samedi, novembre 19, 2005

Un parfum épicé

J’avais les mains moites. Le souffle coupé. Il s’est penché vers moi pour me demander à quelle saveur était ma gomme. Question banale qui devenait chargée de sens à mes oreilles pudiques. Je lui ai répondu « cannelle » en cherchant mes mots. Ça fait des mois qu’il me fatigue l’angle mort : je le vois partout, tout le temps. À chaque fois que je l’aperçois, je sais son nom et ça me dérange. Je l’ai vu souvent se pencher vers une femme et lui tendre la voix comme d’autres tendent une perche. J’assistais impuissante à ce spectacle, envieuse. Je ne lui ai jamais parlé.

J’ai dû rougir instantanément quand il m’a adressé cette question. Tous les mots me devenaient étrangers. Je cherchais partout la signification des termes qui autrement me sont familiers. Déstabilisée. C’est là qu’il en a rajouté. Il s’est mis à me parler d’épices. Un homme qui vous jase de cuisine et qui sait de quoi il parle, comme ça dans le creux d’un silence improbable, c’est hautement sensuel. J’en étais coite. Et de détailler. M’expliquer où aller chercher lesdites épices. Comment les choisir. Comment les laisser rouler sous la langue puis les croquer pour en faire sortir les parfums particuliers.

J’étais complètement fascinée. Je réussissais à lui rendre la discussion. Je crois. Mais je ne suis plus certaine du tout d’avoir été un tant soi peu conséquente. Je passais le plus clair de mes minutes à essayer, bien inutilement, de rattraper mes idées pendant que je courais après ma gueule qui menaçait de faire le tour de la planète toute seule. Il y avait une énorme boule dans mon estomac qui me remontait l’œsophage ; il fallait que je foute le camp. Immédiatement. J’ai ramassé mes idées, remonté ma gueule le plus discrètement possible. Je lui ai tendu la main en lui disant : « Moi c’est Mathilde, je sais qu’on s’est croisés souvent, maintenant on sera présentés ». Il m’a dit son nom. J’ai évité de lui révéler que ça fait un an que je le sais.

J’ai fini de nouer mon foulard pendant qu’il me parlait de choses et d’autres. Moi, je me faisais du cinéma et m’imaginais que c’était pour me retenir un peu. Les papillons me sortaient par la bouche. Je faisais basculer mon poids d’une jambe à l’autre en sachant que je devais m’en aller au plus maudit. J’ai lancé un regard à une copine assise quelque part dans les brumes du bar pour me donner la force de m’en aller. Il m’a dit qu’on se reverrait. J’ai acquiescé.

En rentrant à la maison, j’ai dit à ma coloc que le plus beau gars du monde m’avait parlé.

Il paraît que j’avais des étoiles dans les yeux.

2 Commentaires:

Blogger Jay s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Snif. Snif. Vous sentez ça ? Le vent a tourné, et ça sent... euh... le romarin.

6:19 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

La cannelle Jay, la cannelle. Un petit truc épicé qui est confortable. Un air de Noël d'enfance dans les narines. Quelque chose de chaleureux.

Annie-Sandra : tu dis! Moi aussi, je souhaite. Mais comme la loi de Murphy me guette... je n'y compterais pas trop.

1:56 p.m.  

Publier un commentaire

<< Retour sur le sentier