dimanche, février 19, 2017

Les trous du pavé

J'en avais entendu parler depuis longtemps. Elle revenait dans les conversations de manière aléatoire, simplement parce qu'elle était. Une vieille dame, autonome, décidée, drôle. Du moins, c'était l'idée que je m'en faisais.

C'était la matriarche d'une smala d'hommes. Elle avait fabriqué des hommes qui à leur tour avaient fabriqué d'autres hommes, et ainsi de suite jusqu'à des arrières petits fils qui portaient tous le gène de la taquinerie intempestive. Elle le savait et s'en amusait plus que quiconque. Mais elle savait aussi que c'était avant tout des hommes de cœur, capables de surmonter toutes sorte de défis avec humilité, dignité et pugnacité.

Je ne l'ai rencontrée que deux fois. Lors des anniversaires d'un de ses petits fils, qui est aussi mon beau-frère. La première fois, c'était une grosse fête, qui soulignait un chiffre rond. Évidemment qu'elle était l'invitée la plus âgée, mais elle semblait si heureuse de faire partie de la fête, si heureuse de pouvoir partager une petite fenêtre dans la vie de ce jeune homme qu'elle aimait de tout son grand cœur. J'avais passé quelques minutes à discuter avec elle et son fils, elle m'avait chanté les louanges de toute sa descendance, m'expliquant à force d'exemples à quel point elle était chanceuse de les avoir dans sa vie. Je me rappelle de lui avoir répondu en riant qu'elle y était certainement pour un peu dans ces personnalités qu'elle trouvait si charmantes, puisqu'elle en était la matrice originelle. Elle m'avait regardée surprise, comme si cette idée ne lui avait jamais traversée la tête.

Depuis cette rencontre, je demandais régulièrement de ses nouvelles à mon beau-frère ou à son père qu'il m'arrivait de croiser de temps à autres. Je les savais ravis de me fournir l'information. Depuis quelques mois, les nouvelles étaient moins bonnes. Il y avait plusieurs indices patents que l'âge poursuivait son œuvre, l'installation d'une certaine fragilité accompagnée de cette forme de déséquilibre propre au grand âge.

Je l'avais revue l'été dernier. Elle était toujours agile intellectuellement, mais n'aimait pas se sentir assez diminuée physiquement pour ne plus pouvoir être l'hôtesse des événement auxquels elle participait. Elle rechignait à ne plus pouvoir faire les interminables allez-retours entre la cuisine et la salle à manger, les bras chargé de plats. C'était une journée en plein air, sauf que je comprenais que pour elle, ne plus pouvoir servir les autres, était un leitmotiv lancinant, un manque réel, malgré le fait que son fils lui rappelait gentiment qu'elle n'avait jamais vraiment aimé recevoir.

Elle m'avait bien amusée ce jour-là puis qu'elle avait demandé à prendre son arrière-petit-fils, mais avait déclaré, je dirais dix secondes après qu'on l'eut déposé dans ses bras, que l'enfant n'aimait pas cela. Je le lui avais repris, bien contente de pouvoir faire une nouvelle tournée de câlins à ce petit bonhomme que j'aime de tout mon cœur.

Il y a quelques jours, elle s'est éteinte. Laissant ses hommes dans le deuil. Je ne les connais pas tous, mais je sais qu'elle manquera quotidiennement à ceux que je connais.

Comme un grand trou crevé sur le pavé et que l'on ne peu pas contourner.

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mercredi, juillet 20, 2016

Chapeau, Melon

Je dis souvent que ma première amie a été ma cousine. Ce n'est pas tout à fait exact. En réalité, mon premier ami était Caïd, le chien de mon père qui vivait avec nous à ma naissance. Je n'en ai pas vraiment de souvenirs, sinon des impressions et je sais que j'en ai parlé longtemps après son départ pour la campagne parce qu'il ne cadrait pas dans notre appartement au premier étage d'un duplex. Je me souviens qu'il était mon ami et c'est le plus important.

Chez mes grand-parents maternels, il y avait aussi un gros chien, une chienne en réalité, qui s'appelait Cléo. Je crois qu'elle avait appartenu à un de mes oncles, mais elle vivait toujours chez mes grand-parents quand j'étais toute petite. Elle est morte, j'étais fort jeune, dans ma tête, ça coïncide avec la mort de mon grand-père, d'ailleurs, j'ai longtemps pensé que c'était son chien et qu'elle l'avait accompagné dans une espèce de déménagement qui faisait en sorte que je ne les reverrais plus jamais.

Dans tous les cas, je ne me rappelle pas avoir été particulièrement triste de ces disparitions que je ne comprenais pas vraiment. Bien heureuse insouciance enfantine.

J'ai eu plusieurs animaux de compagnie par la suite, souvent des animaux familiaux qui nous ont tous quittés, un jour où l'autre. Leurs départs ne m'aura pas touchée plus qu'il n'en faut. J'en étais venue à croire que j'avais un certain problème d'attachement avec les bêtes. Je dois avouer que je trouvais généralement que les gens exagéraient largement leurs histoires de deuil d'animaux.

Jusqu'au jour où j'ai emménagé dans l'appartement que j'habite actuellement. Il y avait alors deux chats en résidence et l'un d'entre eux m'a adoptée. Littéralement. Impossible de lui fermer ma porte, le jour comme la nuit, il devenait intenable. Notre cohabitation se passait de la façon suivante : il venait se faire flatter une minute ou deux, ensuite il se couchait sur mon lit pendant que j'utilisais le divan, idéalement sur mon oreiller pour y semer plein de poils longs. Il se déplaçait vers le pied du lit quand j'allais me coucher, jusqu'à ce que je sois endormie, alors il allait s'installer sur le divan pour terminer sa nuit. Dès que je commençais à me réveiller, le matin, je l'entendais sauter en bas du divan et je savais que je n'avais pas beaucoup de temps avant d'aller le nourrir, sans quoi il entonnait une sérénade à réveiller les morts.

J'ai pleuré ma vie quand il a fallut l'euthanasier parce que ses reins avaient cessé de fonctionner. Je l'ai cherché, vu, attendu, des semaines durant.

Aujourd'hui, c'est ma sœur et son amoureux qui pleurent un animal qui les avait adopté. Un gros chien blond, qui était, je dois le dire, un amour de chien. Obéissant, gentil, drôle, mais un peu gourmand. Tellement drôle en fait que j'ai écrit deux textes en me plaçant de son point de vue parce que sa manière de nous regarder me laissait voir une telle intelligence et un amour si inconditionnel pour ses humains que je ne pouvais pas résister à la tentation de le décrire, de raconter cet ami fidèle.

Ce soir, je ne peux que dire : « chapeau, Melon, tu auras eu une belle vie de chien, et surtout tu auras été un un super compagnon pour ceux qui t'aimaient ».

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dimanche, janvier 10, 2016

En déconfitures

Il y a des automnes en déconfitures qui se concluent sur des hivers du même acabit.

Je connais des femmes qui ont la témérité de s'engager de nouveau, après des histoires d'amour qui les avaient laissées sur le difficile carreau des meurtries, mais qui, contrairement à moi, ont eu assez de courage pour se laisser aller encore à faire confiance jusqu'à se défaire d'une part de leur cœur, ce que je ne semble plus être apte à faire, depuis quelque chose comme quinze ans.

Je les ai regardé fréquenter les sites de rencontres et autres machins du même genre, un peu septique, un peu envieuse, me faisant croire que je suis trop grosse, trop laide, trop vieille pour rencontrer une personne qui voudrait partager, avec moi, la moitié d'elle-même.

Je les ai vues se donner entièrement parce qu'elles avaient envie d'aller aussi loin que possible, à coup d'audaces, de gestes qui en disaient plus que les mots. Des gestes qui étaient, en réalité, des déclarations claires d'intentions et de sentiments, plongeant à émotions défendues dans les vides sidéral du rejet potentiel. Qui est ma peur, probablement pas la leur.

Je connais des femmes qui se sont vues foudroyer par la mort d'un parent, mais qui auront continué vaille que vaille à se battre, à se définir, à se devenir, à coup de gueule comme de coude. Des femmes qui m'auront confié que cette situation était un peu prévisible, étant donné de la vie et de la personnalité dudit parent, mais qui n'avaient aucun moyen de prémunir devant la mort de l'autre parent qui aura tiré sa révérence aussi rapidement que subitement. Être orpheline avant d'avoir quarante ans est un tribut trop lourd à payer à l'existence, selon moi, et pourtant, ces femmes sont toujours capables de rire, de sourire et d'argumenter sur les sujets qui leur importent.

Je sais des femmes, meurtries jusqu'à la moelle, qui pourraient se lover autour de leur douleur autant personnelle que sans issue et qui pourtant, un jour après l'autre, pour leurs enfants, leurs parents, leur dignité, se sont, malgré tout levées jour après jour, armées de leur seule personnalité et de l'amour incommensurable qu'elles portent, et de leurs idéaux, aussi.

Je connais des femmes qui sont restées droites et fières dans le flot des larmes qui accompagnent les ruptures qu'elles n'avaient ni vues venir, ni préméditées et encore moins escomptées.

Ce soir, je voudrais leur dire que je les admire, et surtout que je les aime, pour ce qu'elles sont, très exactement.

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dimanche, juillet 19, 2015

Paul Sarrasin, deuxième du nom

Lorsqu'on a été adolescente dans, ou pré-adolescente, les décennies 1980 et 1990, il va sans dire que les vidéoclips, les premiers, ont pris une importance certaine dans la culture musicale que nous avons partagé. Je me rappelle l'importance que nous accordions à l'émission de vidéos qui passait tous les jours à CBC vers l'heure du souper et il était hors de question de la louper sous prétexte d'être totalement out des discussion de cours d'école du lendemain matin. Ce qu'aucun d'entre-nous ne voulait, bien entendu. C'était avant que les magnétophones ne soient largement répandus, chez-nous, il n'y en avait pas, il fallait donc être devant la télé à l'heure dite.

Et puis Musique Plus est arrivé sur nos écrans, pas dans tous les foyers, mais tout le monde en parlait, tout le monde connaissait les VJ. Lorsque nous allions traîner sur Sainte-Catherine le samedi après-midi, il fallait absolument passer près des vitrines de la station pour pouvoir raconter à ceux qui n'étaient pas avec nous, que nous avions pu apercevoir tel ou telle VJ ou vedette au passage. Parmi les plus connus, il y avait Paul Sarrasin. Je ne prisais pas particulièrement les émissions qu'il animait, n'ayant jamais été une fan de rock poilu qui était très prisé à l'époque. Mais comme n'importe qui de ma génération, je savais qui il était, je connaissais son visage et sa voix. C'était un incontournable qui était pas mal partout sur les chaînes de radio commerciales et dans les magazines pour jeunes que feuilletais et découpais souvent.

L'histoire de la fin de sa très grande popularité est maintenant connue, on sait qu'il a eu un difficile passage à vide lorsque la station lui a signifié son congé. Il était aussi brutalement sortis des ondes qu'il y était entré.

Pour des raisons dont je ne me rappelle plus très bien, ma grande amie a un jour adopté un chat qu'elle a nommé Paul Sarrasin. Un grand chat tout noir, ce qui rendait la situation encore plus drôle parce que l'original était plutôt blond. Un chat de maison, tout à fait peureux. Il n'est pas le pire de ma connaissance à ce sujet, mais il n'a jamais prisé l'inconnu, lui préférant toujours le douillet de l'appartement dans lequel il vit.

Combien de fois avons nous rit, sa maîtresse et moi, des situations un peu absurdes que le nom de son chats faisait surgir. Surtout à cause que les gens ne comprennent plus nécessairement le référent à la seule prononciation dudit nom. Mais, ça nous amuse toujours autant, et je présume que c'est là l'important.

Mon amie est partie en vacances il y a une dizaine de jours, et à son retour il n'y avait plus de chat. Pas de chat mort dans l'appartement, pas de croquette bouffée, pas de crotte dans la litière, pas de poils sur le lit. Le chat s'est en quelque sorte évaporé. Il s'est probablement faufilé dehors lors de son départ à elle pour entreprendre la plus grande aventure de sa vie de chat.

Mon amie, bien entendu est triste, elle fait du déni sur l'absence permanente de son chat (c'est ce qu'elle me dit), elle l'appelle tous les soirs en espérant que le son de sa voix l'attire à elle. Je la comprends, je ferais pareil à sa place.

Pendant ce temps, je n'ai pu m'empêcher de me dire que pour la deuxième fois de ma vie, Paul Sarrasin est complètement sorti de mes ondes, sans aucune forme d'avertissement.

Et comme le premier a fini par y revenir, quoique plus discrètement, je me permets de croire que tous les espoirs sont permis.

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jeudi, avril 23, 2015

Miss Sushis

La porte s'était doucement fermée derrière elle. Trop doucement. Il y avait quelque chose dans le geste et dans la non participation aux discussions précédentes qui me questionnait.

J'avais, alors, simplement demandé : « Toi, ça va? »

Elle avait pris son temps avant de rétorquer, avec les larmes dans la voix et un peu d'océan dans le regard : « Non. Non, en fait ça ne va pas du tout. »

Parce que je suis ce que je suis et que je savais que je l'avais dernièrement un peu bousculée avec mes opinions tranchantes, je lui avais demandé si c'était à cause de moi ou pour une autre raison. Elle m'avait répondu que je n'avais rien à voir avec ses états d'âme et j'avais changé de sujet.

Je suis faite sur ce modèle-là. Je vous dirai que je note le malaise. Je vous ferai savoir que mes antennes sont à l'affût. Mais si vous ne m'ouvrez pas la porte, je ne la pousserai pas. Personnellement, je déteste qu'on me questionne sur mes émotions quand je ne suis pas rendue à en parler. Je me sens violée quand on me pousse à dire quelque chose que je ne suis pas prête à partager. Lorsque j'affirme que je ne veux pas traiter d'un sujet, ça veut dire exactement ce que je dis. Ce n'est, en aucun cas, une invite à écaler mes gales. Quand je serai prête à partager mon intimité, quelle que soit sa profondeur, je le ferai de mon propre gré, auprès de ceux qui ne m'auront pas acculée.

Un peu plus tard dans le mois, elle m'a appelée au travail, sachant que la librairie est une source fiable pour des boîtes en carton de bonne qualité, afin de me demander s'il y avait une possibilité qu'elle vienne en piquer un certain nombre. Je n'avais même pas reconnu sa voix au téléphone, et pourtant, nous savons toutes les deux qu'on s'est souvent entretenues par ce truchement. Mais il arrive que les fêlures finissent par prendre le pas sur le timbre et que l'identification formelle devienne nécessaire.

Je ne la connais pas beaucoup, malgré le fait que nos itinéraires se croisent régulièrement. Nos relations se limitant d'ordinaire à beaucoup d'humour à travers lequel je lui dit qu'elle est une BD ambulante parce qu'elle a ce chic de mimer des situations avec énormément d'à propos et de justesse toutes sortes d'événements et qu'à chaque fois, j'ai l'impression de voir vivre devant moi des cases en 3D. Et lorsque je lui passe le commentaire, je la sens toujours très flattée de cet avis, même si ce n'est pas toujours l'effet recherché.

Ça a pris un temps certain avant qu'on ne se revoit. J'ai senti le besoin de lui expliquer mon modèle d'empathie, un peu anxieuse de ne peut-être pas avoir réussi à faire savoir que j'étais vraiment là pour elle, si elle le voulait.

Elle m'a spontanément prise par dans ses bras en m'affirmant que j'avais eu la meilleure réaction du monde le jour où elle avait trop doucement fermé la porte dernière elle, son plateau de sushis dans les mains.

Depuis ce temps, je l'appelle Miss Sushis, parce que j'ai évidemment tout mêlé.

Mais lorsqu'elle débarque et que je l'interpelle ainsi, je vois une éclaircie s'allumer dans son regard et je me dis que j'ai, sur ce coup, vraiment bien débaptisé.

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dimanche, mars 22, 2015

Les coups

Il y a des coups qui vous tombent sur la figure à des moment importuns. La plupart du temps, en réalité, à moins d'en faire votre gagne pain. Mais si vous êtes une femme amoureuse, il est possible qu'une toute petite infidélité, même mentale, vous assomme plus certainement que n'importe quel upper cut.

Si vous êtes amoureuse et qu'il se questionne sur le sens du sentiment amoureux, les chances sont fortes pour que vous ne sachiez plus quels sont vos véritables repères dans l'existence.

Si vous travaillez avec lui depuis presque aussi longtemps que votre emploi à un même endroit et qu'il vous dise nonchalamment, que ses plans sont ailleurs. Vous resterez sur votre appétit.

Si vous vivez une situations familiale particulièrement difficile et que l'objet de cette difficulté persiste à se présenter à votre travail, il est fort probable que vous soyez remuée.

Ces coups-là sont inattendus et généralement malvenus.

Si toutes ces conditions s'additionnent et que vous persistez à offrir un accueil hors pair à toues les gens qui vous environnent, alors... Alors non seulement vous gagnez mon admiration, mais je vous trouve particulièrement forte. Forte et audacieuse devant la vie qui est sans merci pour la majorité d'entre nous.

Vos larmes amères ne sont pas des faiblesses; elles sont le résultats d'épreuves que peu d'entre-nous peuvent traverser sans les verser. J'ajouterais que ceux qui ne les versent pas se murent dans des tourelles de verre pour se laisser croire que rien ne les atteint. Ou donner le change, c'est selon. Je le sais très bien, j'ai arrêté de pleuré pendant une dizaine d'années. Heureusement, j'ai mûri depuis et je sais désormais que les pleurs ne sont pas un signe de faiblesse ou d'abnégation. Bien au contraire, je suis convaincue que les gens qui savent laisser aller jusque dans leurs yeux, leurs émois, sont bien plus forts que moi. À condition que ce soit sincère et non une tentative de manipulation. Auquel cas je deviens incroyablement impatiente.

Il y a de ces coups qui vous assomment et vous obligent à vous demander quelle sera la suite de votre cheminement.

Des coups qui vous font presque perdre complètement la tête

Des coups qui se lovent autour de votre cœur.

Il y a des coups qui vous amènent loin de vos schèmes habituels, jusqu'à mentir. Pour préserver l'absolu.

Je n'ai pas la science infuse, je ne connais pas l'avenir, j'aimerais pouvoir affirmer hors de tout doute que tel chemin est meilleur qu'un autre.

Mais il est fort probable que dans ma volonté de protéger tout un chacun, j'aie tort.

Parce que, s'il y a une chose que j'ai comprise à travers les années, c'est que les sentiments ne se calculent ni se mesurent à aucune aune. Il sont, tout bonnement.

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mardi, mars 17, 2015

Cousine

Elle me connaît depuis avant ma naissance. Pas tant avant, mais les quelques six mois d'âge qui nous séparent font en sorte qu'elle a dû entendre parler de moi avant que j'entende parler d'elle. Je n'ai aucun souvenir de ma propre existence où elle n'a pas été mon amie. En fait, elle a sans doute été ma toute première amie.

Nous avons passé une enfance à se voir régulièrement. Dormant l'une chez l'autre, de temps à autres. J'ai des mémoires de très petite enfance, quand ma chambre était à l'étage et le salon au rez-de-chaussée, avec son mur en miroirs très années soixante, devant lequel on s'installait, à l'heure des poules (traduire avant que mes parents ne soient levés pour nous faire à déjeuner), pour parler à nos doubles dans lesdits miroirs. Nos amies imaginaires avaient des visages; les nôtres.

Nous avons traversé ensemble, à quelque distance, quartiers et écoles différentes obligent, les années de l'adolescence. En étant totalement différentes, mais en s'aimant beaucoup. Notre plus grand point d'ancrage est sans doute un amour inconsidéré pour Corey Hart. Les adolescentes émoustillées que nous étions sont restées sensibles à son charme et à tout ce qu'il a, un jour, représenté pour nous. Nous avons dépensé une petite fortune pour le voir une dernière fois en spectacle, et c'est une des plus belles soirées de mon année 2014.

C'est une optimiste maniant un humour fin qui me fait encore beaucoup rire aujourd'hui De nous deux, elle est incontestablement la plus sage, la plus réaliste, la plus posée surtout. Ne s'emportant que très rarement. Lorsque ça arrive, évidemment, c'est tout un orage qui gronde. Elle m'est toujours apparue comme celle qui faisait les bons choix. Mais, comme tout le monde, elle a eu son lot de heurts et de mésaventures de toutes sortes. Nous ne sommes plus aussi proches que nous l'avons été. Par contre, comme nous partageons un certain lien de sang par nos mères, peu de choses nous échappent. On ne s'en parle pas nécessairement, mais on sait que l'autre sait.

Comme dans bien des relations qui s'étendent sur plusieurs décennies, les ponts se sont un peu distendus, sauf qu'à chaque fois qu'on se voit, les discussions repartent là où on les avaient laissées lors de notre précédente rencontre et s'envolent sans effort, dans toutes les directions où on voudra bien les diriger.

Dans les dernières années, elle a vécu sont lot de soubresauts et de sauts. Des choses qui m'arracheraient le cœur et me laisseraient démunie devant la vie. Elle, elle fait face, vaillamment. C'est une femme de courage et de force. Une femme que j'admire énormément.

Ce soir, elle a demandé, publiquement, une dose de pensées positives.

Alors j'ai fait la seule chose que je sache faire, écrire.

Pour toi, ma cousine, mon amie, mon intime, je t'aime.

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mardi, mai 05, 2009

Où le rêve se rive à la réalité

Cher toi-même,

D'abord, il n'est pas dit, que tu ne reviendras jamais établir tes pénates dans ta seconde ville d'adoption, comme tu dis. Je ne dis surtout pas que ce sera demain ou bientôt, mais il ne faudrait pas assumer que c'est jamais. Je sais que tu rêves d'Europe depuis longtemps, ce rêve d'arrimer ta vie, à toi, avec celle d'une famille assez récemment immigrée ici, au Québec. M'enfin, tu ne pourras affirmer qu'avec le temps que ta vie est dans ces vieux pays aussi romantiques que toi. Tu parles de Montréal comme d'un passé révolu, sur lequel tu aurais biffé une étape nécessaire, mais totalement terminée. Je crois, moi, qu'il faudra que ton réseau social européen soit au moins aussi développé que celui que tu as tissé ici, avant qu'on se dise que le reste de ta vie sera là-bas. Et ne te fais pas le coup de rester là par orgueil où pour t'en tenir à des aspirations de tes années passées. Ce serait con. Tu vaux mieux que cela. Peut-être aussi que ton objectif est davantage de retourner t'installer dans la ville où tu es né, mais là aussi on verra ce que l'existence mettra sous tes pas.

Je suis heureuse de voir que le petit effort que je fais de te donner des nouvelles, de te changer les idées avec mes histoires et mes anecdotes te fais du bien. C'est l'objectif.

Je réfléchis depuis une heure à l'idée que tes parents t'ont soumise de mettre des filtres et je me demande si je suis d'accord. Oui, en partie, non d'autre part. Je m'explique:

Oui, parce que je pense que tu aurais avantage à te préserver un peu au début des rencontres que tu fais. Parce qu'à t'ouvrir ainsi jusqu'à la transparence devant tout un chacun, ça te met en danger, c'est clair. Surtout que dans notre monde, le privé a parfois de drôles de visages. La sensibilité, l'émotivité sont des sujets tabous. Montrer sa vulnérabilité choque davantage que de parler crument de ses expériences sexuelles. Donc tu déranges parce que tu dis ces choses qui sont tues. Tu dis que tu aimes jusqu'au bout des ongles, que tu veux aimer complètement et être aimé de retour. Tu dis que ça fait mal et que ça ne s'arrête pas simplement en disant « stop ».

Non, parce que si tu ériges des filtres trop opaques, ils finiront par devenir des barrières. J'ai peur que tu t'y perdes un peu. Comme je m'y suis perdue personnellement en essayant de rencontrer des objectifs sociaux qui ne me ressemblaient pas. Mais peut-être devras-tu apprendre à doser ces ouvertures sur toi-même. Pas parce que la mesquinerie du monde autour de toi pourrait t'atteindre, ça tu n'y échapperas pas, malheureusement. Mais bien parce que les gens fuient cette humanité que tu portes comme une oriflamme. Il se pourrait aussi que la solution soit d'élaguer rapidement les relations, en tassant immédiatement de ton entourage, ceux qui ne sont pas capables de vivre avec ta réalité, sensible et vraie.

Bises,

Mathie xxx

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vendredi, mai 01, 2009

Chercher le point d'équilibre

Je t’avais dit que je t’écrirais à tous les jours. Que vaudrait ma parole si je me délestais de cet engagement la première journée?

Aujourd’hui, j’ai peu de mots à t’offrir. Seulement mon amitié indéfectible.

Tu n’es pas aussi con et ridicule que tu le crois. Peut-être pas aussi fort non plus.

Je crois en ta capacité d’amour. Je crois que tu seras capable d’aimer adéquatement, un jour.

Ce n’est pas facile d’atteindre l’équilibre. Pour moi, ça ne l’a jamais été, en tout cas. C’est peut-être en partie pour cette raison que je suis encore toute seule après dix ans. Je crois que je suis désormais une personne équilibrée, mais je ne le sais pas. Pas vraiment. Puisque je n’ai jamais eu de relation amoureuse depuis que je me suis guérie de ma propre dépression.

Suis-je guérie? Je l’ignore. Il m’arrive encore de retomber dans des patterns qui ressemblent un peu trop aux grands dérapages de mon passé pour que ce soit sain pour moi. Mais au lieu d’y plonger jusqu’à en perdre haleine, je vois que je tombe. Je vois que je tombe et ça ne dure plus si longtemps. Quelques jours, quelques heures même parfois.

Pour le moment, tu n’es pas là. Tu es dans les détales des questionnements qui se jugent en eux-mêmes. Qui te jugent surtout. Et oui, tu es aussi jugé par des gens que tu croyais tes amis et qui ne comprennent pas pourquoi une personne comme toi, en arrive à dire ou à faire certaines choses. Ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne connaissent pas ce pays à l’orée duquel tu vagabondes depuis des mois. Un pays dans lequel les excès côtoient l’immobilisme le plus complet. Un pays où il ne fait pas très souvent bon vivre.

Je n’ai pas envie de te dire que tu es plus fort cela. Ce serait foutaise que d’essayer de prétendre une telle chose. Mais tu n’es pas plus faible non plus. Tu es juste toi. Dans toute ton intensité, dans toutes tes contradictions. Tu es un homme qui vit. Ce qui n’est pas l’alpage le plus fréquenté par nos contemporains. Tu vis jusqu’au bout les victoires comme les défaites. Et ça implique que certaines personnes te laissent tomber en cours de route parce qu’elles choisissent de ne pas se donner autant, dans quoi que ce soit.

Je ne sais pas ce que tu feras de toi-même dans les prochains jours.

Mais je sais que tu finiras par trouver le point d’équilibre de ton existence et qu’un jour tu cesseras d’osciller entre trop et trop peu.

Et peut-être même qu’un jour tu regarderas l’homme que tu es aujourd’hui avec autant de tendresse que moi, je mets à te regarder.

Ton amie qui t’aime fort,

Mathie xxx

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mercredi, avril 29, 2009

Premier envol

J’ai les amitiés éparpillées sur le Globe, depuis longtemps. Certaines d’entre elles, peut-être, survivront mieux à l’éloignement que d’autres. Mais ce n’est pas le propos aujourd’hui. La facilité des communications actuellement donne l’impression que rien n’est plus si loin qu’autrefois, et pourtant…

Un de mes amis est parti étudier dans un pays où l’hiver n’est pas vraiment un hiver. En tout cas, pour quelqu’un qui est né ici. De l’autre côté d’un océan. Il a quitté le Québec avec une peine en bandoulière. Partir pour le bout du monde dans cet état d’esprit n’est pas facile, pour personne. Surtout quand la personne qui nous fait saigner le cœur vit justement dans ce bout du monde. Alors, forcément, on ne décroche pas autant qu’on le devrait. Et quelquefois même, on fait un fou de soi.

Alors, on se sent seul et isolé. Alors on a l’impression d’avoir pris toutes les mauvaises décisions en oubliant de considérer les bonnes.

Il arrive même qu’on se mette à dos les quelques individus que l’on connaissait avant l’arrivée.

Et la solitude éclot autour de nous. Comme les pétales d’une fleur qui courtise la lumière. Le doute vient prendre sa place dans notre univers, et les remises en question se multiplient.

Les appels à l’aident sonnent creux. Accentués par la distance, les décalages horaires et le sentiment grandissant d’être de trop partout. On se tait alors davantage. Pour ne pas déranger davantage. On se nie aussi au passage. On oublie à quel point on a autrefois été là pour les autres lorsqu’ils en avaient de besoin et on se convainc que notre détresse déçoit tout le monde.

Évidemment, certaines gens qui auront croisé notre vie à cet instant précis, seront convaincus qu’effectivement, c’est trop lourd pour entreprendre ne serait-ce qu’une amitié.

Cependant, il reste les autres, ceux qui nous suivent depuis assez longtemps pour être capables de nous pardonner de ne pas aller si bien que cela. Je fais partie de ces gens pour cet ami éloigné.

Je lui ai promis de lui écrire tous les jours, pour le consoler. Ma manière toute personnelle d’essayer de l’aider, même minimalement.

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mercredi, février 11, 2009

Les geôlières

J’étais très jeune lorsque je l’ai rencontré. Jeune et peu expérimentée. À l’époque, je croyais, innocemment, que les hommes ne mentaient pas. Ne se mentaient pas. Il me disait qu’il ne voulait plus d’une femme qui l’attacherait après le calorifère, d’une femme qui l’organiserait complètement. J’ai essayé d’être celle qui voulait que je sois. Je me suis enfoncée dans une définition de moi-même qui ne me ressemblait pas du tout. Tombant de plein pied dans les travers que j’aurais voulu éviter. Il est difficile d’être en équilibre avec soi-même lorsqu’on ne sait plus tout-à-fait qui l’on est.

Je sais bien que tu n’es pas totalement sans expérience à l’heure où je t’écris cette lettre. Aussi suis-je convaincue que tu t’en sortiras un peu mieux que je ne l’ai fait à l’époque. N’empêche que la ressemblance existe. Je sais que tu as fait des concessions que tu n’aurais jamais faites pour un autre homme. Je sais que tu mis ton orgueil en berne plus d’une fois. Je sais que tu ne comprends pas pourquoi un homme que tu as aimé au point de te plier à ses demandes les plus absolues, est parti, malgré tout.

Je crois, moi, que les hommes se mentent à eux-mêmes lorsqu’ils nous affirment qu’ils ont besoin de plus de liberté que ce que notre cœur désirerait accorder. Je crois qu’ils se cherchent un peu lorsqu’ils n’ont pas de calorifère auquel se raccrocher. Selon mon histoire toute personnelle, l’homme qui m’a quitté dans mon jeune âge, celui qui voulait à tout prix garder une certaine forme d’indépendance dans sa relation amoureuse, m’a quittée pour une femme qui est très exactement à l’opposée des désirs qu’il exprimait. Ne te méprends pas, c’est une femme bien, que je respecte énormément. Elle avait compris quelque chose qui m’échappait à l’époque : cet homme-là, quoiqu’il en dise, avait besoin d’être organisé par sa blonde.

Tu me diras qu’ils ne sont pas tous comme cela. Sans doute auras-tu raison. Cependant, je reste persuadée que si un homme qui crie très fort à son besoin d’indépendance, qui ne parles pas beaucoup des choses qui l’étouffent dans une relation, entre en relation, c’est parce qu’il ressent le besoin de balises. Et nous folles, amoureusement investies et désirant mordicus offrir ce qu’il y aurait de mieux à cet homme qui nous relate un parcours opprimé, on le croit.

Et nous, on se retrouve toutes seules dans une nuit d’hiver à se demander ce que nous avons bien pu faire dans les quelques jours qui précèdent la rupture pour que tout bascule à cette vitesse.

Et puis un jour on comprend qu’il y des hommes qu’on ne peu pas retenir, tout simplement parce que nous ne serons jamais ces geôlières-là.

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mardi, décembre 09, 2008

La justice et l'amour

Il y a quelques semaines, j’ai écrit Croire en toi à l’attention de quelqu’un qui m’est particulièrement cher. Quelqu’un qui, comme moi, se prends dans les rets des amours marbrés d’iniquité. J’ai essayé de sécher quelques larmes au passage, comme souvent je le fais lorsque je vois une amie pleurer. Mais voilà que récemment, un jeune homme que je ne connais pas a commenté ce texte. Alors je vais prendre ici le temps de lui répondre.

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C’est difficile aimer. Je comprends ta colère, ce désir d’absolu et que la souffrance vécue soit rendue au centuple à la personne qui est l’auteure de la nôtre. Je comprends l’urgence de voir la peine s’atténuer, se fondre dans le décor de ta propre existence pour ne devenir qu’une petite part de toi, plus ce qui prend toute la place. L’envie d’assener une claque au visage de celle qui t’a ainsi trahi. Un premier vrai chagrin d’amour, tu sais, quel que soit l’âge que l’on a lorsqu’il survient, laisse des marques profondes en soi. On se sent désabusé et on se demande qui nous aimera un jour comme cette personne avais su le faire.

Tu sais, je crois que même si elle n’avait pas trouvé un autre homme à aimer, si peu de temps après toi, tu te serais quand même retrouvé avec des incompréhensions immenses à gérer, et, probablement, tu te serais dit : « si au moins il y avait quelqu’un d’autre, je pourrais comprendre pourquoi elle est partie ». Malgré le fait que ce soit toi qui as mis fin à la relation dans les faits. Parce qu’elle manquait de courage, selon tes propres termes. Peut-être effectivement est-elle lâche. Peut-être, en contre partie, est-ce toi qui sais aimer assez pour laisser partir quelqu’un qui ne peut plus t’aimer. Peut-être as-tu simplement suffisamment d’estime de toi pour ne pas de contenter des débris de ce que tu as déjà eu en totalité.

Je ne crois pas que la douleur qu’elle pourrait ressentir dans des peines futures soit la solution à ta souffrance actuelle. Même si tu y crois fermement à l’heure qu’il est. Les coups en amour ne se comptent pas ainsi. Laisse couler la peine. Dans tes veines comme dans tes yeux. Guéris-toi à l’aune de tes possibilités toutes personnelles. Écris. Écris comme tu sais le faire. Je ne sais pas qui tu es, mais je sais que tu possèdes les mots comme ils sont miens. Je reconnais la verve, l’élan qui m’habite dans le commentaire que tu as laissé sur mes sentiers. Ça ne répare rien, mais ça me permet en tout cas, de faire le point sur ce qui me blesse.

Tu es bien jeune pour toucher le désespoir. Je ne dis pas que celui-ci est futile, bien au contraire, il me semble très tangible. Cependant, j’ai appris, après toutes ces années d’échecs amoureux et de célibat endurci que tout espoir est permis à condition d’y croire un peu. À condition que tu te laisses la chance d’ouvrir ton cœur une nouvelle fois, lorsque tu y seras prêt pour permettre à nouveau à l’amour de faire son sillon dans ton existence et qui sait, peut-être, aimer et être aimé aussi entièrement que tu sembles l’être.

Non, il n’y a pas de justice en amour, seulement une infinité de possibilités que ce soit mieux, encore, la prochaine fois.

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mardi, octobre 28, 2008

Croire en toi

Tu revois ses yeux qui mordaient dans les tiens, pantelants de désir. Et tu te dis que ça ne peut pas avoir arrêté aussi subitement que cela. Sa gentillesse dans la rupture te touche encore plus que n’importe quel mot qu’il ait pu dire, avant. Et tu cherches des réponses à des questions qui n’en sont pas. Pas vraiment. Comment expliquer que soudainement l’amour s’est étiolé? Il s’est tiré sans crier gare, comme un voleur pris sur le fait. Il s’est tiré de son côté pendant que toi tu n’avais pas fini d’aimer. Et tu me demandes où est la justice là-dedans. Mais il n’y a jamais eu de justice en amour. Malheureusement.

Tu me demandes pourquoi ces amours mortes, avortées ou jamais vraiment surgies du néant te font encore tellement de mal. Je voudrais pouvoir prendre ta peine à pleines mains, la lover contre mon cœur pour t’en décharger un peu. Sauf que la vie, ce n’est pas ainsi. Pas de pitié pour les gens qui sont assez entiers pour vivre leurs sentiments jusqu’au bout. Pas de pitié pour ceux qui portent leur cœur en bandoulière et les balafres de leurs passions passées. La douleur est là, bien réelle, elle fait des vagues qui refluent, aux pires moments. Lorsque tu ne t’y attends pas. Lorsque tu réussi à coup de force d’âme à passer outre. Alors les raz-de-marée s’y mettent et tu n’y peux rien. Alors tu te sens seule. Alors, tu te sens veule.

Je voudrais pouvoir te dire que la vie n’est pas cruelle, mais je ne saurais mentir à ce point. Je ne saurais te regarder en face, toi qui persistes à croire en ta vérité, même si ça fait mal, surtout si ça fait mal. Je voudrais te dire que tu peux te mettre en mode repos et continuer à avancer dans la vie comme si de rien n’était. Barricader tes émotions dans une tour et les protéger du mieux que tu le puisses des envahisseurs possibles. Je pourrais te le dire, mais je ne le ferai pas. Parce que j’ai appris à mes dépends que vivre ainsi ce n’était pas vivre du tout. Que vivre ainsi c’était acheter au destin une paix précaire qui n’a de vrai que l’absence de sentiment.

Alors, je te dirai simplement, repose-toi, appelle-moi tant qu’il le faudra et crois en toi. Parce que moi, j’y crois.

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dimanche, février 25, 2007

Une fleur de février

Il te disait à quel point tu étais belle, différente, merveilleuse. Il te racontait dans ses mots, toutes les choses que tu voulais entendre. Ces petits compliments qui t'allaient droit au coeur, comme autant de clefs pour te retrouver. Au début, tu n'avais pas confiance, tu doutais. C'était un charmeur, tu l'avais reconnu au premier coup d'oeil. Il y avait aussi ce déséquilibre dans le fond de l'oeil, dans la posture un peu tout croche, quelque chose qui te mettait en danger bien avant que tu te laisses aller à lui faire un semblant de confiance. Autour de toi, tout le monde t'avait convaincue d'aller de l'avant, de te laisser aller, pour une fois. De faire fi de tes craintes qui enrayaient depuis toujours ton système émotionnel. Tes amis voyaient des promesse là où tu ne voyais qu'un coup du sort. Et tu leur disais : « Me semble qu'il y a quelque chose qui cloche. C'est trop tout en même temps ». Mais tu t'es laissée convaincre. Tu as baissé tes palissades. Tu l'as laissé prendre ta petite menotte dans sa grande main d'homme. Et tu t'es mise à croire à toutes ses fleurs qu'il faisait pousser pour toi.

Tu t'es éclose pour lui. Tu lui a montré qui tu étais en dehors des apparences extérieures. Il te disait qu'il te voyait, qu'il était touché par ton intégrité. Il te demandait ce qu'il avait pu faire pour mériter un tel cadeau. Et tu lui répondais de toute ta candeur qu'il se suffisait à lui-même, que tu étais amoureuse et que c'était, en soi, la meilleure raison pour expliquer ton ouverture et ta générosité. Il touchait ton coeur en passant par ton corps parce qu'il semait des larmes sur ta peau, parce que ses doigts connaissaient les sillons qui transcendaient la chair. Parce qu'il y avait quelque chose de profondément vrai dans la beauté du geste. Et toi, tu t'épanouissais sous les yeux ravis de tous ceux qui t'avaient encouragée. Ta lune de miel était à peine commencée qu'il te disait qu'il s'était trompé, qu'en fait il ne t'aimait pas, ou plutôt qu'il n'aimait de toi que ce qui ressemblait à cette autre qu'il a tatouée dans le coeur depuis tellement longtemps que c'en est ridicule. Et tu t'es retrouvée toute seule avec tes larmes, à te dire que jamais plus tu ne te laisserais prendre.

De toute manière, tu n'y crois plus. Complètement désillusionnée. Tu te sens seule et tu broies du noir. Tu te sens seule et tu ne veux pas retourner voir ces amis qui t'on poussée dans la mauvaise direction, il n'y a pas si longtemps. Tu sais que tu dramatises beaucoup trop la situation, mais tu ne vois pas comment agir autrement. Tu sais que tu as besoin d'aller au bout du drame, de pleurer des litres d'eau pour te vider le coeur. Tu sais qu'on te dira que ta peine est ridicule parce que la relation n'aura pas durer. Comme si la longueur du temps avait une quelconque incidence sur la force du sentiment. Tu étais amoureuse jusqu'au bout des ongles. Malgré ses manquements, malgré ses mensonges. Ou peut-être à cause de ses mensonges. Et tu te convaincs que tu es trop intense, trop romantique, trop intègre pour les hommes de notre génération. Et tu te convaincs que plus personne ne pourra s'attacher à toi comme il l'avait fait. Alors tu verses des larmes amères sur toutes les histoires d'amour qui se sont butées à une fin trop rapidement arrivée. Et tu te dis que tu n'as franchement pas de chance lorsqu'il s'agit d'être aimée en retour.

Tu voudrais t'enfuir loin de ta douleur, loin du mal-être que tu respires à plein poumon. Tu voudrais que cette histoire ait connu une fin différente, alors tu la réinventes la nuit, quand les heures te tiennent réveillée. Alors tu changes de personnalité et les mots que tu as dit pour tenter de retenir la chaleur que tu as senti en lui. Et tu culpabilises, te donnant à toi seule, le mauvais rôle. Sans égard au fait qu'il n'était simplement pas fait pour toi. Sans regard réaliste à la personne fantastique que tu es. Tu te juges et tu te désoles. Et moi, je te regarde sombrer dans un marasme sur lequel je ne peux pas agir. Et moi je te regarde pleurer, démunie devant ta douleur. Sans mots pour panser tes blessures.

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