mardi, janvier 22, 2008

La fragrance des mots

Il y a des gens qui parlent, d’autres qui écoutent. Se faire comprendre est sans doute la plus grande mission de l’humanité. Pourtant, lorsque je pense « mots », il ne me vient pas spontanément à l’idée que les mots peuvent se jouer à l’oral. Les mots sont les caractères que j’imprime sur le papier ou sur l’écran de mon ordinateur. Je ne pense pas aux mots que j’utilise lorsque je parle, ils s’envolent trop rapidement vers d’autres que moi. L’écriture porte un parfum d’absolu, une fragrance qui transcende le temps.

Il y a des phrases d’amours meurtries qui se sont putréfiées sur le papier pour tendre jusqu’au bout de mes douleurs. Émanations mortuaires de ces deuils qui me constituent. Je connais aussi les verbes des colères qui m’ont animée, arborant un souffle de doutes et de frustrations. Pestilence de d’incompréhension. Il y a aussi tous ces mots que l’on ne dit pas qui se drapent d’effluves inassouvies, logée dans leur écrin de crainte. Ceux que l’on ne cache même pas dans les pages de journaux intimes pour ne pas leur donner forme, pour faire semblant qu’ils n’existent pas.

Vapeurs exotiques des messages amoureux que j’ai relu cent fois pour m’assurer de leur véracité. Traces immanentes de la réalité des sentiments aujourd’hui évaporés. Fragrances sublimes aux bouquets de bonheur qui me laissaient croire à l’ici et maintenant. Relents d’iode des étés de rêve, les pieds plongés dans le sable de l’existence qui m’ouvrait tout grands les bras. Diatribes embaumant la perfection. Parfois, les mots se plongent dans l’oubli jusqu’à ce qu’un hasard exhale leur parfum fané, qui me ramène attendrie au seuil de cet autrefois qui était peut-être hier.

Des déclarations que j’aurais voulu taire, ne pas entendre ni lire dont l’âpreté me reste à travers la gorge. Fumée obscurcissant le ciel de mes pensées. Miasmes indélébiles sur les souvenirs de mon innocence. Je garde en mémoire aussi quelques verdicts arbitraires de mes manquements et de mes exagérations qui sentent le trop plein émotif. À l’opposé je garde précieusement toutes les lettres qu’on m’a écrites depuis les années de mon adolescence, comme un trésor personnel fleurant toute l’affection qui m’ait été prodiguée. Ainsi, lorsque je me sens sombrer, je tends la main vers ces bouts de papiers chiffonnés qui me racontent tour à tour ce qui me rend unique aux yeux de ceux que j’aime et de qui je me laisser aimer en retour. Alors je me vautre dans ces parfums d’importance en souriant à nouveau.

La plupart du temps cependant, c’est l’arôme du café qui berce les mots du quotidien puisque ce n’est que le matin, lorsque le jour est encore frais que je prends le temps de m’assoire et d’écrire les quelques lignes que la nuit m’aura apporté en partage.

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