mardi, janvier 01, 2008

La marche de l'homme

La navette menant à l’aéroport de cette ville électrique était bondée. Malgré tout, elle avait trouvé le moyen de se fabriquer un minuscule espace entre deux personnages qui faisaient au moins deux fois sa grandeur. Ce qui ne la dérangeait pas trop étant donné qu’elle n’avait pas besoin de guetter un quelconque arrêt. Elle se sentait un peu écrasée par l’homme chauve à sa gauche qui sentait encore l’alcool malgré l’heure matinale. Et aussi cette odeur acre traînée sur soi par la sueur qui a pris le temps de surir. Entre deux hoquets de l’autocar qui bondissait aléatoirement vers sa destination, ce voisin importun lui était presque tombé dessus. Alors elle fit une grimace involontaire que l’homme assis juste devant elle ne pouvait pas manquer de voir. Il esquissa un sourire.

Arrivée à l’aéroport, elle se rendit compte qu’elle prenait un vol en même temps que l’homme au sourire. Ils décidèrent de tuer les heures qui les séparaient de leurs départs ensemble. Why not? Me dirait-elle quelques mois plus tard. Petit séjour volé au quotidien. Ponctué de rires, de bribes d’histoires qui font l’unicité de chaque être qu’on ne raconte plus une fois que les connaissances sont faites, et de confidence aussi. Échangeant sur le moment numéros de téléphone et adresses électroniques en se disant peut-être. Quand deux personnes se rencontre au milieu de nulle part, entre deux valises et des destinations qui s’opposent, les chances sont bien minces pour que les liens se tissent réellement.

Comme le départ de son compagnon fut annoncé avant le sien, elle le regarda s’engouffrer vers son pont d’embarquement en remarquant au passage que sa démarche avait de particulier qu’il claudiquait un petit peu. Lorsqu’il eut disparu dans le sas, elle s’en fut vers son propre quai, avec une étoile dans les yeux et des papillons dans le cœur. Retournant vers les habitudes de son existence, vers cette ville qu’elle n’aimait pas vraiment mais qui l’avait vue naître. Taisant cette rencontre fortuite à tout son entourage, certaine qu’on la découragerait de se noyer dans les chimères qu’elle ne manquerait pas de s’inventer.

Et puis, quatre mois plus tard, il lui fit une proposition folle : « Rejoins-moi à Montréal pour fêter le Nouvel an » avait-il écrit. Fébrile, elle parcouru les centaines de kilomètres qui la séparaient de ce rendez-vous inusité. J’ai fait sa connaissance dans un bar où j’ai l’habitude d’aller célébrer le début d’année. Un peu timide, exclue même dans ce milieu fortement francophone qui l’isolait sans vraiment le vouloir. C’est là qu’elle m’a raconté son histoire en glissant subtilement sa menotte dans la grosse main de l’homme qu’elle était venue rejoindre jusque dans mon coin du monde.

Et je me suis dit que c’était peut-être ça que devrait être la marche de l’homme : un coup de tête qui suit un coup de cœur vers un peu de bonheur.

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1 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Bien heureuse que tu sois de retour, de te lire!

Si seulement j'arrivais encore à avoir confiance à ce genre de coups de coeur!!!

8:30 p.m.  

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