jeudi, octobre 30, 2008

Les perles de verre

Ta main lourde repose sur la rondeur de mon ventre comme une ceinture bien accrochée. Tes cheveux en broussailles chatouillent mon épaule à toute les fois où tu respires. Je tente tant bien que mal de me défaire de ton étreinte, mais tu te loves davantage contre moi dès que tu sens la chaleur de mon corps s’éloigner du tien. Je suis engourdie complètement sous ton poids assoupi. Je caresse lentement l’ovale de tes joues, pour arrimer le souvenir sur le bout de mes doigts. Pour arrimer la réalité au rêve. Le gris du jour naissant fait danser les ombres sur ton visage brusquement vieilli par la trahison de la lumière oblique.

Tu ne m’as pas reconnue. Pas immédiatement. Pourtant, je n’ai pas changé. Pas tant que cela. Mes yeux s’enfouissent toujours sous mes pommettes lorsque je souris, ma voix est toujours aussi grave et je ris toujours aussi fort. Quand je t’ai aperçu sur le pas de la porte, je savais qui tu étais. J’ai tellement fantasmé cette rencontre. Tellement voulu que le moment se présente qui me donnerait l’occasion de me jouer de toi comme tu l’as si bien fait à mes dépends. Du haut de ta popularité adolescente, du haut de ton petit trône de pacotille, tu multipliais mesquineries à mon endroit. Et moi, amoureuse jusqu’à la lie, je buvais les mots de ton mépris comme des perles de verre pour moi déversées.

Mais à trente ans passés, les joutes du désir ne se mesurent pas à la même aune qu’à treize ou quatorze ans. Il ne t’est plus nécessaire de faire le paon devant ta petite cours ridicule pour connaître ta valeur à tes propres yeux. Tu ne t’es pas excusé pour ton attitude passée. Je crois que tu n’as jamais su toute la douleur que tu as pu faire naître dans ton sillage. La mienne et celle de beaucoup d’autres aussi, je présume. Je crois que tu as toujours été assez inconscient des dommages collatéraux de ta beauté infantile.

J’ai voulu saisir la chance qui m’étais offerte, te ramener à moi comme tu m’avais rejetée. Je n’ai pas hésité un instant lorsque tes lèvres se sont posées sur les miennes. J’ai plongé dans l’instant présent embrumé des parfums du passé. J’ai voulu me parer de revanche mordre dans ta peau comme tu avais attisé mes écueils. J’ai voulu être méchante pour le plaisir de l’être. Mais, je suis ainsi faite que les saveurs de la vengeance prennent rapidement de l’amertume et que je m’en défais sans même m’en apercevoir.

Et ce matin, tu es là. Ton corps s’accordant au mien comme les pièces bien huilées d’un engrenage depuis longtemps rodé. La victoire n’est pas ce que je croyais parce que tu es aussi petit que tu l’étais il y a si longtemps. Petit et obtus. Tourné sur toi-même, très peu à l’écoute de ce qui se passe à l’extérieur des limites étroites de tes désirs. Et moi, je me dis que je peux enfin tourner la page de ce passé que je n’ai jamais laissé s’envoler comme il se devait. Et moi, je me dis qu’il est largement temps que je m’encre désormais dans l’avenir. Parce que je mérite bien.

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2 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Fantasme ou réalité?

Passé,passé, ou passé encore plein de rêves.

L'avenir a plus de possibilités même invisibles.

Moi-même
M C

7:59 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mamamanàmoi: Fantasme issu d'un passé qui a cogné à ma porte de manière impromptue.

Et je suis bien d'accord avec toi, l'avenir me tends les bras, j'essaie de m'y rendre, tranquillement.

12:40 p.m.  

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