Le Plateau s'anglicise
Le Plateau s’anglicise.
Étrangement, ce matin, Monsieur P a traité de ce sujet dans sa chronique hebdomadaire à l’émission Samedi et rien d’autre. En reparler ici c’est comme dire que je suis encore plus fan que fan. Et pourtant, j’ai cette idée de texte dans la tête depuis quelques jours.
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La nuit était tombée sur une journée chaude de la fin mai. J’arrivais de travailler, fourbue. Dans ce début d’été que l’on n’attendait plus, le vent à peine perceptible n’arrivait pas à me laver de ma moiteur. J’étais dans mon fumoir, à lire. Je fus distraite de ma lecture par un bruit, un chuchotement de discussion à quelques pas de moi. Levant la tête, je réalisai que de l’autre côté de la ruelle un homme, sur son balcon, parle à une femme sise sur le balcon d’en face, l’étage d’en dessous.
Les bruits de leurs mots caressaient mes oreilles, emplis de confidences et de tendresse.
Une histoire d’amour se dessinait par galeries interposées.
Tandis que je me demandais pourquoi laisser au voisinage l’occasion d’assister, en première loge, aux balbutiements d’une aventure de sentiments poignants. C’est à ce moment que j’ai compris qu’ils ne se brimaient pas parce qu’ils parlaient en anglais. Pas un anglais troqué comme celui qu’utilisaient mes parents lorsqu’ils voulaient passer outre nos oreilles d’enfants indiscrets. Non, de l’anglais pure laine, bien maîtrisé.
Cela m’a fait sourire. Me rappelant qu’à peine plus au Nord, c’est aussi une famille anglophone : les enfants, qui ne doivent pas avoir beaucoup plus de quatre ans, me le rappellent régulièrement aux petites heures des matins de fin de semaines. Ça me rappelait aussi mon enfance, à l’époque où une habitation d’anglophones jouxtait pratiquement ma cour arrière.
Dans les jours qui ont suivi, j’ai entendu des discussions en anglais tout autour de moi. Sur un balcon, sur la rue, dans ma ruelle, au dépanneur. De l’anglais partout.
Le Plateau s’anglicise.
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Ceci dit, je suis une fois encore d’accord avec Monsieur P. Rien ne sert de paniquer et de crier au loup pour le changement de clientèle de ce quartier. En effet, la plupart des résidents anglophones du quartier parlent très bien le français et les autres le parlent suffisamment pour se faire comprendre.
Je crois que ces anglophones ont traversé la rue Saint-Laurent parce qu’ils n’ont plus peur de nous.
Et je dois dire que j’ai toujours eu un faible pour les anglophones francophiles qui me parlent dans ma langue. Je trouve que ça a un charme fou.
Pas utile de paniquer, non. Pas encore. Ce ne sont pas nécessairement les Anglais qui vont nous détuire la langue. Sauf ceux qui prennent pour acquis qu'on va leur répondre en anglais et qui ne se plient pas aux usages de la politesse (parler la langue de l'hôte).
Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les jeunes qui ne lisent pas et qui arrivent au cégep sans savoir écrire.
N'empêche que, quand j'entends des gens parler anglais, j'ai l'envie folle de leur lâcher un: we're in Québec, caliss, speak french.
(Mal)heureusement, dans notre bonne vieille capitale, les occasions de me transformer en impoli patriote ne se pointent pas très souvent.
En autant qu'ils votent "oui".
:P
Jay : Oui bon, je ne veux surtout pas dire que tous les anglophones de Montréal m'agréent. Faudrait pas exagérer non plus. En fait, la colère que tu rêves de faire, je passe souvent bien près de l'exécuter à ta place. Mais bon, il y en a un certain nombre avec lequels la cohabitation va bien.
Robin : C'est un beau rêve auquel j'ai de la misère à croire.
Folie : bienvenue.