dimanche, avril 07, 2019

Rêver pour conjuguer la réalité

Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j'ai eu des rêves récurrents. Ceux dont je me souviens, la plupart du temps sont des cauchemars ou alors ils s'en approchent. J'ai longtemps rêvé à des loups qui venaient me manger, vestiges nocturnes d'une histoire de loups et de gaufres qui avaient marqué mon imaginaire déjà largement impressionnable. J'avais cependant fini par leur régler leur compte en me transformant en camion blanc pour devenir ainsi très peu appétissante pour des loups affamés.

J'ai aussi rêvé d'un homme qui venait me réclamer à mes parents à qui il disait que je n'habitais pas dans la bonne maison et mes parents me laissaient aller sans trop d'émotion. Je me réveillais au moment où la porte allait se refermer derrière moi, terrorisée. Ce rêve-là, je ne l'ai pas dompté. Il a cessé, quand j'ai fini par assimiler que même si j'avais perdu ma place de seule fille dans la fratrie, mes parents m'aimaient quand même. Ça m'aura pris un an ou deux. Et puis j'ai mis le pied dans l'adolescence presque aussitôt ce qui a largement modifié ma perception de l'existence en général et de la famille en particulier.

Je rêve encore quelquefois d'une grande maison au toit rouge et aux escaliers multiples dans laquelle je me perds constamment tandis que c'est censé être chez-moi. Je n'y suis pas terrifiée, mais démunie devant des labyrinthes qui y pousse que de l'herbe au soleil. Pour m'en sortir, je dois trouver le chemin du grenier pour enfin pouvoir retrouver la cuisine et sortir de la maison. J'y arrive tout le temps, surtout que maintenant, je suis capable de dire à mon rêve qu'il est un rêve et qu'il doit m'emmener au grenier pour que je puisse me réveiller. Je suis souvent un peu déçue au réveil de ne pas habiter dans cette jolie maison trop grande pour moi.

J'ai souvent fait des rêves récurrents au sujet de diverses personnes qui ont jalonner mon parcours. La plupart du temps, ce sont des rêves « régleurs de comptes ». Des rêves qui me permettent d'exprimer à des gens qui m'ont fait du mal que j'ai eu mal, mais que je ne me laisse pas abattre. C'était quelque chose qui m'arrivait régulièrement dans mon enfance et mon adolescence : je n'étais pas une personne si populaire et j'ai été intimidée. Je crois que mes rêves m'ont grandement aidée à passer à travers mes difficultés sociales et faire de moi la femme que je suis aujourd'hui.

Et dernièrement, je rêve souvent de la même femme. Je l'ai croisée lors d'une tempête cet hiver en sachant que je l'avais connu un jour dans ma vie. Comme je réside désormais à peu près au même endroit qui m'a vu grandir, je cherchais son souvenir quelque part autour d'ici. Son nom m'échappait depuis des semaine et je n'arrivais pas à me rappeler si nous avions été amies ou simplement voisines de bureau dans un cours au secondaire.

Maintenant je sais. J'ai rêvé d'elle cette nuit, encore. Et j'ai finalement mis la main sur son nom. Je l'avais connu à Sherbrooke, en 1993. Ça avait été une copine de classe, un peu plus qu'une collègue, mais pas tout à fait une amie. Je ne cherchais simplement pas son nom dans les bonnes tranches de souvenirs.

Je me sens soulagée de l'avoir retrouvé. Désormais, je puis passer à un autre rêve...

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dimanche, mars 31, 2019

La société des poètes disparus

J'étais une adolescente romantique et rêveuse. Un peu poète, très drama queen et un brin intense. J'étais donc un public parfait pour Dead poet society qui est sorti en 1989, alors que j'avais 16 ans. Je me souviens qu'au départ je n'avais pas envie d'y aller parce que les gens qui m'en parlaient me disaient tellement que j'aimerais cela que j'avais peur d'être déçue. Alors j'ai longtemps tergiversé avant de finalement m'y rendre, avec ma mère, au Beaubien, si je me souviens bien.

Dire que j'ai été renversée n'exprime pas justement mon état au sortir du cinéma. Ce film m'avait parlé comme si chacune des scènes étaient à moi seule destinée. Je me reconnaissais dans le personnage principal, dans son côté artiste et allumé, et je bénissais le ciel d'avoir des parents qui n'avaient pas prévu, pour aucun de leurs enfants, un chemin à suivre pour leur plus grand bien. Je me sentais libre de choisir ma propre voie et je dirais que je l'ai compris et intégré à cette époque. Ça m'a tellement interpellée que je suis allée le revoir deux fois au cinéma, que je me suis acheté la trame sonore et me suis procuré le livre que j'avais moins aimé parce qu'il s'appelait le cercle des poètes disparus comme en France et qu'il me semblait que c'était un peu moins le film que j'aimais tant.

Je ne sais pas combien de fois je l'ai vu au total, mais il y a certainement quelques dizaines dans le décompte. En français au départ, puis en anglais, parce que je connaissais le film par cœur et que j'espérais améliorer mon anglais par cette pratique. Ça a plutôt bien fonctionné, et aujourd'hui, je peux affirmer que je suis à l'aise en anglais en partie grâce à ce film.

Par conséquent, lorsque j'ai vu qu'on présentait une version théâtrale de ce texte à Denise Pelletier, j'ai toute suite eu envie de voir cette nouvelle version. Avant même que je puisse inviter une amie à m'y accompagner, elle me lançait l'invitation. Alors, nous y sommes allées.

Non, je ne suis pas sortie de la salle bouleversée comme l'adolescente que j'ai été l'avait été par la version filmique de la chose. Mais j'en suis sortie ravie et le cœur content. L'histoire et le texte avaient été scrupuleusement respectés. Je n'en demandais pas davantage. Les acteurs étaient excellents et justes. Je pouvais dire certaines partie du texte avec eux, comme je le fais devant ma télévision si d'aventure il me prend l'idée de revoir le film.

Mais le public cible, lui a réagi comme moi à l'époque. Les adolescents formaient à peu près un tiers du public et on les sentaient vibrer tout autour de nous comme si un fil invisibles les enlaçaient tous. La qualité d'écoute était extraordinaire et respectueuse. Et j'en ai entendu plus d'un pleurer à chaudes larmes aux moments voulus, comme moi autrefois.

C'était une belle soirée, bien nourrissante et j'ai bon espoir que beaucoup de jeunes se questionneront sur le pouvoir et l'importance de leur libre arbitre.

Ça fait rêver.

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dimanche, mars 24, 2019

Gaspiller ma salive (ou pas)

Je ne suis pas une spécialiste des peuples autochtones d'Amérique du Nord, mais disons que ce sujet m'intéresse. Je fréquent, auditivement, Serge Bouchard depuis assez longtemps pour avoir saisi que je n'y connais pas grand chose. Cependant, je peux affirmer que j'en sais sans doute un peu plus que la moyenne des gens sur ces communautés et les difficultés qu'elles traversent encore aujourd'hui à cause de la colonisation blanche dans cette partie du monde.

Par ailleurs, je travaille à un endroit qui me permet de mesurer l'ignorance généralisée concernant ces peuples. Le marché Jean-Talon est un endroit très touristique. Alors bien entendu, il y a un paquet de touristes qui y flânent à la recherche de quelque chose de typiquement québécois. On a bien une table à cet effet dans la librairie, auteurs d'ici, musique d'ici et tout ce que vous voudrez de ce genre là, à condition que la québécitude y soit bien identifiée. C'est ce qui marche, il faut un identifiant visible et facilement compréhensible pour que le touriste moyen l'achète.

Assez souvent, un personnage ou un autre, nous demande quelque chose de canadien ou de québécois et on fini par comprendre qu'on nous parle de quelque chose d'amérindien. On a des ressources: des livres d'auteurs présents ou passés, des musiciens fantastiques, des recueils d'illustrations d'artistes visuels. Bref, du beau matériel. Mais ce n'est absolument pas ce qui est recherché. On veut du gros maudit cliché et, soit-dit-en-passant, de l'inexistant. Ce que ces personnes veulent, ce sont des coiffes en plumes, des tipis miniaturisés, igloos et des cabanes de bois ronds et des villages sans électricité.

Certes, ces réalités on déjà existé, mais ce n'est plus le cas. Pas davantage que l'image de l'Europe du Moyen-Âge n'existe aujourd'hui. Oui, ça fait parti de souvenirs collectifs, mais nous vivons majoritairement à l'ère de l'électricité et des autoroutes. Le reste est pittoresque et réducteur.

Cette semaine, un homme m'a demandé un dictionnaire amérindien/français. Je lui ai répondu que je n'en avais pas en stock et que de toute manière, il lui faudrait être un peu plus précis pour la langue amérindienne. Cet homme était, à l'accent, canadien confirmé. Il m'a regardée comme si je débarquais de Mars avant de me demander : « ils ne parlent pas tous pareil? » J'ai pris une grande respiration pour ne pas laisser transparaître mon indignation dans ma voix avant de lui répondre que non, tous les amérindiens d'Amérique ne parlent pas la même langue.

Il m'a répondu que ce ne devait pas être bien différent d'une langue à l'autre et j'ai rétorqué que ça pouvait sans doute ressembler aux différences entre l'anglais et le français. L'homme est resté bouche-bée pendant quelques secondes avant de me dire :  « Je ne vous crois pas, ça doit bien exister un dictionnaire de français/amérindien, c'est juste que vous ne l'avez pas, alors vous mentez ».

Je n'ai rien ajouté. C'était la deuxième fois dans la même journée qu'un client me disait que je lui mentais. Un moment donné, une fille décide de dépenser sa salive à d'autres escients.

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dimanche, mars 17, 2019

Apnée en casse-tête

Je fais un casse-tête depuis 15 jours. Ça prend toute la place dans mes temps libres. Je ne lis plus, je ne regarde pas la télé, ni des films, je n'envoie pas de messages à personne ni ne téléphone à quiconque. Si, autour de moi, quelqu'un menace de proposer une activité sociale, je m'esquive pour ne pas entendre et ainsi ne pas avoir à refuser. Je fais le minimum viable de ménage et c'est tout juste si je me fais à manger parce que je suis beaucoup trop occupée à faire mon casse-tête.

Il m'a été offert par une amie de ma mère. Un gros maudit casse-tête de 3000 morceaux. Je n'avais jamais relevé un tel défi. Ça me faisait un petit peu peur pour commencer, mais surtout, je n'ai jamais eu l'espace où mener un tel projet dans mes vies antérieur. Je ne me suis pas lancée dans cette aventure sans préparation. La même personne avait aussi fait parvenir jusqu'à moi un 2000 morceaux. Là encore un défi que je n'avais jamais relevé. Cette fois, plus parce que ça ne m'étais jamais passé par l'idée que pour une autre raison. Peut-être aussi est-ce parce que la plupart des casse-têtes de 2000 morceaux que j'ai vu passer dans ma vie, étaient des reproductions de toiles impressionnistes et que ça fait longtemps que j'ai décidé que je n'aimais pas faire ces casse-têtes parce que je n'y performe pas autant qu'avec d'autres types d'images.

Ce qui, en soi est assez étrange. Parce que je ne suis pas particulièrement compétitive dans la vie. Je n'ai pas non plus une ambition galopante. Je dirais que ce qui m'importe c'est d'être bien dans ce que je fais, d'avoir un entourage stimulants et quelques personnes pour m'aimer.

Mais quand je fais un casse-tête, il faut que je sois efficace. Sinon, j'ai la moitié moins de plaisir. J'aime voir avance le projet. Tellement que peux en faire un de 1000 morceaux, si je l'ai déjà complété au moins une fois auparavant, en moins de 24 heures. Il va donc sans dire que je me suis trouvée complètement inefficace quand j'ai mis 7 jours à faire un 2000 morceaux. J'ai donc été passablement surprise quand ma mère s'est dite impressionnée que je l'ai complété en si peu de temps. Pour moi, il aurait fallut que je le complète en 48 heures étant donné qu'en fait des moitié moins grands en la moitié du temps.

Mais ce n'est pas comme ça que ça marche. Il va donc sans dire que ce n'est pas 72 heures que ça prend pour faire un 3000 morceaux. Je bûche comme une damnée sur ce projet depuis que je l'ai entrepris. Et je sais d'ores et déjà que ce sera ma dernière fois. Parce que si je me sais apte à relever le défi, ne plus avoir de vie sauf des petits morceaux de bonshommes colorés pendant des semaines, c'est un peu trop pour moi.

Et visiblement, je ne suis pas de celles qui peuvent mettre des mois à compléter un projet comme celui-ci. Comme si les pièces entraient dans ma tête pour faire éclater ma cervelle.

Ce qui ne me donne qu'une envie : récupérer ma tête.

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dimanche, mars 10, 2019

Je ne m'ennuie pas

Ça fait maintenant trois mois que je vais à la garderie. J'aime beaucoup ça, parce qu'il y a plein d'amis à la garderie. Pas que je m'ennuie chez-moi; l'ennui, je ne connais pas encore vraiment cela. J'ai tellement de choses à découvrir et évidemment, je veux tout goûter pour commencer. Je trouve que mes parents sont bien fatigants quand ils m'ôtent des choses de la bouche, c'est une si belle manière de connaître mon environnement, mais des fois, je regrette un peu d'avoir goûté parce que ce n'est pas toujours bon. Le citron, par exemple, il est très joli et très tentant avec sa belle couleur jaune, mais il me fait cracher et cracher encore quand je le mets dans ma bouche.

Je ne marche pas encore sur mes deux jambes, en tout cas, pas toute seule. J'ai une voiturette qui m'aide beaucoup et j'adore ça, et aussi bien des paires de bras pour m'aider à avance un peu. Sauf que je suis une championne du quatre pattes. Tellement que j'ai pu montrer à une amie de la garderie comment on fait pour se déplacer vite, vite et rattraper les grands qui marchent sur leurs deux pattes. Je n'aime pas être laissée en arrière, qu'on se le tienne pour dit. Surtout quand mon frère fait quelque chose. Dès qu'il commence un jeu qui bouge et que je le vois, je veux participer. Lui, ne veut pas tout le temps. Même pas souvent. Mais je me dépêche d'arriver dans le jeu et je prends tous ses bonshommes d'une main pour me les mettre dans la bouche. Mes parents m'appellent Godilla. Et mon frère n'est pas content.

J'aime aussi beaucoup faire des culbutes. Je suis très bonne, si on m'aide. Je ne parle pas encore, mais je sais me faire comprendre. Les gestes, c'est très bien. Je peux montrer que je veux faire une culbute, il y a toujours un adulte pour m'aider à la compléter. Je peux aussi faire aller mes doigts vers moi en montrant quelqu'un pour que ce soit clair que je veux jouer avec cette personne-là. Je sais dire non, avec le mot et avec ma tête. Et ça me fait beaucoup rire de faire non. Et je peux faire des câlins. Je suis la meilleure petite fille de mon entourage distributrice de câlins, c'est certain. Et c'est moi qui choisi à qui et quand je les fait. C'est très bien ainsi.

J'ai eu un an cette semaine et j'ai découvert de très belles choses en ayant cet âge. Par exemple que j'aime beaucoup certaines chansons et que je peux commencer à les chanter. Ben, je fais l'air, je ne connais pas encore les mots, sauf que je sais que ça viendra. Mon frère, il les connaît les mots, alors il les chante pendant que je danse à côté de lui, très heureuse qu'on partage une activité.

Mais surtout, Maman m'a installée à la petite table du salon avec un joli crayon de couleur et du papier. Ça a été une découverte majeure. Je peux mettre la couleur sur le papier. J'adore ça. Et c'est quelque chose que je peux faire toute seule, presque complètement, j'ai juste besoin qu'on m'aide à m'asseoir à la table. Après, je suis partie pour plusieurs minutes de pur bonheur. Et quand je suis fatiguée de dessiner, je peux déchirer le papier, ce qui est tout aussi amusant.

Et à la fin de journée bien remplie comme celle-ci, je tombe de fatigue, bien heureuse de retrouver mon lit dans la chambre que je partage avec mon frère. Je dors alors à poings fermés parce que je sais que demain je serai occupée à découvrir encore tout plein de belles choses que je ne connais pas encore aujourd'hui.

J'aime ma vie.

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dimanche, mars 03, 2019

Retrousser mes souvenirs

Quand j'étais adolescente, la société de mes pairs se divisait en groupuscules qui s'agrégeaient autour de la musique que leur membres écoutaient. Je ne sais pas si c'est la même chose de nos jours, mais à l'époque, on pouvait pratiquement dire en regardant la vêture des uns et des autres à quelles entités ils s'identifiaient. Je ne suis pas musicienne, je ne l'ai jamais été malgré le fait que j'ai été introduite à la musique à un jeune âge. Je sais déchiffrer une partition faire des gammes sur quelques instruments ce qui ne fait pas de moi une musicienne. Ce n'est pas mon talent, et je vis très bien avec cet état de fait.

J'ai bien entendu eu une phase, assez longue, durant laquelle j'écoutais la radio commerciale afin de connaître les chansons à la mode comme tout le monde. Mais je me suis un jour aperçue que ce qui me touche en musique ce sont les textes davantage que les mélodies. Parce que je n'étais pas très bonne en anglais et que ça me prenait toujours un dictionnaire pour décrypter un texte en anglais, je me suis rapidement tournée vers la musique francophone.

Ce choix à lui seul, faisait de moi une bien étrange bibite dans mon milieu. J'avais une planète musicale que j'habitais toute seule, ou presque. Il me fallait par ailleurs me plier aux tendances du moment et accepter d'écouter ce que les autres aimaient que j'ai fini par apprécier, la plupart du temps. Ma seule exception était Harmonium, parce que c'était à peu près la seule musique francophone que mes amis et connaissances acceptaient d'écouter. Alors, pour me faire plaisir, ils mettaient L'Heptade tout le temps. Comme si de un, c'était le seul album d'Harmonium, de deux, la seule musique en français qui soit écoutable.

Fa que par pur esprit de contradiction, j'ai rayé Harmonium de mon vocabulaire et de mon écoute. Je n'ai aucun album d'eux et n'en ai jamais eu. Par conséquent, je n'ai jamais vraiment porté attention à la poésie de Fiori. C'est par hasard, cette semaine, en sortant du boulot que j'ai attrapé un grand entretien entre Monique Giroux et Serge Fiori. Je savais que ça jouerait cette semaine, et je n'avais pas prévu de l'écouter. Mais bon, comme je n'écoute que la radio dans mes trajets, je ne choisi pas toujours ce que j'écoute.

Bref, j'ai été émue et touchée par un grand musicien et un grand parolier dont l'histoire est complexe et très triste parce que quel que soit le succès qu'il ait connu, il ne peut plus pratiquer le métier qui l'anime pour cause d'anxiété. Et pour la première fois de ma vie, j'ai porté attention aux textes des chansons.

Alors, je me suis rendue à l'évidence que mon esprit de contradiction légendaire ne m'avait pas toujours bien servie.

Heureusement, je suis encore assez souple pour accepter mes erreurs, sur quelque sujet que ce soit et grandir en les acceptant.

Aujourd'hui, j'ai lu tous les textes de Fiori en m'abreuvant de sa poésie.

Retrousser ses souvenirs, parfois, ça fait vraiment du bien.

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dimanche, février 24, 2019

Les immortels n'existent pas

Dans mon enfance, les voisins derrière chez-nous étaient des professeurs d'école secondaire. Une prof de français et un prof de maths. Ils avaient une maison bien ordonnée et très tranquille comparativement au bordel quasi constant dans lequel je baignais quotidiennement. Parce que deux enfants qui ont presque 10 d'écart d'âge, ce n'est pas la même réalité que 4 enfants avec le même écart d'âge. Comme l'aînée avait a peu près mon âge, nous sommes vite devenues amie. Ce qui fait que j'allais bien quelquefois dans sa maison, mais nous préférions être chez-moi pour un paquet de raisons, surtout parce qu'il y avait beaucoup moins de règlements.

Son père était un homme sévère. Il me semble qu'il n'était pleinement heureux que dans son jardin qu'il entourait de mille soins. Je le soupçonne d'avoir acheté cette maison pour avoir une grande pièce de plus que celles de l'intérieur dans laquelle il pourrait s'épanouir. Il avait d'ailleurs fini par faire plus d'une pièce dans son extérieur et il fallait faire bien attention aux endroits où l'on mettait les pieds parce que chaque profanation de son gazon était notée et soulignée. C'était un personnage comme cela.

Il m'impressionnait beaucoup parce que les maths ne lui parlaient pas chinois. Il trouvait souvent le moyen de nous expliquer à sa fille et à moi, des concepts qui nous avaient échapper en classe. Même si nous ne fréquentions pas la même école toutes les deux, on était dans la même année scolaire et on voyais les même matières donc, on s'en parlait. Je n'aurais jamais osé demandé à ce monsieur de m'aider dans un devoir, il n'était pas à ce point convivial, mais sa fille elle, ne se gênait pas pour le faire et moi j'écoutais toute oreilles et parfois, je finissais par comprendre enfin un concept qui fuyait devant mes yeux à toutes jambes, depuis des semaines.

Si j'allais au collège où il enseignait, je ne l'ai jamais eu comme professeur. Il était le père de mon ami et un voisin proche. Je l'ai beaucoup regretté parce qu'en secondaire 4 justement, je n'étais plus dans la même classe que ma tutrice des années précédentes et que je n'avais plus personne pour me réexpliquer en termes différents ce qui venait d'être annoncé par le professeur. Et que j'ai fini par échouer mes maths et changer d'école ensuite. Alors bien sur, je me suis complu à croire que s'il m'avait enseigné, je n'aurais pas échoué. Mais en fait, je l'ignore totalement.

J'ai quitté Ahunstic en 1994. Laissant derrière moi un paquet de gens et de souvenirs. Et cet homme en particulier, je l'ai figé dans le temps. Je ne sais pas pourquoi, il m'apparaissait improbable qu'il vieillisse. Pour moi, il avait encore quelque chose comme 45 ou 50 ans. Ce qui est évidemment complètement faux.

J'ai appris cette semaine qu'il est décédé le 20 février. Ça m'a causé un énorme choc parce qu'il faisait partie de mes immortels, un genre de personnage plus grand que nature qui ne pouvait pas passer l'arme à gauche.

Il va sans toute que je me fasse à l'idée que les immortels n'existent pas.

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dimanche, février 17, 2019

Voir l'avenir

On dit beaucoup des millénariaux qu'ils sont une génération égoïste, généralement individualiste ainsi qu'un autre paquet de qualificatifs tout aussi réjouissants. C'est peut-être vrai, mais je n'en suis pas totalement convaincue. Après tout, beaucoup de ses membres ont animer voire alimenter le printemps érable, il y a quelques années et ils sont éminemment conscientisés par l'environnement et tout ce qui en découle. Si ce ne sont pas des signes d'une vision durable et pérenne de la société dans laquelle ils s'inscrivent, je me demande bien ce que c'est.

Ce que j'observe moi, à travailler avec eux quotidiennement, c'est qu'ils refusent de s'intéresser à la politique dans sa forme actuelle, ce qui en soit est un acte politique. Cette forme d'exercice du pouvoir ne les fait pas rêver à une société potentiellement meilleure parce que selon leurs valeurs, les acteurs principaux de cette joute ont pipés les dés il y a longtemps. Alors plutôt que de s'impliquer dans un parti ou un autre, ils posent quotidiennement des gestes à leur mesure pour améliorer, ne serait-ce qu'un minimum, les chances de survie de notre planète. Ce n'est pas rien.

Ceux qui m'exaspèrent, ce sont ceux qui ont vécu l'abondance des années 50, 60 et 70 en gaspillant les ressources sans aucune forme de culpabilité et qui aujourd'hui en sont fiers. Tenez cet homme croisé récemment. Il portait des vêtements visiblement onéreux, sans aucune forme de goût. L'important semblait être ce que cette vêture ostentatoire laissait paraître de ses moyens financiers. Il était désagréable de suffisance, tellement que les employés du magasin avaient fini par me demander de le prendre en charge parce que malgré les trésors d'imagination dont ils faisaient preuve pour essayer de satisfaire le personnage, ce dernier se montraient condescendant devant l'impossibilité de trouver ce qu'il cherchait.

En résumé, il était l'archétype de mon idée du parvenu. De celui qui s'est construit tout seul et qui a fait beaucoup d'argent rapidement sans égard à autrui, ou même au détriment d'autrui.

Il voulait des vieux films d'action des années 1990. Que nous n'avions pas, et lorsque c'était possible de les commander il les trouvait trop cher et se remettait à tempêter. Laissant entendre que ce qu'il désirait aurait dû lui être accessible simplement parce qu'il le désirait. Mais la vie fonctionne rarement ainsi pour la plupart des mortels.

Un fois à la caisse, je lui ai demandé s'il voulait un sac pour le film qu'il achetait. Comme il a acquiescé, je lui ai offert le sac réutilisable et il m'a regardée avec un tel mépris que j'en ai été saisie avant de me lancer : « Je ne paierai jamais pour quelque chose que j'ai déjà eu gratuitement. » Ça été plus fort que moi; j'ai rétorqué in petto : « mais vous ne vous gênez certainement pas pour prendre gratuitement ce que vous deviez payer avant. » Il m'a sourit, visiblement ravi que j'ai compris, m'a fait un clin d’œil complice en quittant le magasin.

Je l'ai regardé sortir, nauséeuse.

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dimanche, février 10, 2019

Quelque chose comme un Himalaya

J'ai longtemps crié pour me faire entendre, parce que dans la montée d'adrénaline qui sous-tendait ces abcès en raz-de-marée, je me sentais vivante. Je cherchais ma place, mon lieu mon rôle dans le regard que les autres posaient sur moi. Je voulais être bruissante, éblouissante, bruyante, entendue. Enfin, c'est ce que je me dis, avec un peu de recul.

Bien entendu, c'était-là un bien mauvais moyen de me faire valoir. Tout ce que je réussissais à faire, c'était de braquer des regards, figer les gens, mais la rivière de détresse sur laquelle je naviguais tant bien que mal, elle n'était pas perçue. Tout ce qui apparaissait c'était le bruit. Je crois même que la plupart du temps, mes propos hurlés si forts n'atteignaient même pas les oreilles auxquelles ils étaient destinés.

J'ai donc fini par apprendre, sur le tard il va sans dire, que cette colère était un bien mauvais vecteur de communication. Ce que je n'ai toujours pas appris cependant, c'est comment me faire entendre sans pour autant heurter mes proches. Il est si difficile de trouver un équilibre dans la communication. Entre moi et toi, elle et l'autre. Entre ma place et la sienne. Dans cette valse hésitante qui tisse les liens sociaux, comment fait-on pour prendre exactement le bon espace, celui qui nous permettra de luire juste assez pour être bien sans toutefois porter ombrage à autrui.

Depuis quelques années, j'essaie bien fort de trouver ce point de bascule. Pour me faire entendre, j'ai essayé de m'intéresser d'abord à ce que les autres ont à raconter en espérant que ceux-ci me rendront la pareille. Ce n'est toutefois pas toujours le cas, je dirais même pas souvent. Sans aucune mauvaise fois ni méchanceté. Je crois qu'en essayant de cibler ce qui intéresse les autres, je fini par réduire ceux-ci à une expression bien limitée de leur personne et que par voie de conséquence, ils ne sont pas particulièrement intéressés à enquêter sur moi plus loin que les sujets convenus auxquels je les ai moi-même astreints.

Je n'ai plus envie de crier que je me sens invisible, surtout parce que je n'ai plus envie de me colleter aux conséquences la plupart du temps lourdes et douloureuses de mes éclats. Ceci étant dit, il m'arrive encore de me sentir absente et inintéressante sous le nez de personnes qui, pourtant, m'aiment beaucoup. Je n'ai plus envie de crier parce que je sais que de toute manière c'est une voie pavée pour que ma voix ne soit pas entendue.

Non, je n'ai plus envie de crier, mais je ne suis pas tout à fait certaine que je sache désormais dire. Dire une chose aussi simple que : « Des fois, des fois seulement, j'aimerais bien que vous preniez le temps de me demander comment je vais autrement que comme une formule de politesse ».

Il me semble que je viens de me fixer là un objectif aussi élevé que l'Himalaya.

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dimanche, février 03, 2019

Vent de front

L'hiver me semble dur cette année. Pas le pire que j'aie vécu, loin s'en faut, mais il me semble que les journées de bises sont beaucoup plus nombreuses que les journées douces. Et, malgré le fait que, contrairement à d'autres années, je n'ai pas eu de gerçures dues au froid derrière les genoux, j'ai le sentiment que je n'arrive pas à bien profiter des journées de la saison froide parce qu'il fait juste un petit peu trop froid pour j'ai l'envie et encore moins le courage de m'y aventurer. Dans l'hiver, je veux dire.

Mais si je suis une fille du printemps, je suis avant tout une Québécoise. J'aime l'hiver et mon pays en quatre saisons. J'aime le fait que les saisons du Québec soient aussi intenses que brève et que l'on puisse les espérer d'une année à l'autre. Et puis, j'ai déjà largement profité des bonheurs de l'hiver, dans mon enfance et mon adolescence. Entre autre parce que mes parents nous faisaient fréquenter une ecole de ski tous les samedis et que malgré le fait que je ne m'y sois jamais démarquée, ces jours de ski ont étés parmi les plus heureux de ma vie.

Depuis que je suis revenue vivre dans le quartier, j'essaie d'en profiter. Entre autres en fréquentant le parc de l'Île-de-la-Visitation. Je n'y vais pas si souvent, une fois par mois par mois peut-être, dont aujourd'hui. Malgré le vent de front. Parce que j'avais tellement envie de montrer cet itinéraire cher à mon cœur de femme et bien ancré dans mon sang parce que je viens du quartier et que mes parents avant moi aussi. Ceci faisant, il y a des milliers d'histoires sous mes pieds, où que j'aille dans un périmètre de marche.

On annonçait une température clémente, pour aujourd'hui. Sauf que, bien entendu, ce n'était pas tout à fait le cas, dans la réalité. Mais voilà que j'avais convié mon amie Geneviève à une marche dans mon itinéraire favori et un souper de raclette par la suite. Et même si elle est arrivée frigorifiée, elle avait tout de même envie venir visiter mes souvenirs. J'en étais fort heureuse parce que mon envie de reprendre les chemins du passé ne s'était pas tarie avec la météo peu complaisante.

C'est ainsi que nous avons fait une randonnée magique. Magique parce que sitôt après l'avenue Papineau, sur le boulevard Gouin, on ne peut faire autrement que de se sentir à des kilomètre de la ville. Pas de bruit, pas de circulation, de vieilles maisons, pas de fils électriques visibles. Avec tout cela, on se sent ailleurs dans le temps, comme dans l'espace.

Magique parce qu'il suffit de quelques pas de plus pour entrer dans le parc en soi et se retrouver aussitôt en pleine campagne. La ville semblait à des kilomètres entre les marcheurs, les skieurs et les raquetteurs. Le parc était plein, malgré le mordant du vent et nous étions ravies de voir des enfants s'amuser comme des fous à dévaler les dénivellations à force de rires tonitruants.

Nous sommes revenues à la civilisation transies, les joues roses de froid et le cœur content.

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vendredi, février 01, 2019

Groupie un jour, groupie toujours

Une des joies de ma vie c'est mon petit (grand) côté groupie. J'aime aimer des personnalités publiques. C'est vraiment très divertissant. Des petits moments de magie qui me mènent d'une journée à l'autre, l'air de rien. Et, c'est quelque chose de connu, à tout le moins dans ces pages, je me dénonce régulièrement comme fan. Il faut dire que j'ai une tendance certaine à avoir des intérêts proximaux et facilement accessibles, pour moi. De mémoire de fille (je veux dire moi), toutes les fois où je me suis dénoncée, c'était avec des gens qui n'étaient pas très connus ou encore pas tout à fait dans la catégorie des gens qui collectionnent les fan de mon acabit.

François Parenteau, par exemple. C'est un humoriste ayant une certaine notoriété, mais il est loin d'être l'humoriste le plus connu du Québec. Quand je suis allée le voir pour lui dire que j'étais fan, il m'a reconnu illico comme étant sa première fan. Il m'accorde encore ce titre, les rares fois où nous nous croisons. Et je sais qu'il m'aime bien parce qu'il me juge intelligente et allumée. Il a déjà dit, devant moi, que tant qu'à ne connaître qu'une seule de ses fans, il était bien content que ce soit moi parce que j'avais de la répartie. C'est beaucoup mieux que rien et ça m'a gratifiée dans mon rôle de fan.

J'ai aussi joué ce rôle avec un nombre assez incroyable de chanteurs, la plupart du temps, avant qu'ils ne soient connus. J'ai tellement fréquenté les petites salles dédiées aux talents émergents à une certaine époque de ma vie, que la plupart d'entre eux venaient me parler d'eux-mêmes parce qu'ils finissaient par me reconnaître. Simplement parce que j'y étais souvent et que par conséquent, je savais toutes les paroles de leurs chansons avant même que celles-ci soient endisquées.

Mon exception est sans conteste Alexandre Désilets. Je l'ai connu alors qu'il avait déjà remporté plusieurs festivals. Et à ma totale incompréhension, tout son talent n'a pas fait de lui le chanteur le plus populaire de cette province. Il sait qui je suis, et serait certainement déçu si je n'allais voir aucun spectacle cette année alors qu'il a sorti un nouvel album.

Mais voilà, dans tous ces cas, je respecte une certaine distance. Je sais bien que je ne suis l'amie d'aucun de ces hommes. Je suis un public fidèle et assidu, une femme intelligente et allumée et c'est tout. Ils me rendent heureuse et vibrante pendant que je suis dans leurs salles et ça me suffit amplement.

J'établis ces bases parce que hier c'était la journée Bell cause pour la cause et qu'aujourd'hui, j'ai entendu parler d'érotomanie et que tout ça enchevêtré, ça m'a perturbée. Moi qui me sais fragile de la tête, j'ai vraiment pris le temps de me demander si j'avais un jours franchi une limite, possiblement, avec un homme que j'admirais à cause de sa personnalité publique. J'ai fini par me rassurer et me dire que non. Je suis une groupie de salon, sympathique et pas invasive.

De toute manière, je dis et répète depuis des années, que je n'ai aucune envie de savoir comment ces hommes-là embrassent. Je les préfère sur le piédestal sur lequel je les ai juchés, pour me permettre de rêver à ma guise.

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dimanche, janvier 27, 2019

Naître du deuil

Un des plus grands deuils que j'ai eu à faire dans ma vie a été celui de la maternité. J'ai toujours aimé les enfants, toujours aimé catiner, longtemps pensé que je serais mère. Ce qui ne s'est pas avéré. Dans la vingtaine, j'ai eu des amoureux stables, mais pas assez pour qu'on pense à fonder une famille et depuis... Bien depuis, je suis célibataire. Et ça fait longtemps que j'ai décidé que d'élever des enfants toute seule n'était pas un défi que j'avais envie de relever.

Je ne juge pas celles qui le font. Bien au contraire, je les admire profondément. Je n'ose imaginer la quantité de patience, de calme et de renoncement qu'elles possèdent pour y arriver. Ce ne sont pas là mes premières qualité. La patience en particulier. Il m'a toujours semblé que si je m'étais aventurée dans pareil projet toute seule, j'aurais passé mon temps épuisée et colérique à faire passer mes humeurs sur le dos de cette fictive progéniture.

D'ailleurs, la plupart des mères célibataires que je connais ne l'étaient pas quand elles ont eu leurs enfants. Pour la majorité d'entre-elles, il y avait un projet de couple au départ qui s'est cependant étiolé au cours du temps. Ce que je constate, par ailleurs c'est que mes appréhensions à une maternité à temps complet en solitaire recèle exactement les écueils qui m'y ont fait renoncer.

Tous les jours, j'entends les mêmes de femmes exaspérées qui ne paraissent pas être en mesure de s'adresser à leurs enfants qu'en leur criant après. Je n'entends pas les textes, les murs ne sont pas à ce point perméables, mais j'entends les intonations. Et quand on les entends à chaque jour, on comprends que même les femmes les plus patientes finissent pas s'épuiser à essayer de remplir toute seules tous les rôles de la famille. C'est beaucoup trop pour une seule personne, visiblement.

Je ne pense sérieusement pas que j'y serais arrivée et je crois surtout que si je l'avais fait ce n'aurait pas été pour les bonnes raisons. Parce qu'au moment où je sentais que je devais me presser si je voulais créer une famille, j'aurais voulu rencontre quelqu'un qui me sauverait de mes dettes et qui prendrait soin de moi à ma place, par conséquence, je n'étais absolument pas outillée pour prendre soin de quelqu'un d'autre pour toute sa vie.

Je crois que j'avais aussi assez peur du rejet pour ne pas avoir envie d'essayer de rencontre quelqu'un. À la place, je me suis reconstruite tranquillement. J'ai payé mes dettes, une à une avec une patience que je ne me connaissais pas. Je suis devenue une leader, je me suis reconnectée avec moi-même, j'ai recommencé à écrire, à faire des casse-têtes et même, un peu, à colorier. Et je suis devenue, enfin, l'adulte que j'ai toujours su que je pourrais être, même si pendant longtemps, je crois, j'avais cesser d'y croire.

Ce qui me fait croire que de grands deuils peuvent créer de belles naissances.

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dimanche, janvier 20, 2019

L'homme de la porte

Au moins cinq fois par semaine, depuis plus de deux ans, je vois le même homme tenir la porte du métro Jean-Talon. J'ai l'habitude des marginaux qui s'improvisent un emploi pour gagner avec un minimum de dignité un peu de sous. Dans mon ancien quartier, ils étaient particulièrement nombreux. Ce faisant, j'en reconnaissais bien quelques uns, mais je ne peux pas dire que j'avais établi aucune forme de relation avec aucun d'entre eux.

Avec cet homme, c'est différent. Il toujours au même endroit et est le seul à s'y installer. Après tous ces mois, nous nous reconnaissons mutuellement. Il me salue sans plus espérer que je lui donne quoique ce soit, sauf un regard et un sourire. Je crois, je crois seulement, que cette attitude fait la job. Par ce que si nous sommes très nombreux à franchir sa porte quotidiennement, peu d'entre-nous prennent la plein de le saluer. Je n'ai jamais vu personne lui donner d'argent, cependant, il doit en obtenir parce que j'ai pu souvent voir les effets sur lui d'une consommation récente de drogue et je reconnais désormais son pusher, même si je fais semblant que je n'ai aucune idée de ce qu'il fait dans le secteur. Une fille se protège comme elle peut des vautours de ce monde.

Cet été, je me suis souvent inquiétée pour l'homme de la porte. Parce qu'il faisait si chaud et qu'il est pratiquement toujours habillé comme si on était quelque part au début du printemps. Je lui ai donné un bouteille d'eau, un fois. Ça m'apparaissait une bonne idée sous la canicule. Et si j'essaie de ne pas trop gaspiller de plastique dans ma vie, je trouvais que dans ce cas précis, c'était de l'argent bien investi dans un bouteille. Il était content, ce jour-là. Il me l'a rappelé tout le reste de l'été.

Depuis quelques temps, une vraie bise hivernale enveloppe la ville. Mais je l'ai vu tous les jours à sa porte. Pas très tôt le matin, pas quand le soleil est couché non plus, mais dans le cœur du jour, il est fidèle à son poste. Je sais qu'il ne fréquente pas les refuges. Pas que je le lui ai demandé, mais à force, on finit par un peu connaître ces étrangers. Et au nombre de fois où j'ai vu les policiers à vélo où les agents du métro lui parler, j'ai fini par comprendre ce genre de choses.

Alors bien entendu, je commençais à me demander sérieusement si je le reverrais jamais après la bordée de neige qui nous est tombée dessus. Pas tant à cause de la neige, mais du froid mordant qui l'accompagne, tout à fait étrangement. Je n'ai absolument aucun souvenir de tempête précédente lors desquelles il faisait froid. Et là, il fait froid de chez froid.

Je m'approchais du métro hier, en fin d'après-midi avec presque dans l'idée de lui demander s'il avait un plan pour la nuit quand j'ai vu la brigade de travailleurs sociaux l'aborder. Trois personnes qui le connaissaient manifestement avaient entrepris de le convaincre de passer la nuit au chaud. Je ne sais pas s'ils ont réussi, j'ai passé mon chemin soulagée de savoir qu'on essayait de lui donner une option.

Et j'ai bien dormi en imaginant qu'il avait accepté.

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jeudi, janvier 17, 2019

Une bête curieuse

Dans l'immeuble où j'habite, il y en gros, deux types de locataires : des personnes seules ou de jeunes familles qui, à ce que je me suis laissée dire, ne restent jamais très longtemps à cette adresse. Je suis moi-même une nouvelle arrivante dans ce milieu. Mais je m'y suis intégrée comme une main dans un gant fait sur mesure. J'ai été accueillie avec gentillesse par les occupants qui y sont depuis longtemps, parce que, je suppose, ils me reconnaissent comme l'une des leurs.

Une fois cela établi, je ne peux pas dire que j'ai largement fait connaissance avec les autres occupants, mais j'en reconnais plusieurs, sur la rue où à l'épicerie. À vrai dire, mon premier contact avec la majorité d'entre eux a eu lieu quand nous sommes retrouvés devant l'immeuble à cause d'une alarme d'incendie. On était collectivement en pyjama ou à peu près, ce qui ne nous présentait pas nécessairement les uns aux autres sous nos meilleurs jours. Ceci était dit, ça nous a permis de nous lancer des petits coups d’œil complices quand on se croisait dans le vrai monde.

À l'étage du dessus, il y a plusieurs personnes qui y sont depuis fort longtemps, dont une femme que j'appellerai Suzie. Je ne l'ai pas vue très souvent. Nous avons des horaires divergents et nos appartements ne donnent ni sur les mêmes couloirs ni sur le même côté de l'immeuble. Mais le jour de Noël, je l'ai croisée alors que je remontais une brassée de linge. Elle était assise dans l'escalier, un gros sac poubelle sous les fesses et elle descendait (dévalait) l'escalier de cette manière. Bien entendu, j'avais eu le goût de rire, mais je m'en étais abstenue. Après tout, sa situation n'était pas enviable, et elle ne pratiquait pas cette descente dans le simple but d'avoir du plaisir. En réalité, elle avait une jambe cassée et elle trouvait beaucoup moins difficile de parcourir les étages de la sorte plutôt que de se battre avec ses béquilles pour arriver à destination. Ce jour-là, elle était accompagnée d'une femme lui ressemblant beaucoup, qui lui apportait un support moral sans doute bienvenu.

Il y a quelques jours, on s'est revues à la salle de lavage. Moi, je suis régulière comme une horloge et j'utilise toujours les machines tôt le matin, un jour de semaine. Je ne l'y avait jamais vue. Elle était entrée dans la pièce quand je venais d'abaisser la porte de la laveuse. Elle m'avait fait une petite face dépitée en me demandant si j'avais l'intention de faire sécher mon linge après. J'avais toute suite compris l'enjeu, il y a deux laveuses et une sécheuse. Et visiblement, elle n'avait pas l'intention de remonter ses étages entre les cycles de lavage. Je l'avais rassurée en lui disant que je pouvais très bien attendre deux heures avant de revenir mettre mon linge à sécher.

J'ai alors eu l'impression d'avoir réussi un rite de passage. Parce qu'elle s'était aussitôt présentée, m'expliquant qu'elle restait ici depuis vingt ans et me racontant les us et coutumes des habitants de longue date de notre immeuble. C'est ainsi que j'ai appris l'histoire d'à peu près tous ceux qui sont partis en même pas cinq minutes, tout à fait surprise d'en apprendre autant en aussi peu de temps. Tandis qu'elle déplorait de ne plus rien savoir depuis que le concierge avait changé parce que celui d'avant expliquait toujours qui partait et qui arrivait à ceux qui voulaient bien l'entendre.

Je l'avais trouvée un peu belette, tout en étant immensément sympathique.

Le l'avais laissée à son lavage, plutôt amusée, en me disant que je ne perdait rien pour attendre qu'elle trace de moi une esquisse aussi vive que précise la prochaine fois qu'elle parlerait à une voisine de palier que je ne connais pas.

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dimanche, janvier 13, 2019

Championne des belles façons

Lundi dernier, j'ai commencé la garderie. Oui, oui. Et j'en suis bien contente. J'aimais beaucoup être toute seule avec Maman, parce que Maman c'est la plus belle, merveilleuse, gentille personne au monde. Mais j'avais envie d'avoir des amis. Et juste quand je suis arrivée à la garderie, j'ai vu qu'il y avait plein d'amis dont une de mon âge qui marche à quatre pattes, exactement comme moi. On s'est reconnues dès que j'ai été sortie de mon habit de neige et je suis partie jouer sans un regard en arrière pour ma mère. Après tout, je n'avais aucune raison d'avoir peur, mon frère y va tous les jours et rentre à la maison après. J'ai donc sauté dans l'aventure sans aucune espèce d'hésitation.

Je suis une jeune personne rieuse et souriante. J'aime les gens. Même ceux que ne vois rarement. Si mes personnes de confiance (Maman, Papa, Zazou et des fois Grand-Mamie) accueillent des gens chaleureusement, je ne vois pas pourquoi je ferais autrement. Alors tout à l'heure, chez Grand-Mamie, je suis allée voir à la porte quand ça a sonné. Là, il y avait Francis et Tatie. Je le sais parce que Maman l'a dit, mais je ne les reconnais pas encore. Je ne les vois pas assez souvent pour dire que je me souviens d'eux d'une fois à l'autre, mais ils ne me font pas peur, ça c'est certain. Alors je les accueille de mon sourire le plus éblouissant et ils semblent très satisfaits.

J'aime beaucoup être indépendante, aller où je veux comme je le veux. Généralement pour trouver des bras qui accepteront de me prendre si je fais d'assez belles façons. Et je suis pas mal championne des belles façons. Alors je réussi pas mal tout le temps à trouver une paire de bras charitables, jusqu'à ce que je décide que c'est assez et que je veux retourner me promener. Si je vois un chat, par exemple, c'est certain que je veux aller le voir. Martini, le chat de Grand-Mamie il ne me laisse pas beaucoup faire. Je peux à peine le toucher et il va aussitôt se cacher. Je trouve ça bien dommage parce que je voudrais tant lui donner des bisous. J'adore donner des bisous. J'en donne à Yata, mon chat à moi, et à mon lapin, et à mon chien et à Maman et à Papa et à Zazou.

Des fois aussi, j'en donne à d'autres personnes. Tenez aujourd'hui, j'ai beaucoup joué avec Tatie. Elle m'a fait rire au souper parce qu'elle parle comme moi. Et elle joue avec moi un peu, même si elle joue aussi avec Zazou qui est, aujourd'hui, un super héros. Et puis, elle m'a fait danser, elle a aidé Papa à mettre mon pyjama, en me faisant des beaux sourires très chaleureux. Je me sentais en confiance et surtout, je voulais lui montrer que j'avais apprécié ses efforts et sa gentillesse. Alors quand elle m'a remise à Maman, je lui ai fait un sourire dévastateur et je lui ai donné un bisous. Je crois qu'elle était ravie parce qu'elle m'en a donné un aussi

Couchée dans mon lit, je suis déterminée à passer une bonne nuit, parce que demain je retourne à la garderie. Mais ça se peut que je me réveille une fois ou deux, ou quatre, juste pour m'assurer que Maman est près de moi.

Bientôt, je serai assez grande pour dormir d'une traite toute la nuit. En tout cas, je l'espère.

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jeudi, janvier 10, 2019

Toquade imposée

Quelque fois, on loupe son arrêt de métro parce qu'on est dans la lune, ou trop concentré sur le livre que l'on lit. Ça m'arrive assez régulièrement et quand je suis sur le chemin du retour, il existe à la station suivante un autobus fiable que je peux prendre pour rentrer à la maison. C'est plus long et j'ai une bonne petite marche à me taper de l'arrêt à chez-moi, mais je perds beaucoup moins de temps à suivre cet itinéraire qu'à revenir sur mes pas, surtout quand il est pus de 21 heures le soir. Parce que c'est exactement ce qui m'est arrivé ce soir, je me suis retrouvée plongée dans les balbutiements de mon adolescence, devant une image vive d'une scène que j'ai vécue il y a plus de 30 ans.

J'ai changé deux fois d'école durant mon parcours secondaire. La première fois, j'étais bien jeune et j'allais rentrer en secondaire 2. J'étais fébrile et heureuse de ce changement à l'époque si je m'en rappelle bien. Je ne connaissais pas encore les airs de la maison et on m'avait désigné une porte comme celle de l'entrée des étudiants. C'était donc vers elle que je me dirigeais par belle journée de fin d'été. J'avais bien quelques appréhensions, je ne connaissais après tout personne dans ma nouvelle école, mais comme je suis généralement positive, il me semblait qu'il ne serait pas trop difficile de rencontrer de nouvelles personnes et de me faire des amis. De fait, je ne me trompais absolument pas à ce sujet précis.

J'étais rendue à l'arrêt d'autobus du collègue quand un ado était descendu dudit autobus me bousculant presque au passage, avançant avec toute la confiance d'un ancien, mais arborant un visage qui trahissait un très jeune âge. Il ne pouvait pas être bien plus vieux que moi, je n'imaginais pas qu'il puisse être en secondaire trois où quatre. Alors, j'avais décidé que je devais tomber amoureuse de lui, prenant notre rencontre fortuite comme un signe. Il n'était pas particulièrement beau, mais il répondait précisément à l'idée que je me faisais de l'adolescent de mon âge duquel il me semblait que je devais tomber amoureuse. Ce qu'il peut y avoir d'étrange dans la cervelle d'une jeune fille... Et dire que je trouvais cela normal.

Honnêtement, lui ne s'était jamais rendu compte qu'il avait croisé ma route. Il ne m'avait pas vue et ne s'apercevrait de mon existence que des mois plus tard. Nous n'étions pas dans la même classe, ni même sur le même étage. Et je n'étais pas une personne des plus populaires tandis que lui faisait indéniablement partie de la gang de notre année. Mes chances étaient donc très minces et de toute manière, je sais très bien aujourd'hui que nous n'avions pas grand chose en commun. Ma toquade auto-imposée aura duré presque toute cette année scolaire-là.

Nous n'avons jamais été amis lui et moi, mais on a bien fini par échanger quelques mots de temps en temps. Au début, j'étais impressionnée par ce que j'imaginais être lui. Et puis, je me suis rendue compte qu'il n'avait pas une discussion très stimulante et qu'il ne s'intéressait pas à grand chose en dehors du sport. C'est avec cette expérience que j'ai appris les danger de se fabriquer un personnage factice à partir d'une personne réelle.

Et j'ai bien pris soin, par la suite, de rencontrer les gens dans ce qu'ils sont avant d'en tomber amoureuse.

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dimanche, janvier 06, 2019

Faire frémir mes blues

Je dirais que je n'ai pas vécu le temps des fêtes le plus convivial de mon existence. Ni le pire loin s'en faut. Il fut une époque où j'appréhendais cette période de l'année avec beaucoup de réticence, mais heureusement pour moi, j'ai changé et pris un certain nombre de décisions qui me rendent la vie plus simple, si je puis l'exprimer ainsi.

N'empêche que, ces dernières semaines se sont déroulée sous un voile d'inquiétude. Pas pour moi, mais la santé de ma maman, n'était pas au beau fixe et ça a forcément des incidences sur la manière dont ses enfants, même grands, vivent une période supposément de réjouissances. Elle va mieux, sans être complètement rétablie, à mon immense soulagement. Alors, les fêtes ne se sont pas exactement déroulées comme c'était prévu, puisqu'elle n'avait pas l'énergie qui l'anime habituellement et que nous avons dû annuler un souper, ce qui n'est pas grave, mais qui peut en décevoir certains. En tout cas, moi, ça m'a déçue parce que j'aime beaucoup ces rencontres familiales.

Ce n'est pas la seule choses qui ait mis du plomb dans mes ailes. À chaque année, nous embauchons du personnel supplémentaire pour le cette période très achalandée de l'année et à chaque année, il faut mettre un terme à certains liens d'emploi, parce que nous n'avons plus besoin d'autant de personnel etc. Par une erreur de circonstances tout à fait inhabituelle, j'ai eu l'odieux de le faire pour tous les employés que nous avons dû laisser partir. Ordinairement, la tâche se répartie entre tous les membres de la direction. Pas cette année.

J'ai beau l'avoir fait plusieurs fois dans ma vie, je ne peux pas dire que je sois friande de ce genre d'exercice. Il y a des blessures que l'on inflige à des gens qui ne le méritent pas, ou si peu. Et même lorsqu'il est temps de signifier à quelqu'un qui ne cadre absolument pas dans l'équipe, qu'on ne poursuivra pas l'aventure ensemble, ce n'est ni aisé ni agréable. On dirait que moins les gens sont à leur place dans une entreprise, moins ils sont compétents, plus ils sont surpris d'être remerciés de leurs services. Et parfois, parfois ils tentent de nous faire changer d'idée et en deviennent presque verbalement violents.

Et puis, une amie a perdu une parente qu'elle aimait beaucoup. J'ai personnellement rencontré la dame en question à une occurrence. Cela faisait longtemps qu'elle vivait avec la sclérose en plaque, mais elle m'était apparue comme une femme chaleureuse et animée et je savais que mon amie avait une tendresse toute particulière pour cette femme résolument forte dans son adversité. Si la situation ne me touchait pas directement, la peine de mon amie oui.

Alors, je dirais que j'avais un peu les blues de mon temps des fêtes 2018-2019 quand une alerte musicale sur mon téléphone a changé la donne. L'alerte signalait un message tout simple de quelqu'un qui disait, dans un groupe de discussion, à quel point cette personne se sentait heureuse et fière de nous compter parmi ses amis.

Pas grand chose, juste une pensée joyeuse pour faire frémir les bourrasques de mes blues.

Et je l'en remercie.

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jeudi, janvier 03, 2019

2018

Ah 2018, j'ai erré pendant plusieurs jours à me demander que penser de toi. Tu auras été, une année mitigée, même si au bout du compte, je dirais que tu auras été très profitable. Pas tant monétairement que dans tous les autres aspects de ma vie.

Tu auras débuté, ou presque, par la très jolie fête d'anniversaire de Maman, lors de laquelle nous avons, sans doute pour la dernière fois, été capables de réunir quelques membres de la génération précédant la sienne. Un beau et touchant moment qui l'avait totalement prise par surprise et complètement réjouie.

Il y a aussi eu l'arrivée de la Coccinelle, ma nièce, qui sourit avec confiance au monde, heureuse d'y participer, sans urgence mais avec une bonne détermination. Mais ça, évidemment, ce n'est pas au cours de ses premiers jours que nous l'avons su, c'est tout au long de l'année que nous avons tranquillement découvert une petite fille qui aime aimer et qui se sent souverainement en sécurité du moment où sa mère, son père ou son frère sont à portée de vue.

J'ai aussi vu la fin d'une situation très toxique. Ce n'est pas de mon fait, mais les aléas de la vie ont fait en sorte que cette épine dans mon pied est tombée d'elle même. Je mesure chaque jour à quel point c'était inconfortable, même si j'arrivais à sillonner dans des eaux troubles sans vraiment laisser paraître l'étendue du malaise dans lequel j'évoluais. Et ça fait un bien fou.

2018, tu es aussi l'année où j'ai assisté au mariage d'un couple d'amis que j'aime de tout mon cœur et qui ont célébrer leur union en toute résonance avec ce qu'ils sont profondément. Pas de grande messe, pas de robe hors de prix ni de réception à faire des jaloux. Juste une belle cérémonie, vraie et apaisante dans un décors qui leur ressemblait tant qu'on l'aurait cru créé pour eux.

Mais tu auras aussi été une fin d'année mouvementé, pleine de sons de toux un tantinet inquiétants et des heures glauques à l'urgence ce qui comporte, bien entendu, des festivités de fin d'année un peu chamboulées pour dire le moins. Tellement que j'ai eu bien de la peine à remonter le fil des événements de l'année entière comme si les deux dernières semaines étaient garantes de tout.

Mais ce matin je me suis souvenue que ton plus haut fait aura été de me voir m'établir toute seule dans un petit appartement. J'avais si peur de m'ennuyer, si peur de ne pas savoir m'occuper de moi, de ne pas être bien. Mais je me trompais. J'étais rendue à ce passage, semblerait-il parce que non seulement je survis tout à fait convenablement à ma solitude, mais en plus je la cultive. Je n'ai même pas branché ma télévision, elle sert davantage d'accessoire décoratif que d'objet de consommation. Je fais des casse-têtes, je lis, je cuisine, je perds mon temps sur mon ordinateur ou sur mon téléphone. Et lorsque je m'ennuie trop, je fais le ménage. En somme, je me suis fabriqué un petit nid qui me ressemble et qui me permet d'être juste bien où je suis.

Alors, oui, au final, 2018 je dirais que tu auras été une année enrichissante, même si je ne peux pas dire que c'était parfait...

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dimanche, décembre 30, 2018

L'infirmier

Moi, les fêtes de famille du côté de ma mère, j'aime ça et je n'aime pas ça en même temps. Je n'aime pas ça parce qu'il n'y a pas d'autres enfants que Coccinelle et moi et j'aime ça parce que j'aime ma grand-mère de tout mon grand cœur de petit garçon. Et puis Noël, c'est bien parce que je peux mettre mes beaux vêtements neufs et que Geoffroi est là et il n'est pas souvent là. Geoffroi c'est mon oncle et lui il sait jouer. On a eu beaucoup de plaisir avec mon joli train en bois. Et j'ai eu presque autant de plaisir à déballer mes cadeaux et ceux de Coccinelle, et ceux de Papa et ceux de Tatie aussi. Je suis le meilleur déballeur de cadeaux de cette famille, c'est certain. Heureusement qu'ils m'ont pour les aider.

Cette année, comme je suis grand, j'ai mangé à table avec tout le monde entre Tatie et Papa. Ça fait longtemps que j'ai compris que ça ne donne pas grand chose d'essayer d'attirer l'attention de Papa quand il est en train de parler avec les cousins et les frères de Maman. Il est beaucoup trop occupé à écouter. Du côté de Tatie, c'est plus efficace, comme ça je peux manger plein de noix sucrées que j'aime beaucoup, même si je suis obligé de dire merci à toutes les fois où elle en met dans mon assiette.

Mais cette année, c'est aussi celle où Grand-Mamie elle est malade. Je le sais depuis avant Noël parce qu'on devait aller au théâtre ensemble il y a quelques jours, mais on n'a pas pu parce que déjà était malade ce jour-là. D'habitude, Grand-Mamie passe la soirée assise au bout de la table. Sauf que là, elle était assise dans sa chaise de lecture. J'en ai profité, vous pensez bien. Je me suis faufilé par en dessous de la table pour aller la retrouver et on a lu des livres ensemble. Je pense par ailleurs, qu'elle devrait renouveler son stock de livres, parce que ce sont des livres de petits qu'elle a, je trouve. Moi, j'aime les livres de grands, ceux dans lesquels il y a beaucoup de mots, comme mon livre de légendes québécoises que j'ai à la maison. Des livres avec presque pas de mots et beaucoup d'images, c'est pour les bien plus petits que moi voyons, alors je l'ai dit à Grand-Mamie.

Après la lecture, j'ai mis mon pyjama et je me suis installé devant la télé pour écouter un film. Moi, je n'écoute pas souvent de film. C'est juste pour les moments spéciaux. Et Noël, c'est spécial. Je suis allé chercher Grand-Mamie et je lui ai dit de se coucher à coté de moi pendant mon film. J'étais vraiment content, me semble que c'est bien meilleur le cinéma quand on a une grand-maman avec soi.

Mais le lendemain de Noël, Grand-Mamie était toujours malade. Maman a décidé d'aller l'aider à aller faire du ménage. Moi, je suis allé avec elle pour m'occuper de Grand-Mamie, elle en avait bien besoin. On s'est collés, je lui ai raconte plein de choses et on a encore lu les livres qui sont chez elle.

Maintenant, elle va mieux. Je suis certain que ma visite a fait toute la différence.

Quand, je serai grand, peut-être, je deviendrai infirmier...

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jeudi, décembre 27, 2018

Premier Noël

Noël, je ne sais pas ce que c'est. En tout cas, pas vraiment. Après tout, je n'ai que 9 mois et 4 dents. Mon frère en parle beaucoup, il est très content que ce soit Noël et de mettre ses beaux habits. Moi, tant que Maman, Papa et Zazou sont là, je suis contente. Même si je ne sais pas trop ce que c'est Noël, on est allés chez Grand-Mamie et il y avait là plein de gens. Des gens que je ne connais pas et qui parlaient fort, mais comme toute ma famille semble aimer ces étrangers j'ai affiché mes plus jolis sourires et je ne me suis pas faite trop sauvage.

On a déballé les cadeaux près beau sapin illuminé. J'étais personnellement beaucoup plus intéressée par la crèche et le village sous le sapin que par ce qu'il y avait dans les paquets. Sauf si c'était des jeux pour Zazou. Parce que tout ce qui est à Zazou m'intéresse. Je suis chanceuse, il me laisse jouer avec ses jouets, la plupart du temps. Mais des fois, quand je veux participer à la création d'une ville ou autre chose du genre il dit non. Je ne comprends pas pourquoi, parce que le morceau de plastique de sa ville est aussi bon que la petite voiture de bois dans ma bouche.

Maintenant, j'ai acquis beaucoup d'indépendance, je marche sur mes quatre pattes et je peux aller à peu près où je veux. Je vais moins vite que Zazou sur ses deux pattes et je me perds encore un peu quand on est chez Grand-Mamie. Alors je m'assois tranquillement et j'écoute bien fort les bruits autour. Dès que j'entends une voix connue, je reprends ma route jusqu'à ce que j'arrive triomphalement devant Maman ou Papa qui eux ne savent pas encore quelle étrange aventure que viens de vivre, ni surtout que j'ai pensé les perdre mais que je les ai retrouvés toute seule.

Des fois Tatie me prends dans ses bras, je ne la reconnais pas vraiment, mais elle est gentille, elle me tient bien et me chante toute sorte de comptines que je connais. Alors je ris un peu et j'accepte de rester là. J'ai mangé un bon repas pendant bien dissimulée dans ce que Maman appelle mon costume nucléaire, parce que je veux participer activement à me nourrir et que ça signifie le plus souvent que j'agite ma cuiller dans toutes les directions avec les conséquences que je vous laisse imaginer.

Après mon souper, tout le monde s'est mis à table, sauf Grand-Mamie, alors je suis allée me coller sur elle et elle me racontait toutes sortes de choses doucement. Ensuite Zazou est venu jouer au train avec Geoffroi, mais il ne voulait que je participe. Papa est venu me prendre pour me ramener à table et j'avais les joue rouges de chaleur et de fatigue, j'ai même un peu dormi, mais pas trop, parce que je voulais savoir ce qui se passait. Je ne pouvais quand même pas être la seule personne de cette maisonnée à être plongée dans l'ignorance.

Quand je me suis réveillée à la maison, le lendemain. C'était encore Noël, mais chez-moi avec encore plein de gens que je connais un peu pas. Au moins, j'étais dans mes affaires, sur un plancher qui n'a plus de secret pour moi.

Alors, au bout du compte, je ne sais toujours pas vraiment ce que c'est Noël, mais c'est ben, ben fatigant.

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dimanche, décembre 23, 2018

Ma professeure de maths

Ça fait des jours que je cherche le client de Noël qui me fera sourire et qui deviendra le personnage annuel de mes récits. Je ne l'ai pas croisé cette année, il faut croire que celui-ci a décidé de fréquenter un autre endroit que celui où je travaille, peut-être n'avait-il pas envie de se faire pincer par ma plume cette année. Même si, je dois l'avouer, la plupart de mes victimes ne savent pas que je les décris, et si elles le savaient, je pense qu'elles en seraient plus amusées qu'offensées.

Mais tout de même, il y a cette femme, que j'ai failli nommer ici fille, que je vois seulement une fois par année, généralement entre le 21 et 24 décembre depuis presque aussi longtemps que je travaille dans le milieu du livre. De manière tout à fait étonnante, elle a suivi à peu près tous mes mouvements de succursale sans jamais à l'avance que je changeais de localisation. Je la connais depuis bien longtemps, depuis 1988 en fait. Nous avons fait notre secondaire ensemble. Enfin une partie.

Elle était très douée en mathématique, ce qui a été une bête féroce dans mon cheminement scolaire. Et je suis encore convaincue aujourd'hui que si j'ai passé mes années de secondaire 2 et 3 en cette matière, c'est à elle que je le dois. Les professeurs de mathématique de mon adolescence avaient souvent l'habitude d'ordonner leur classes en imposant l'ordre alphabétique pour le choix des place dans leurs salles. Ce faisant, elle et moi étions souvent assises dans un secteur bien rapproché si ce n'était carrément l'une devant l'autre.

C'est ce qui m'aidait parce que dès que nous tombions en pratique, je me tournais vers elle avec des yeux ahuris, démontrant muettement mon incompréhension totale de la matière. Alors, elle prenait le premier exercice en haut de la feuille, et m'expliquait, dans ses mots, ce qui venait d'être démontré et que je n'avais pas compris. Et elle le refaisait jusqu'à ce que je réussisse un exercice en lui expliquant de quelle manière j'avais procédé et comment je l'avais fait.

En secondaire 4 nos chemins ont divergé et j'ai échoué la partie enrichie de mon année. On s'est perdues de vue pour se retrouver, des années plus tard à l'Université de Sherbrooke. Elle étudiait alors en mathématiques pures. Ce qui ne m'avait pas du tout surprise. Re-perte de vue après trois ans et c'est au magasin, quelques jours avant Noël il y a une douzaine d'années qu'on s'est revues. À tous les coups, je prends la peine de jaser quelques minutes avec elle, pour prendre des nouvelles d'elle et de sa famille, en donner à mon tour. On se quitte toujours sur un grand éclat de rire, ce qui résume assez bien les années où nous avons partagé une amitié plus assidue.

J'en arrive presque à croire, même si honnêtement, je ne l'attends pas vraiment, que mes Noëls seraient un peu moins joyeux sans nos petits échanges d'éclats rieurs en catimini.

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jeudi, décembre 20, 2018

Dernier droit

Ça y est, je n'ai plus la moindre petite idée de quel jour on est tellement je n'ai pas le temps de penser, Mes journées ressemblent à n'importe quoi, si ce n'est à marcher des kilomètres dans des rangées trop étroites occupées par des qui semblent se multiplier par elles-même et des véhicules motorisés pour personnes à mobilité réduite. Généralement, on a à peine terminer de répondre à une requête que déjà une petite file s'est créée autour de nous. Et ça ne donnerait pas grand chose qu'on soit vraiment plus nombreux parce qu'un moment donné, ce qu'il faut ce sont des personnes qui connaissent les livres, les jeux, les films et la musique et leur classement davantage que de personnes qui, de toute manière, finiront pas demander de l'aide à un collègue parce que leur temps parmi nous n'aura pas été suffisamment long.

J'aime cette période de l'année. En fait, ma paie, c'est le service à la clientèle, ce l'a toujours été. Je suis heureuse quand je déniche la chose qui convient exactement aux besoins du client. Même si parfois, je suis un peu coincée. Je n'ai pas tout lu et n'ai absolument pas l'intention de tout lire. J'en serai de toute manière bien incapable. Mais certaines personnes semblent croire qu'il faut avoir lu un livre pour pouvoir le conseiller. Heureusement que ce n'est pas le cas, parce que sinon, je serais une bien mauvaise libraire. Parce que je ne suis pas friande de biographie, ni d'essais de sciences, par exemple, ne veut pas dire que je sois incapable de dénicher l'ouvrage qui nourrira l'esprit de qui en est adepte. Je réussi généralement à faire comprendre cet état de fait aux sceptiques.

D'autant que plus le temps passe, plus il les clients seront pressés et, presque forcément, bougons. Oh, ils ne le sont pas tous, je dirais même que la grande majorité est très conviviale et bien consciente que c'est un peu de sa faute si elle se retrouve dans une foule sans bon sens et que tous les objets sur la liste en mains ne sont pas forcément trouvable dans l'immédiat ni même, avant Noël. Mais quelques uns sont de mauvais poil, année après année, il me semble et eux, eux on les entend. Généralement, ils sont tellement bruyant que c'est tout le magasin qui les entend.

Aujourd’hui, j'en ri. Après leur départ, bien entendu. Ça ne me touche plus personnellement. Je les laisse tempêter en tentant tout juste de contrôler les dégâts et de les calmer. Il m'arrive même parfois de réussir à trouver un quelque chose en compensation de l'objet de désir évanoui depuis longtemps des tablettes des commerces. Et à tout les ans, il y a ce quelque chose que tout le monde veut en même temps et que franchement, on n'avait pas vu venir. Cette année, ce sont les cartes à gratter et le jeu Exploding kitten. Il n'y en a plus dans le réseau ni nulle part que je connaisse et quand bien même que les gens se mettraient à grimper sur les murs, je ne peux pas les inventer.

M'enfin, c'est une bien courte période dans l'année, pas si désagréable, somme toute, même si c'est vraiment épuisant.

Après ben, je participerai au souper de Noël de la famille.

Et ça c'est vraiment un des meilleurs moments de mon année.

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dimanche, décembre 16, 2018

Ligne dilettante

Jeudi soir à la fin de l'heure de pointe, j'attendais l'autobus sous une pluie constante et glaciale depuis une vingtaine de minutes, peut-être davantage. J'avais bien vu des véhicules sur un trajet alternatif passer plusieurs fois, mais je ne me sentais pas l'optimisme de descendre les quatre coins de rue sur la chaussée devenue presque impraticable à cause du verglas. Une fois encore, je me maudissais de n'avoir pas choisi des bottes à crampons lorsqu'était venu le temps de remplacer mes bottes d'hiver.

Je savais, avant de décider quel trajet emprunter que celui pour lequel j'optais était hasardeux. Je blaguais beaucoup avant de revenir vivre dans Ahuntsic au sujet de cet autobus qui ne m'avait pas manqué parce qu'il est plutôt dilettante dès que le mauvais temps se met de la partie. Cependant, sur à peu près le même parcours, il y a aujourd'hui une seconde ligne qui peut, parfois s'avérer fort utile.

Il était frustrant de voir des bus décharger leur passager un coin de rue plus haut avant d'afficher un « en transit » qui les renverrait certainement à leur garage. La grogne commençait à se faire entendre de plus en plus fort autour de moi parce que visiblement, il y avait un souci avec la ligne 140 puisque, selon ce que j'ai compris, 3 autobus avaient omis de se présenter. Et bien entendu, ce genre de chose arrive quand la température est dégueulasse. Et franchement, ce soir-là c'était épouvantable.

Comme beaucoup d'entre-nous, lorsque l'autobus de la ligne alternative s'est présenté, j'ai décidé de me diriger vers le second arrêt afin de finir par arriver à bon port. C'est à ce moment qu'une dame immense s'est jetée devant l'autobus pour l'empêcher d'aller rejoindre son point de départ. Il n'y a pas eu de heurt, la conductrice de l'autobus ayant pu s'arrêter avant de frapper la dame. Celle-ci criait à la conductrice de prendre le trajet du 140 parce qu'elle était tannée d'attendre, frigorifiée. Elle était visiblement en furie. Un homme l'a tirée vers le trottoir pendant, qu'avec un peu de honte, je continuais à me diriger vers l'arrêt où je pourrais monter dans ledit bus.

Je ne sais pas trop comment elle s'y est prise, mais elle a atteint la porte du 41 deux personnes avant moi. Pourtant, j'étais certaine de l'avoir laissée en arrière quand l'homme l'avait sortie de la rue. Une fois à l'intérieur, elle s'est remise à enguirlander la pauvre chauffeuse. Avec des mots que je préfère ne pas répéter. C'était violent. Pendant ce temps, une bonne partie des gens qui avaient attendu le 140 s'agglutinaient derrière-moi, forts mécontents de ne pas pouvoir se mettre au sec. La dame hurlait qu'elle empêcherait tout le monde de monter et l'autobus de partir tant que celui-ci ne se transformerait pas en 140.

J'ai fini par lui toucher le bras en en lui disant : « Madame, je comprends que vous soyez furieuse, mais la chauffeuse n'y est pour rien et tout ce que vous réussissez à l'heure actuelle c'est de braquer une vingtaine de personne contre-vous. Potez plainte à la STM, vous aurez raison, mais la conductrice elle, elle ne peut pas régler votre problème » Elle s'est retournée vers moi encore plus furieuse et j'ai eu peur qu'elle ne me frappe, ce qui semblait être son prochain mouvement. Mais le même homme qui l'avait sortie de la rue a tiré sur son bras pour l'écarter de la porte tout en me poussant à l'intérieur.

J'ai eu le temps de voir des agents de la STM arriver pour apostropher la cliente mécontente avant que le bus soit tellement plein pour qu'il soit possible de voir ce qui se passait à l'extérieur.

J'espère sincèrement qu'ils n'étaient là que pour la calmer, parce que je suppose depuis deux jours, qu'une affaire plate de plus n'aurait absolument rien amélioré à une journée déjà gâchée.

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dimanche, décembre 09, 2018

La fille

Quand j'étais adolescente, peut-être même pré-adolescente, le Québec a été balayé par une vague qui s'appelait RBO. Je ne les ai pas connu à la radio, mais je les écoutais régulièrement à la télévision, fascinée, comme bien d'autres par leur irrévérence généralisée. Je pourrais même ajouter que j'ai compris certaines choses de la société dans laquelle je m'inscrivais en regardant les caricatures que ce groupe en faisait. Beaucoup de mes connaissances étaient capables, à l'époque, de citer des sketchs complets dans l'ordre ou dans le désordre des épisodes récemment passés à la télé.

Bref, ils étaient incontournables dans notre environnement culturel, tout le monde les connaissait et même si dans la chanson d'ouverture on disait que c'était un groupe de 5 garçons, tous savaient qu'il y avait un fille dans le groupe; elle était LA fille de RBO.

La fille en question, Chantal Francke, visite le magasin ou je travaille depuis son ouverture. Je l'ai reconnue la première fois où elle y a mis les pieds. Comment faire autrement quand on a mon âge et qu'on a vécu toute sa vie au Québec? Impossible. Elle n'est pas la seule personnalité connue qui viennent faire son tour d'ailleurs, beaucoup de musiciens dans le vent ont captés qu'on est encore juste assez peu connu du grand public pour que ce soit facile pour eux de venir chercher leur cordes de guitare en toute discrétion. La plupart du temps, je joue le jeu de l'innocence. Je sais très bien qui est devant moi, mais je m'abstiens de tout commentaire. Après tout, ces gens ont aussi droit à une vie privée et ils devraient pouvoir faire leurs courses sans se faire agresser par des groupies de mon acabit.

Mais dans le cas de Chantal Francke, je sais que je suis la seule personne du magasin à savoir qui elle est. La plupart des employés sont très jeunes, ils pourraient être mes enfants. Comme elle n'a pa continué à faire un métier public, elle s'est progressivement effacée de la mémoire collective, et je pense qu'elle ne s'en porte pas plus mal, que peut-être c'est beaucoup par choix qu'elle s'est faite très discrète dans l'espace public.

Toujours est-il que je l'ai servie cette semaine et que comme elle faisait une partie de ses courses de Noël, c'était plus long que ses passages habituels. Il n'y avait pas grand monde, ce qui nous a permis une discussion à bâtons rompus, comme si nous étions de vieilles copines. Je me suis arrangée pour lui faire comprendre que je savais qui elle était et elle m'a regardée franchement surprise avant de m'avouer qu'il était très, très rare que quelqu'un la reconnaisse aujourd'hui. Je lui alors dit mon âge, expliqué l'importance de son ancien groupe dans mon espace culturel adolescent, ce qui l'a bien amusée. Puis, je lui ai dit que ce n'était pas la première fois dans ma vie que je la servait dans mon travail puisque je l'avait déjà abonnée à un club vidéo de quartier, sans doute 30 ans plus tôt.

Évidemment, qu'elle ne se souvenait pas de moi à cette époque, mais elle s'est franchement bidonnée quand je lui ai dit à quel point j'étais impressionnée, à l'époque, d'avoir fait son abonnement. Elle m'a dit : « Je vous regarde-là, pis vous n'avez pas l'air d'être sur le bord de perdre connaissance! » Avant d'ajouter : «Heureusement, d'ailleurs, parce que que je ne suis qu'une femme ». L'humour ironique qui avait fait la marque du groupe, juste pour moi. Dans un clin d'oeil je lui ai réorqué : « La femme de quarante-cinq ans que je suis le comprend très bien, mais la jeune fille de 16 ans de l'époque, vous voyais sans doute une peu plus grande que nature et se plaisait sans doute beaucoup à vivre une émotion aussi forte ». Elle s'est mise à rire en me lançant un « au revoir » bien senti avant de gagner la sortie.

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jeudi, décembre 06, 2018

6 décembre

6 décembre,

Comme à chaque année, dès mon réveil, je guette les signes de toi dans les médias avec une attention fébrile. Je n'y peux pas grand chose, tu es pour moi, une marque indélébile dans mon identité. Peut-être est-ce parce que j'étais une toute jeune adolescence lorsque tu es arrivé et que je garde en mémoire une nuit d'hiver sans fin pendant laquelle je n'arrivais pas à croire ce que les journaux télévisés rapportaient. Tant de mortes, si près de moi. Qui n'avaient rien fait d'autres que d'être nées femmes avec un esprit scientifique.

Je sais bien que la journée internationale du droit des femmes est en mars. Cependant, pour moi, parce que je suis femme et Québécoise, parce que j'étais née et en mesure de commencer à comprendre l'ampleur de ce qui nous a été fait ce soir-là, c'est toi, 6 décembre, qui est mon point d'encrage pour réfléchir à mon féminisme.

Peut-être que tu es si marquante pour parce que j'ai croisé, à quelques reprises, un dommage collatéral de ta violence. Un être blessé dans sa chair, jamais cautérisée et encore moins cicatrisée, malgré le temps qui passe, malgré les années qui fuient. Une plaie béante ouverte sur le cœur et l'âme qui ne peut être reprisée, réparée ou oubliée.

Nous avons fait du chemin depuis toi, le plus grand est sans doute la vague de dénonciation de toutes les petites violences qui ont été si longtemps socialement acceptables. Ces petits mots susurrés ou lancés par la la tête comme des armes de fiel pour assouvir un besoin de domination que que l'on ne taira plus, ou du moins que l'on commence à dénoncer. Quel que soit la grandeur de ce pas, il n'en demeure pas moins insuffisant parce qu'il ne rejoint certainement pas celles qui marchent sur les routes des migratoires ni une multitude d'autres qui n'ont ni les outils ni les connaissances pour s'insurger devant le mal qu'on leur fait parce qu'en réalité, elles ne le reconnaissent pas comme tel.

6 décembre, depuis bientôt trente ans, à chacun de tes anniversaire, je pense à toutes celles qui se sont évanouie dans une nature proche ou lointaine de ma propre réalité et qu'on a omis de chercher. Parce qu'elles étaient pauvres, trop usées par la vie, trop jeunes ou trop vieilles pour que les tireurs de ficelles des pouvoirs (hommes et femmes, malheureusement), ne leur accordent assez de valeur pour vraiment mettre en place ce qu'il faudrait pour les retrouver, mortes ou vivantes et surtout qu'aucun filets ne les retiennent avant qu'elles commencent à avancer vers ces lieux figurés ou réels qui les mettra, un jour en danger.

6 décembre, tu es un drame horrible, que je n'oublierai jamais et surtout ne veut pas oublier. Mais je t'aime parce que ton souvenir me permet, année après année, de me rappeler que toutes les luttes ne sont pas gagnées et que quand bien même ce serait le cas, le recul peut toujours exister si on n'y prend pas garde.

J'espère 6 décembre, que pour tes trente ans on te fera une fête digne de ce nom, un vrai commémoratif qui durera plus de vingt-quatre heure pour crever les voix du silence.

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