mardi, avril 15, 2008

Une tache de vin bien marquée

C’était une de ces journées où les obligations nous éveillent avant l’aube. La nuit d’hiver qui s’étirait sur les heures du jour rendait le levé du corps difficile. Je me sentais le corps engourdi de sommeil et je me demandais bien comment j’allais arriver à passer outre cette grosse fatigue qui immobilise la fluidité des mouvements. Je travaille de soir depuis des années ce qui fait que j’ai un peu perdu l’habitude de me lever dans l’encre des nuits qui s’étirent jusqu’aux berges du matin, dans la froidure de février. Ce jour-là, le soleil tentait vainement d’éclairer la ville de ses rayons camouflés par des nuages tenaces tandis que j’essayais, sans trop de succès de m’ouvrir les yeux.

J’aurais préféré me blottir à nouveau dans les couvertures en attendant que le jour fasse son entrée dans le monde. Cependant, je ne pouvais me permettre de flâner puisque qu’on comptait sur moi, au travail. Aussi, après avoir pris ma douche, aie-je entrepris de me faire un café bien tassé. Je possède une cafetière italienne, de celle qu’on fait chauffé sur le rond du poêle. Le premier café est donc presque trop chaud pour être buvable. Alors je me fais des cafés au lait pour me donner une chance de me gorger de ce breuvage que j’aime beaucoup.

C’est donc sur un rythme ralenti que j’ai entrepris, ce matin-là, de me concocter ma boisson matinale. Avec en prime un duo de chatons gambadeurs dans les pattes. Mes deux bêtes féroces me faisaient la fête comme à leur habitude lorsque je suis la première à me lever. Comme si la nuit était pour eux synonyme d’abandon inéluctable et qu’il leur fallait absolument me démontrer de toute leur présence, la joie qu’ils éprouvent à voir une humaine dans leur environnement, certains désormais qu’une personne chaleureuse leur donnera la dose de câlins qui leur est due.

Mais en voulant reposer la cafetière, après avoir versé le liquide brûlant dans le bol prévu à cet effet, j’ai fait une fausse manœuvre. Et plutôt que de remettre l’objet sur le four je l’ai posé quelque part entre le vide et le comptoir. Bien entendu la cafetière n’a pas su garder son équilibre et je fus aspergée par le café. J’ai évidemment tenté de me sauver de cette source de chaleur éclaboussante, mais mes pas se sont empêtrés dans le petit corps d’un chaton en effervescence derrière moi. Résultat, je me suis retrouvée avec une marbrure rouge vif qui s’étend de mon bras gauche à mon ventre, tache de vin bien marquée qui me rappelle à tous les jours que les gestes les plus simples que l’on pose jour après jour portent leurs lots de dangers.

J’ai serré les dents pour ne pas crier ma douleur, refusant de réveiller ma colocataire qui dormait paisiblement dans la pièce d’à côté. J’ai arraché ma chemise et pansé mes plaies. Puis, j’ai ramassé tout le dégât que j’avais causé. J’avais des aiguilles qui me rentraient dans tous les pores de la peau et je me demandais si j’allais survivre à tant de piques en enfilant une nouvelle chemise.

Ce matin là, des larmes coulaient sur mes joues pendant tout le trajet de transport en commun jusqu’au magasin. Parce que, bien sûr, je me suis présentée au travail ne croyant pas qu’une telle mésaventure justifierait une absence pour maladie… Les jours suivant; j’ai dormi.

Libellés : ,