jeudi, octobre 09, 2008

les nuits qui ne portent pas conseil

C’étaient des nuits aux contours laiteux. Des nuits que je voyais se lever avec le poing au cœur comme une masse de briques sur mon estomac. Le jour, je ne disais rien, je ne faisais rien, je n’appelais personne. J’écoutais la télévision pour assommer la douleur. Pour assommer l’ennui. Mais lorsque l’aiguille de l’horloge croisait vingt-trois heures, mes angoisses s’aiguisaient et il n’était plus question que je trouve le sommeil. Des que mes yeux s’affaissaient sur l’éveil, je voyais arriver en boucles toutes mes défaites, toutes mes erreurs, persuadée que j’étais de n’être que la sommes de celles-ci. Quelquefois aussi, c’étaient les visages superposés des hommes qui m’avaient plus mais qui ne m’avaient pas rendue la pareille. Alors, je me convainquais que j’étais trop grosse, trop laide pour mériter de telles attentions. Alors je me voyais comme une loque. Rien de moins.

J’essayais de fermer les lumières et les yeux, j’essayais de trouver le repos de l’âme et du corps. Je ne voulais plus vivre. Pas dans un tel état. Mais j’étais trop lâche pour mourir aussi. J’errais donc sur les rives de l’existence sans trop savoir comment revenir à moi-même. Les nuits étaient longues. Les nuits étalaient leurs heures jusqu’à ce que le soleil traverse timidement les stores. À ce moment seulement, je pouvais penser à autre chose qu’à ma solitude. À mon immense solitude. J’appelais ma mère à la rescousse. Tout le temps. Et je pleurais les larmes que j’avais retenues toute la nuit. Je lui disais à quel point rien n’allait plus. Elle était forte, forte pour sa fille. Même si au fond d’elle-même criait le désespoir de me voir m’enrouler autour de mes douleurs sans plus avoir de manière de me sortir de ces impasses qui revenaient toutes les nuits.

Un jour, un ami est venu me chercher par la peau du cou. Il le fallait. Il m’a amenée voir des gens qui pouvaient m’aider parce qu’il était évident que je n’y arriverais pas toute seule. J’ai tranquillement recommencé à dormir durant les heures sombres qui reposent le mieux. J’ai tranquillement cessé de pleurer tout le temps. Et j’ai découvert que pouvais pleurer encore. Quelquefois, lorsque ça faisait du bien. Laisser les digues de mes larmes crever sur l’oreiller. Pleurer sur moi, mais aussi sur d’autres comme si désormais je pouvais partager les douleurs, plus uniquement me lover dans les miennes. Les nuits sont redevenues des compagnes acceptables; la plupart du temps.

Il m’arrive encore de m’échouer sur l’écueil de mes pensées. Il m’arrive encore de n’avoir plus rien à dire que des cris de douleur sous l’œil serein de la Lune. À tourner dans un sens et dans l’autre. À espérer que mes pensées me feront l’honneur d’une trêve pour que je puisse m’engloutir dans le sommeil. Et les minutes passent comme autant d’heures volées au sommeil. Alors j’attends que les images cessent de me tourner en bourrique à mes propres yeux. Alors j’attends que le soleil redonne des couleurs diurnes à ma vie, même lors de matins gris.

Alors j’espère bien inutilement que la prochaine fois sera dans très longtemps. Mais je sais très bien qu’il n’en sera rien. La dépression m’aura au moins appris que je ne dois pas me débrancher de moi, même lorsque ça fait mal et que ça perturbe mes précieuses heures de sommeil. Désormais je traverse mes déserts en me disant que demain est une autre nuit

Libellés :