lundi, novembre 28, 2005

Monstres

Officiellement dilettante du Coïtus impromptus, il m'arrive encore d'écrire des textes qui se conforment au thème de la semaine. En voici un.

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Tu me faisais la gueule et je te répondais : « Moi aussi je t’aime » certaine de mon bon droit. Certaine que le lien qui existait entre nous ne s’étiolerait pas pour cause de mauvaise foi. Tu me regardais, rouge de colère pendant un temps, puis tu me tirais la langue, rendant les armes, parce que nous savions que j’avais raison : tu m’aimais aussi. Quand il s’est présenté dans ma vie, avec ce charme incroyable, ce bagou qui déménage et la confiance qui va avec, j’ai commencé l’implosion. J’ai perdu le fil. Je me suis mise à avoir peur qu’il me quitte : je lui avais livré mon corps et mon cœur, entièrement ouverts, friables et faillibles. J’ai oublié mon nom et mon identité. J’ai surtout oublié que je pouvais dire : « je t’aime » sans que ce soit une arme qui se retournerait contre moi. Je me suis terrée à l’intérieur de moi. Il a fini par me quitter. Je n’en suis pas morte, mais quelque chose dans ma candeur affective avait foutu le camp, très loin de moi.

Quand il m’a dit qu’il m’aimait, ça ne faisait qu’une semaine qu’on se connaissait, j’ai hurlé, certaine qu’il me mentait. Je suis devenue violette, bouffie de doutes. Lui me souriait amusé : il avait bien compris que je réagissais ainsi parce qu’il me touchait le fond des tripes. Par sa seule présence, j’étais encore plus en danger. Mais je savais que je ne devais plus me fondre dans son univers pour survivre. J’ai tenu ce bout-là. Uniquement ce bout-là. Je me suis perdue encore plus loin dans la terreur d’être laissée pour compte. Elle s’est transférée à toutes mes relations. Parents, amis, tout le monde y passait : je ne voyais pas comment vous pourriez m’aimer. Je l’ai mis dehors, en jouant la fière. Comme si ça ne m’importait pas. Je l’ai mis dehors avant qu’il ne me quitte, pour repousser le plus loin possible l’abandon.

J’ai arrêté d’écrire, j’ai suicidé ma plume et l’ai laissée se taire durant des années. Je me disais que le talent c’était pour les autres. Et que je n’étais qu’un petit bout de femme qui ne le méritait pas. Tu me faisais la gueule et je m’écrasais. J’étais épouvantée à l’idée que ton sourire ne fleurirait pas si j’affirmais que je t’aimais. On a cessé de se voir. J’étais toute seule dans mes cendres. Je ne pleurais pas, je criais et j’étais certaine qu’on ne m’entendait pas. Je riais pour faire semblant.

Ce matin j’ai écrit à quelqu’un que j’étais certaine de son affection pour moi. Et ça m’a rappelé ces moments d’adolescence durant lesquels tu me faisais la gueule. Il y a une masse qui m’est tombée sur la figure quand j’ai réalisé que j’ai commencé me détruire à partir du moment où j’ai laissé des hommes m’aimer. Qu’à l'instant où je les avais aimé en retour, j’avais cessé de croire en moi. Étrange addition sans doute, sauf que je n’ai jamais fait les choses de manière conventionnelle. Et j’ai laissé mes amours devenir mes monstres.

2 Commentaires:

Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ce que je comprends de ton texte (je parle un peu par expérience aussi) c'est qu'à mettre dans les mains des autres toute la «tâche» de nous aimer, on cesse de déployer de l'amour pour soi-même.

Alors, on se met à dépendre des autres et à avoir peur de perdre ce qu'ils nous donnent.

Automatiquement, on se met en position de vulnérabilité... et on court directement vers le rejet.

Le savoir, par contre, c'est un bon outil pour régler le problème.

1:30 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Je n'aurais pas dis les choses dans ces termes là, mais tu touches un point. Ce que je trouve magique en ce moment, c'est cette impression que j'ai de recommencer à aimer les gens simplement. Je fais la chasse aux montres, mais je pense que ça va me prendre un certain temps avant de dire que j'ai gagné.

5:47 p.m.  

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