Quelque chose comme un Himalaya
J'ai longtemps crié pour
me faire entendre, parce que dans la montée d'adrénaline qui
sous-tendait ces abcès en raz-de-marée, je me sentais vivante. Je
cherchais ma place, mon lieu mon rôle dans le regard que les autres
posaient sur moi. Je voulais être bruissante, éblouissante,
bruyante, entendue. Enfin, c'est ce que je me dis, avec un peu de
recul.
Bien entendu, c'était-là
un bien mauvais moyen de me faire valoir. Tout ce que je réussissais
à faire, c'était de braquer des regards, figer les gens, mais la
rivière de détresse sur laquelle je naviguais tant bien que mal,
elle n'était pas perçue. Tout ce qui apparaissait c'était le
bruit. Je crois même que la plupart du temps, mes propos hurlés si
forts n'atteignaient même pas les oreilles auxquelles ils étaient
destinés.
J'ai donc fini par
apprendre, sur le tard il va sans dire, que cette colère était un
bien mauvais vecteur de communication. Ce que je n'ai toujours pas
appris cependant, c'est comment me faire entendre sans pour autant
heurter mes proches. Il est si difficile de trouver un équilibre
dans la communication. Entre moi et toi, elle et l'autre. Entre ma
place et la sienne. Dans cette valse hésitante qui tisse les liens
sociaux, comment fait-on pour prendre exactement le bon espace, celui
qui nous permettra de luire juste assez pour être bien sans
toutefois porter ombrage à autrui.
Depuis quelques années,
j'essaie bien fort de trouver ce point de bascule. Pour me faire
entendre, j'ai essayé de m'intéresser d'abord à ce que les autres
ont à raconter en espérant que ceux-ci me rendront la pareille. Ce
n'est toutefois pas toujours le cas, je dirais même pas souvent.
Sans aucune mauvaise fois ni méchanceté. Je crois qu'en essayant de
cibler ce qui intéresse les autres, je fini par réduire ceux-ci à
une expression bien limitée de leur personne et que par voie de
conséquence, ils ne sont pas particulièrement intéressés à
enquêter sur moi plus loin que les sujets convenus auxquels je les
ai moi-même astreints.
Je n'ai plus envie de
crier que je me sens invisible, surtout parce que je n'ai plus envie
de me colleter aux conséquences la plupart du temps lourdes et
douloureuses de mes éclats. Ceci étant dit, il m'arrive encore de
me sentir absente et inintéressante sous le nez de personnes qui,
pourtant, m'aiment beaucoup. Je n'ai plus envie de crier parce que je
sais que de toute manière c'est une voie pavée pour que ma voix ne
soit pas entendue.
Non, je n'ai plus envie
de crier, mais je ne suis pas tout à fait certaine que je sache
désormais dire. Dire une chose aussi simple que : « Des
fois, des fois seulement, j'aimerais bien que vous preniez le temps
de me demander comment je vais autrement que comme une formule de
politesse ».
Il me semble que je viens
de me fixer là un objectif aussi élevé que l'Himalaya.
Libellés : Digressions
C’est quand même très triste de ne pas se sentir entendue. Comment vas-tu Mathilde?