jeudi, novembre 06, 2008

Novembre en cocon

Sous ma fenêtre, il y a un arbre. Et le brouillard. Novembre bien installé sur ce quartier dans lequel je vis. Dans toute la ville certainement, aussi. Étrange sensation. Il fait une température de septembre, pourtant ce matin a un côté glauque, terne et sombre qui répond tout à fait à l’idée que je me fais de novembre. Je me suis aventurée dans l’opacité du nuage tombée sur la cité. On n’y voit rien. L’avancée est prudente, les bruits étouffés. Chaque coin de rue est une aventure à lui tout seul. Plus tôt, les enfants se tenaient par la main pour se rendre à l’école primaire de l’autre côté de la rue. Leurs pas étaient parsemés de rire contenant une certaine appréhension. On est loin du nuage imaginaire doux et cotonneux sur lequel on pourrait se vautrer correctement. Le nuage échoué sur Terre est un cocon qui isole les citadins.

Pour peu je me serais crue dans le Londres de Stevenson ou de Shelley. Il me semblait entendre les calèches rouler entre les ombres embrumées. Il ne faisait pas froid pourtant j’avais un frisson persistant dans la moelle des os. Comme si les nuages étendaient leurs tentacules jusqu’à l’intérieur de moi. Pas très rassurant. Surtout lorsqu’on a l’imagination débordante. J’avais envie de posséder un énorme éventail pour chasser ce ciel qui nous est tombé dessus. Envie de me battre contre l’inertie qui m’habite depuis près de dix ans. Comme si en chassant le smog ambiant, j’allais pouvoir chasser du même souffle cette sclérose lancinante qui a fait de moi ce que je ne suis pas vraiment. Désir d’aller aussi jusqu’au bout de mes possibles de changer la perspective que j’ai de moi. Ne plus me voir née pour un petit pain, mais comme une femme qui mérite de prendre une bouchée dans la vie et de sa savourer lentement.

Dans les dernières semaines, j’ai eu droit à certains commentaires qui m’ont remis sur des rails depuis longtemps oubliés. Petits cadeaux échappés des phrases éparses de ceux qui me suivent depuis longtemps et qui m’ont vue, impuissants, plonger à toute force dans les stagnations de ma dépression durant lesquelles mes doigts ankylosés ne trouvaient plus les mots qui me libèrent et qui me permettent de respirer. Des actes de foi auxquels ne je donnais plus de crédit. Des souvenirs perclus, perdus à travers les trames du temps qui me remontent l’échine comme un élan qui me permet de me reposer sur des acquis, qui sont les miens. « À quand, Mathilde, ce recueil, ces recueils, auxquels tu aspires si fort? » Drôle de savoir qu’il m’avait écrit ces mots exacts dans mon album de finissants, durant l’été 1991 et que c’est à peu près la première question qu’il m’a reposé lorsque la vie a permis les hasards d’une nouvelle rencontre. Drôle de noter cette similitude dont il est certainement inconscient.

Sous ma fenêtre, le soleil a étiolé le brouillard qui a levé sa chape comme une dame relevant élégamment ses jupes avant d’entreprendre l’ascension d’une estrade, avec toute la grâce que cela suppose. Mes épaules sont désormais légères, mon souffle s’est apaisé. J’ai envie de me jeter dans la mêlée de ma propre vie et d’en sortir aussi éclatante que faire se peut.

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5 Commentaires:

Blogger Michèlelamamande s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Wow! Quel beau texte!

C'est pour quand en effet Mathilde, c'est pour quand?

1:05 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

J'aime beaucoup ta façon d'écrire. C'est chargé de symbolique et d'érudition. Un régal.

2:10 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mamamanàmoi : Euh... Je ne sais pas c'est pour quand. Dans ma volonté de bouger, je n'avais pas prévu faire un pas dans cette direction là.

Obni : Oh bonjour! Comme je suis contente de te voir sur mes sentiers! Et ces compliments, de ta part, même après toutes les années, ça me fait toujours un plaisir fou!

6:25 a.m.  
Blogger Vianney s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Beau texte, bien senti, personnel.
Ah cette pollution des villes qui s'insinue jusqu'à l'intérieur des gens!

11:20 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Vianney : Je n'avais pas écris ce texte en pensant à la pollution, mais tu as bien raison de le souligner.

Merci pour le compliment :)

1:20 p.m.  

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