Voir l'avenir
On dit beaucoup des
millénariaux qu'ils sont une génération égoïste, généralement
individualiste ainsi qu'un autre paquet de qualificatifs tout aussi
réjouissants. C'est peut-être
vrai, mais je n'en suis pas totalement convaincue. Après tout,
beaucoup de ses membres ont animer voire alimenter le printemps
érable, il y a quelques années et ils sont éminemment
conscientisés par l'environnement et tout ce qui en découle. Si ce
ne sont pas des signes d'une vision durable et pérenne de la société
dans laquelle ils s'inscrivent, je me demande bien ce que c'est.
Ce
que j'observe moi, à travailler avec eux quotidiennement, c'est
qu'ils refusent de s'intéresser à la politique dans sa forme
actuelle, ce qui en soit est un acte politique. Cette forme
d'exercice du pouvoir ne les fait pas rêver à une société
potentiellement meilleure parce que selon leurs valeurs, les acteurs
principaux de cette joute ont pipés les dés il y a longtemps. Alors
plutôt que de s'impliquer dans un parti ou un autre, ils posent
quotidiennement des gestes à leur mesure pour améliorer, ne
serait-ce qu'un minimum, les chances de survie de notre planète. Ce
n'est pas rien.
Ceux
qui m'exaspèrent, ce sont ceux qui ont vécu l'abondance des années
50, 60 et 70 en gaspillant les ressources sans aucune forme de
culpabilité et qui aujourd'hui en sont fiers. Tenez cet homme croisé
récemment. Il portait des vêtements visiblement onéreux, sans
aucune forme de goût. L'important semblait être ce que cette vêture
ostentatoire laissait paraître de ses moyens financiers. Il était
désagréable de suffisance, tellement que les employés du magasin
avaient fini par me demander de le prendre en charge parce que malgré
les trésors d'imagination dont ils faisaient preuve pour essayer de
satisfaire le personnage, ce dernier se montraient condescendant
devant l'impossibilité de trouver ce qu'il cherchait.
En
résumé, il était l'archétype de mon idée du parvenu. De celui
qui s'est construit tout seul et qui a fait beaucoup d'argent
rapidement sans égard à autrui, ou même au détriment d'autrui.
Il
voulait des vieux films d'action des années 1990. Que nous n'avions
pas, et lorsque c'était possible de les commander il les trouvait
trop cher et se remettait à tempêter. Laissant entendre que ce
qu'il désirait aurait dû lui être accessible simplement parce
qu'il le désirait. Mais la vie fonctionne rarement ainsi pour la
plupart des mortels.
Un
fois à la caisse, je lui ai demandé s'il voulait un sac pour le
film qu'il achetait. Comme il a acquiescé, je lui ai offert le sac
réutilisable et il m'a regardée avec un tel mépris que j'en ai été
saisie avant de me lancer : « Je ne paierai jamais pour
quelque chose que j'ai déjà eu gratuitement. » Ça été
plus fort que moi; j'ai rétorqué in petto : « mais
vous ne vous gênez certainement pas pour prendre gratuitement ce que
vous deviez payer avant. » Il m'a sourit, visiblement ravi que
j'ai compris, m'a fait un clin d’œil complice en quittant le
magasin.
Je
l'ai regardé sortir, nauséeuse.
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