entendu, sur leur 31. Entre deux rangées de immuables, des mères tançaient les enfants qui jouaient à cache-cache en attendant que la cérémonie débute. Cette scène aurait pu se passer n'importe quand dans l'histoire du Québec, si ce n'avait été du fait que les papas s'occupaient des poupons qui pleuraient devant ce décors inconnu tandis que leurs compagnes poursuivaient une discussion, confiantes que leurs bambins était entre bonnes mains.

Je ne connaissais personne, ou presque, dans l'assemblée. Ce n'était pas ma famille ni, pour la plupart, mes amis. Bien entendu mon regard curieux et avide d'humanité ne pouvait faire autrement que de faire et refaire le tour de la salle pour épier les personnages qui pourraient s'en dégager. Ma petite enquête fut interrompue par la musique provenant du jubé, et comme tout un chacun j'ai regardé la mariée descendre l'allée pour aller rejoindre celui qui allait devenir son époux. Je l'avais aperçue, un peu plus tôt, je savais donc qu'elle serait magnifique. La réalité ne m'a pas détrompée. J'ai cependant été surprise par le brouillard mouillé qui a obscurci ma ma vision devant le bonheur qui perlait de tous les pores de sa peau.

Je n'ai pas refoulé mes larmes. Je les ai savourées, une à une. Elles étaient aussi belles que la jeune femme que j'avais connue si timide, mais qui, en ce jour dont elle était l'un des deux pôles, jouait son rôle avec grâce et dignité.

Je n'ai pas retenu grand chose de ce que le prêtre a raconté, si ce n'est que la maison qui serait fondée, le serait sur l'amour. Et comme tous les témoins de cet instant, j'en mettrais ma main au feu, j'y croyais fermement. Je me sentais privilégiée d'avoir été invitée à partager des promesses qui venaient à ce point du cœur, quelles que soient mes réticences toutes personnelles à faire une promesse à une dieu ou à un autre.

Lorsque la noce s'est déplacée pour la suite des événements, je ne peux pas dire que la bâtisse qui nous accueillait me faisait bonne mine. À tout le moins de l'extérieur. J'ai gardé mon jugement pour moi, grand bien m'en fit. Parce qu'à l'intérieur, c'était tout elle. Simple, chaleureux et convivial. Une espèce de parabole explicite sur l'anecdotique de l'apparence extérieure, dans une certaine mesure.

J'ai retenu à grand peine un hoquet de pleurs durant le discours de la première demoiselle d'honneur, qui rendait hommage à deux amis d'enfance et plus précisément à cette jeune femme que je connais et qui m'y avait invitée. Elle racontait une femme généreuse, intègre, honnête et sans jugements à priori qui résonnait très fort pour moi dans la perception que j'avais de cette femme. Et surtout dans ce que je connais de l'amitié.

Quand je suis partie, la fête ne faisait que commencer. Et on m'a remercié de ma présence comme si ça avait fait la différence.

Moi je savais que c'était complètement erroné. En ce jour, c'est moi qui avais pris une grande bouffée d'amour, une goulée infinie d'air aussi pur et candide que faire se pouvait.

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jeudi, septembre 15, 2016

Les hamsters dans ma tête

4h50. Dehors, la nuit est d'encre et les murmures de la ville ne se sont pas encore éveillés. Ou si peu. Il me reste encore une grosse heure avant la sonnerie du réveil, mais je sais que je ne me rendormirai pas. Il me semble que j'ai plusieurs hamsters qui courent dans ma tête en même temps.

Parfum d'angoisse que je ne prise pas tellement.

La journée sera longue, je le sais d'avance. Éreintante aussi. Un des hamster s'affaire d'ailleurs à mesurer le nombre de pieds nécessaire à l'installation des cubes pour mettre tout ce qui envahi l'entrepôt du magasin. Un espèce de tétris version géante. Je ne suis pas si bonne à ce petit jeu, lorsque viens le temps de me frotter à la réalité. J'oublie toujours un morceau du casse-tête et je dois sans cesse revoir la solution. Le hamster, n'en fait qu'à sa tête fait tourner sa roue à une vitesse folle.

Pendant ce temps, il y a un autre hamster qui s'affaire à mettre en mots, le plus diplomatiquement possible, une rencontre que je ne peux perpétuellement repousser, malgré tout l'envie que j'en ai. Cependant, je me sens démunie. Parce que j'ai le sentiment qu'avec cette personne précise, j'ai le chic de continuellement choisir les mauvaises expressions. Comme si nous parlions des dialectes totalement étrangers plutôt que de parler la même langue. Je sais très bien que nous allons finir par arriver à nous comprendre, mais toute seule dans le noir, je vois le hamster s'agiter en tous les sens.

5h23, je me sens la larme à l’œil. Pourtant, je vais bien, dans tous les aspects de ma vie. Sauf que j'ai parlé de larmes deux fois dans la semaine qui vient de s'écouler, et j'ai lu sur la force que que les pleurs expriment. J'ai parlé de larmes pour exprimer le fait qu'elles me viennent si facilement depuis un peu plus d'un an. Chasser la colère en acceptant la peine, c'était une belle théorie que je n'imaginais pas mesurer à une telle fréquence. Mais je ne ne pique plus de colère noire. C'est déjà une réussite. Je constate que le hamster de ma roue des émotion trottine beaucoup moins vite que les deux autres.

Et puis, ce matin, j'ai l'impression que ce hamster tourne davantage pour chasser l'angoisse que la colère.. Mais peut-être que l'angoisse précipitait aussi la colère, en ce qui me concerne. Je me dis que c'était le canal d'expression que j'avais privilégié dès que je ne pouvais pas simplement rire pour donner le change.

Ce qui me fait me rendre compte que je ris différemment aussi depuis. Un peu moins fort, un peu moins forcé, un peu moins souvent, mais tellement plus sincèrement.


5h49, le radio s'allume. Je dois faire une trêve sur les supputations de la journée à venir et aller la vivre.

Je sais d'expérience que ça se passera beaucoup mieux que tout ce que j'ai pu imaginer.

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dimanche, septembre 11, 2016

De l'intimidation

Des fois je me dis que je suis une bien drôle de personne. J'ai toujours adoré aller à l'école et pourtant, pas grand chose ne m'y prédisposait. Pas que je sois une crétine finie, loin de là, mais je n'ai jamais été première de classe et contrairement à beaucoup de mes amies, qui elles l'étaient, il ne me suffisait pas d'écouter en classe pour réussir. Je devais travailler, faire mes devoirs et mes leçons, et je ne peux pas dire que j'y étais particulièrement dévouée ; j'avais bien trop peur de passer pour une nerd si j'étais prise à aimer faire ce genre de chose. Et s'il y a un étiquette que je voulais à toute force éviter de porter, c'était celui-là.

Parce que j'avais fait l'expérience de l'intimidation dans mon enfance. À l'époque, on ne disait pas que c'était de l'intimidation. On était dans la gang ou on ne l'était pas. On était in ou on était out. Enfant, je comprenais que je n'étais pas admise par les leaders de ma classe. C'était pas mal tout. Mais une école n'est pas une classe. Il y avait les récréations lors desquelles je pouvais frayer avec des gens qui n'étaient pas dans ma classe avec lesquels j'étais bien. Et ceux qui me rejetaient étaient beaucoup trop occupés à faire les importants pour daigner aller voir de quelle manière je passais le temps libre qui m'était imparti.

Alors, comme beaucoup d'enfants, j'attendais les rentrées qui se succédaient avec impatience, pour revoir mes amis, pour apprendre plein de nouvelles choses et remplir ma petite tête déjà rêveuse, de toutes sortes d'informations, qu'un jour j'apprendrais à lier entre elles, dessinant ainsi les premières esquisses d'analyses sur les sujets que j'aimais.

C'est à l'adolescence que je refusais à toute force l'étiquette de nerd. J'avais réussi à faire le passage à l'école secondaire en laissant le grand rejet derrière moi, il n'était pas question que je m'y replonge juste pour avoir de meilleures notes. Je n'étais pas très bonne, certes, mais en dehors des mathématiques je n'étais pas si mauvaise non plus. Je n'en avais pas du tout conscience cependant, parce que bien souvent, on mesure nos échecs de façon beaucoup plus acérée que nos réussites.

J'avais donc un paquet de bonnes raisons pour détester l'école. Mais il n'y avait rien à faire, j'aimais cela. Je pense que c'est au cégep que je me suis mise à dire à qui voulait l'entendre qu'à mon avis le système scolaire mesurait un potentiel de réussite dans ledit système et pas l'intelligence des gens qui étaient évalués. Un mantra auquel je me suis accrochée pour me rendre jusqu'à une scolarité de maîtrise, malgré certains échecs. Une façon de refuser de me laisser intimider par un système dans lequel je ne cadrais pas très bien.

Parce qu'il ne faut pas se leurrer, l'intimidation peut prendre bien des formes. Celles de nos pairs en est une et elle est particulièrement douloureuse, mais ça peut aussi venir de gens qui ne nous veulent que du bien. De tout ce qui fait en sorte qu'il faille rentrer dans le moule de l'éducation étatisée qui ne se donne plus les moyens d'accompagner les différences d'apprentissage.

Et je crois, qu'au bout du compte, le plus difficile de ces années ce n'était pas le rejet. C'est les chiffres gigantesques en rouge surlignés qui me montraient que je n'avais pas réussi un test ou un devoir. M'accrocher à l'école, continuer à aimer la fréquenter est à ce jour, je crois, ma plus grande réussite.

Il m'aura fallut treize ans de recul et une dépression pour comprendre que j'avais fait là un cheminement hors du commun.

Et j'en suis fière.

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jeudi, septembre 08, 2016

Canicule

Il me semble que les saisons se décalent, depuis quelques années. Je les sens un mois en retard sur leurs habitudes, mais nos vies, elles sont toujours réglées sur les us anciens de la nature. Il y a peu, prendre des vacances en début septembre signifiait, pour moi à tout le moins, beaucoup de bouffe, une température confortable, ni trop chaude ni trop froide, de belles marches dans la ville qui m'invitait à la fouler de mes pas.

Pas cette fois-ci. La température est chaude et moite. J'ai le sentiment que tout effort physique, même minime, fait couler la sueur dans mon dos et me pique les yeux. Je n'ai cependant aucune envie de passer tout mon temps à l'ombre de mon ventilateur. Alors, je me donne des objectifs, des courses à faire un peu plus loin que l'environnement immédiat, malgré la sueur, malgré la fatigue inhérente à ce genre d'étouffement.

C'est ainsi que je me suis retrouvée à déambuler au milieu du chantier de la rue Ontario Est. Il était là l'été dernier. Il me semble que c'était exactement au même endroit. Comme s'il fallait refaire tout ce qui avait été effectuer. La poussière me collait à la peau, et je devais fréquemment fermer les yeux pour ne pas y coincer un grain qui créerait à coup sûr une inflammation dans ces organes sensibles.

Après un de ces brefs passage dans le noir, un homme devant moi, avait une démarche bizarre. Ça m'a pris un certain temps avant de comprendre que c'était dû au fait qu'il portait des pantoufles d'hôpital et que, forcément, le gravier éparpillé sur le trottoir rendait son cheminement difficile. J'ai passé une dizaine de minutes à le suivre, sans trop le vouloir, et à me faire du cinéma dans ma tête sur ce qui pouvait amener un jeune homme à se promener en pantoufles d'hôpital sur une rue en chantier.

Lorsqu'il a tourné sur la rue qui mène à l'hôpital Notre-Dame, je me suis dit qu'il devait approcher de sa destination. Et puis, une toute jeune fille s'est matérialisée à l'endroit qu'il venait de quitter, soit quelques cinq pas devant moi. Elle était vêtue de noir, short très, très courts, chandail particulièrement échancré et transparent, grimpée sur des talons hauts sans bon sens.

Ce coup-là, je n'avais aucune envie de me raconter sa vie. C'était forcément trop triste. Quand je l'ai vue se diriger à l'arrière du camion de rue du Chic resto Pop, j'ai pensé qu'au moins elle avait une toute petite ressource pour l'aider.

Je suis rentrée chez moi, épuisée par la lourdeur de l'atmosphère et par la brève rencontre avec cette réalité que je ne connais que de vue.

Et je me suis prise à penser qu'une canicule était un bien mince tribut à payer à l'existence.

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dimanche, septembre 04, 2016

Légumes d'automne

J'ai grandi à une époque où toutes les télévisions n'étaient pas en couleurs. Mes parents, qui plus est, mettaient des limites de temps devant l'écran et nous envoyaient régulièrement jouer dehors hiver comme été. J'avais des amis qui n'avaient pas de telles limitations et qui me trouvaient bien malchanceuse de devoir vivre avec cela. Personnellement, ça ne me dérangeait pas outre mesure ; j'y étais accoutumée et puis, j'avais des livres à découvrir dans les moments lors desquels les amis n'étaient pas disponibles. Il me semble que je ne m'ennuyais jamais.

Si la télévision ne prenait pas encore tout l'espace qu'elle occupe aujourd'hui, il va sans dire que les appareils électroniques mobiles étaient une denrée encore plus rare. Certes, les voitures étaient munies de radio-cassette auto-réversibles, mais on oubliait souvent de prendre différentes cassettes avec nous. Ça évitait probablement aussi un certain nombre de chicanes fraternelle à savoir qui aurait le haut du pavé quand à ce que tout le reste de la tribu aurait à endurer. Alors on finissait toujours par écouter les deux mêmes albums de Robert Charlebois et Julien Clerc. Je suis d'ailleurs pas mal convaincue que nous connaissons encore tous par cœur l'ensemble des chansons de ces albums.

Comme nous avons beaucoup voyagé en voiture, il va sans dire que nous devions trouver une quantité appréciable de jeux à faire pour les trajets. Étant victime d'un solide mal des transports, je n'ai jamais été particulièrement assidue à la lecture ni a d'autres activités qui demandent une concentration, à mon avis surhumaine, lorsque les lignes dans sous mes yeux. Je préférais, déjà à l'époque, m'inventer des histoires que je me racontais jusqu'à ce qu'elles aient trouver une fin qui méritait mon attention.

Une des activités que nous faisons beaucoup lors de ces longs périples, qui prenaient parfois plus d'une journée, c'était de chanter ensemble. Ma mère connaît un nombre fantastique de chansons du répertoire traditionnel québécois recensé par l'Abbé Grandbois et nous les a transmises. Je m'amuse souvent à me moquer de mon pas de talent en ce domaine, mais bien entendu j'exagère. Non, je ne chante pas très bien, mais pas aussi mal que ce que je laisse entendre, en tout cas pas assez pour avoir reçu une quelconque interdiction de me joindre à la fête familiale lorsque nous entonnions en cœur les airs que nous aimions.

Le hic avec tout cela, c'est qu'il m'arrive assez régulièrement d'avoir une de ces chansons dans la tête et que pas grand monde autour de moi ne peut comprendre ce à quoi je réfère. Souvent, un simple mot où une idée me colle une de ces mélodies dans le cerveau sans que je sois capable de l'en décoller. Et le truc d'écouter ladite chanson jusqu'à ce qu'elle s'évapore de ma mémoire échoue lamentablement dans ces cas-là.

Ces temps derniers, je prépare une journée de cuisine d'automne une de mes amies. Et depuis que nous avons établit les plans de cette activité, j'ai la chanson de la ratatouille dans la tête. Ce n'est pas qu'elle soit si mauvaise, mais quatorze jours à me chanter la même ritournelle sans pouvoir m'en défaire, ça commence à être long.

Je m'ennuie presque de la chanson de l'escargot de Zazou...

Presque...

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