vendredi, janvier 18, 2008

Samedis matins

Tous les samedis matins, c’est la même histoire qui se répète. Elle a encore les yeux collés de sommeil et la tête pas tout fait là, mais déjà les récriminations vont bon train. Pas de trêve pour les accusations, pas de trêve pour la jalousie. Jamais. Elle voudrait rentrer sous terre. Ne plus exister. Dans l’autobus bondé, tous les passagers les regardent, hésitant entre l’exaspération et la gêne. Elle en reconnaît même quelques uns, qui semblent avoir le même horaire qu’elle. Ces derniers sont ceux qu’elle voudrait ne plus voir. Elle a le sentiment qu’ils se sont immiscés dans les interstices de sa vie privée à force de présence sur ce trajet des samedis qui pèsent.

Ce qu’il a de pire cependant, c’est la présence tout au long de la journée. Il devant le magasin, bien au chaud sur son banc de centre d’achat à épier chacun de ses gestes. Elle devra faire attention pour que Sylvie, sa gérante, ne remarque pas la présence d’Alessandro de l’autre côté de la vitrine. Monica sait que ses patrons ne veulent plus que son amoureux la suive au travail. Elle le lui a dit. Plusieurs fois. Sauf que ça ne change rien. Il est là. Toujours. La semaine, lorsqu’elle est en classe, elle peut oublier qu’il l’attend derrière la porte close. Le temps d’un cours. Un répit. Un tout petit répit dans cette observation constante. Monica, ne peut même pas compter sur ses parents pour la supporter : ils trouvent Alessandro si charmant; il vient d’une bonne famille italienne. Comme elle.

Monica a l’impression que toute la vie d’Alessandro tourne autour d’elle. Il ne travaille pas, ne cherche pas à se trouver d’emploi. Pas réellement en tout cas. Officiellement, il le fait, mais Monica sait pertinemment que dans la réalité il n’en est rien. S’il trouvait un emploi, elle pourrait avoir un peu plus d’espace personnel, elle pourrait faire le trajet en transport en commun sans qu’il se colle sur elle comme s’ils étaient seuls sur le divan d’un salon. Elle travaille pour deux, paie toutes ses sorties. Pendant qu’il fait le coq le vendredi soir et qu’il boit toute la démesure de sa personnalité. Lorsqu’il fini par s’endormir, trop tard, beaucoup trop tard, elle sait qu’il ne lui reste plus que quelques minces heures avant de devoir se lever.

Il lui reprochera tous les rires et les sourires qu’elle aura échangés avec les hommes en présence pendant qu’elle l’aura vu susurrer des mots à la délicate oreille de la belle Élisa. Et dans l’autobus le samedi matin, il lui fera le compte de toutes les attentions qu’elle aura eu pour les autres, de plus en plus fort. Assez fort pour que les passagers de cette ligne de transport se sentent une fois de plus impliqués dans cette discussion qui tourne en rond depuis plus d’un an maintenant.

Monica en a marre. Elle ne sait plus que faire pour se tirer de ce tourbillon infernal. Elle sent bien que quelque chose ne va pas dans cette relation. Mais qu’est-ce qu’on peut faire quand on a que 17 ans et que c’est la toute première fois qu’on aime? Qu’est-ce qu’on peu faire lorsqu’on a aucune certitude qu’un autre à part lui pourra jamais nous aimer, même un tout petit peu?

Libellés :

3 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Eh merde. Ce n'est pas Alessandro, c'est Gilbert son nom. Et Monica finira par comprendre. L'an prochain. Elle partira avec son petit [parce que pour mieux la contrôler, il lui a mis une graine dans le gps] dans un appart miteux, mais sans lui. Et reconstruira sa vie autour d'un soleil...

Sors de ma tête, maintenant, s.v.p.

;-)

11:36 a.m.  
Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Tu racontes la fin de mon adolescence, ou presque!

3:34 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Intellex : Ah non, c'était pas dans ta tête que j'étais. Moi, je suis la fille en bleu dans l'autobus le samedi matin. Mais je dois avouer que j'ai inventé les noms parce qu'évidemment, ils ne se sont jamais présentés.

Souris : Je suis assez triste de constater que cette histoire ce répète assez pour que mes amies s'y reconnaissent, même lorsque je ne sais pas qu'elles ont vécu une telle chose.

11:02 a.m.  

Publier un commentaire

<< Retour sur le sentier