Un air de timidité
La première fois que je l’ai vu, la piste de danse était bondée. Il se tenait en retrait, loin des lumières qui irradiaient le sol. Si ce n’avait été de la fluidité du mouvement, je ne l’aurais sans doute jamais remarqué. Parce qu’il porte cet air effacé qu’abordent les hommes qui ne se trouvent aucune qualité particulière. Il y avait cependant un élan dans la langueur de son corps qui se détendait sur la piste de danse, comme un aimant pour attirer le regard des femmes, qu’évidemment il ne voyait pas. La soirée s’est avancée dans le temps et il s’est un peu perdu dans l’alcool. Quand on s’est fait jeter dehors je lui ai dit : « Jeune homme, vous dégagez une belle sensualité lorsque vous dansez. » Il m’a regardé par-dessus son verre en répondant « Et? » J’ai laissé tombé : « Trop soûl vous perdez un peu de ce charme. Il y a quelque chose de trop imbibé dans la nonchalance. » Il a porté un toast silencieux à mon intention, ironique. Je l’ai laissé à sa bière et je me suis tirée.
La deuxième fois que je l’ai vu, il se rappelait de moi. Un peu. Il se rappelait qu’on s’était parlé. Sans doute se souvenait-il aussi des propos que je lui avais adressés, mais timide il ne me parlait pas. Je le voyais me regarder de loin. Je sentais ses yeux sur ma peau. Quelque part entre l’hésitation et la séduction. Je savais que je n’étais pas son genre de femme : il y a un peu trop de trop en moi pour la plupart des hommes. Mais je l’avais surpris et je sentais bien que ce souvenir le titillait. Je l’ai laissé me regarder toute la soirée. Je l’ai laissé se demander ce qu’il pensait de moi. De temps à autres, je regardais dans sa direction et j’accrochais ses prunelles au passage. Je baissais la tête, intimidée. Parce que je me sens toujours un peu chose après m’être dénoncée. Quand je suis partie, je lui a glissé un bout de papier sur lequel j’avais écrit : La modération, par contre, vous va à ravir.
Depuis j’ai arrêté de compter le nombre de rencontres qui se sont additionnées entre nous. J’ai arrêté de me demander comment il me percevait. On se parlait un peu, je lui glissais de temps à autres des remarques sur sa confiance en lui qui se décousait pour un oui ou pour un non. Il me racontait ces milliers de femmes qui lui trouent la cornée et le béguin. Il me racontait ces envies qui tenaillent son corps d’homme et son cœur d’artichaut pendant que je l’écoutais attentive, les iris planant au-dessus de mes lunettes. Je prenais sa main et je lui lisais les lignes craquelées qui la sillonnaient en lui inventant des histoires de chevaliers et de princesses pour le faire rigoler. J’étais cette femme qu’il voyait souvent, sans jamais la voir.
La dernière fois que je l’ai vu, je quittais la ville. Il ne le savait pas. En partant cette nuit-là, je l’ai embrassé en lui disant à l’oreille : « Dieu que t’es difficile à cruiser. »
(éclat de rire tonitruant) Je les aime bien ces deux là! Une parcelle de candeur dans chacun d'eux et des non-dits savoureux.
Ohoho!!! Il est vraiment hot ton texte Mathilde!
La modération va à merveille à certaines personnes. Est-ce que tu peux me montrer comment atteindre le juste milieu Mathilde??
Alex : :)
Laurie : Tu t'es brûlée? o_O
Aude : Mon avis d'experte? Hum, je ne suis pas une experte. J'ai simplement un peu plus de temps de blogue derrière la cravate que toi. Mais, si tu veux un avis critique, je te donnerai le mien avec plaisir.
M : Voir si MOI je pouvais être modérée en quoique ce soit! Toujours eu beaucoup de misère à atteindre le milieu. Désolée, ma chérie, ce sera pour une autre fois.