mardi, mai 05, 2009

Où le rêve se rive à la réalité

Cher toi-même,

D'abord, il n'est pas dit, que tu ne reviendras jamais établir tes pénates dans ta seconde ville d'adoption, comme tu dis. Je ne dis surtout pas que ce sera demain ou bientôt, mais il ne faudrait pas assumer que c'est jamais. Je sais que tu rêves d'Europe depuis longtemps, ce rêve d'arrimer ta vie, à toi, avec celle d'une famille assez récemment immigrée ici, au Québec. M'enfin, tu ne pourras affirmer qu'avec le temps que ta vie est dans ces vieux pays aussi romantiques que toi. Tu parles de Montréal comme d'un passé révolu, sur lequel tu aurais biffé une étape nécessaire, mais totalement terminée. Je crois, moi, qu'il faudra que ton réseau social européen soit au moins aussi développé que celui que tu as tissé ici, avant qu'on se dise que le reste de ta vie sera là-bas. Et ne te fais pas le coup de rester là par orgueil où pour t'en tenir à des aspirations de tes années passées. Ce serait con. Tu vaux mieux que cela. Peut-être aussi que ton objectif est davantage de retourner t'installer dans la ville où tu es né, mais là aussi on verra ce que l'existence mettra sous tes pas.

Je suis heureuse de voir que le petit effort que je fais de te donner des nouvelles, de te changer les idées avec mes histoires et mes anecdotes te fais du bien. C'est l'objectif.

Je réfléchis depuis une heure à l'idée que tes parents t'ont soumise de mettre des filtres et je me demande si je suis d'accord. Oui, en partie, non d'autre part. Je m'explique:

Oui, parce que je pense que tu aurais avantage à te préserver un peu au début des rencontres que tu fais. Parce qu'à t'ouvrir ainsi jusqu'à la transparence devant tout un chacun, ça te met en danger, c'est clair. Surtout que dans notre monde, le privé a parfois de drôles de visages. La sensibilité, l'émotivité sont des sujets tabous. Montrer sa vulnérabilité choque davantage que de parler crument de ses expériences sexuelles. Donc tu déranges parce que tu dis ces choses qui sont tues. Tu dis que tu aimes jusqu'au bout des ongles, que tu veux aimer complètement et être aimé de retour. Tu dis que ça fait mal et que ça ne s'arrête pas simplement en disant « stop ».

Non, parce que si tu ériges des filtres trop opaques, ils finiront par devenir des barrières. J'ai peur que tu t'y perdes un peu. Comme je m'y suis perdue personnellement en essayant de rencontrer des objectifs sociaux qui ne me ressemblaient pas. Mais peut-être devras-tu apprendre à doser ces ouvertures sur toi-même. Pas parce que la mesquinerie du monde autour de toi pourrait t'atteindre, ça tu n'y échapperas pas, malheureusement. Mais bien parce que les gens fuient cette humanité que tu portes comme une oriflamme. Il se pourrait aussi que la solution soit d'élaguer rapidement les relations, en tassant immédiatement de ton entourage, ceux qui ne sont pas capables de vivre avec ta réalité, sensible et vraie.

Bises,

Mathie xxx

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