Histoire de jalousie (ou de chiffon J)
« T’es jalouse » qu’elle m’a dit quand elle m’a vu quitter la table où Marie s’était installée avec les gars. Je déteste quand on me dit des choses pareilles et que ce n’est pas vrai du tout. Je ne suis pas jalouse. Je la trouve très jolie mais joyeusement insignifiante. Honnêtement, je crois qu’elle est beaucoup plus belle que moi et je n’ai aucune difficulté à l’admettre. Je trouve que c’est de faciliter les rapports que d’établir immédiatement que je n’ai rien à lui dire parce que je suis jalouse. Jalouse de quoi d’abord? Ce n’est pas comparable : elle a l’ai de Claudia Shiffer et moi d’un chiffon J à côté. C’est que je suis tout de même minimalement lucide. Mais qu’est-ce que je peux y faire à sa beauté? Rien du tout. Les gars se rincent l’œil allègrement en la regardant, tant pis! De toute manière, si c’est le type de filles qu’ils veulent dans leur vie, je ne suis pas dans la compétition pour deux cennes. Alors je préfère me retirer immédiatement.
Je retourne à la table où Vincent, Félix et Alexis sont toujours en pamoison devant Marie. Je suis bien obligée d’admettre que dans l’art de la séduction, elle sait s’y faire. Elle pose son rire comme une colombe fragile sur les silences qu’ils laissent planer avec soin. Elle rosit à chaque compliment et regarde les gars tour à tour à travers ses longs cils épais, leur donnant l’impression d’être les seuls hommes au monde au cours cette fraction de seconde durant laquelle se croisent leur regard. Elle s’accroche à toutes les manches disponibles et se penche élégamment vers son public en laissant voir le galbe de ses seins, le plus souvent possible. Le plus stupéfiant c’est qu’elle le fait avec un naturel qui coule de source. Moi je sirote ma bière en silence puisque de toute manière mes propos n’intéressent personne.
Le pire, c’est que nous savons exactement comment toute cette histoire va se terminer. Elle ne choisira personne, du moins personne à cette table bien précise. Parce que quoiqu’il arrive, les gars ne sont pas assez bien pour Marie. C’est un grand classique. Il y a un mec friqué qui va débarquer un moment donné, ou un exceptionnellement beau garçon, alors elle se lèvera l’air de rien pour aller aux toilettes et ne reviendra jamais avec nous. Les mecs la regarderont de loin, déçus pendant un temps. Puis ils se mettront à raconter n’importe quoi, les discussions d’usages reprendront leurs formes normales. Annabelle trouvera le courage de venir s’assoire avec nous pour bénéficier de la présence de Félix qui ne voit jamais rien. Au bout d’une bière ou deux, les gars vont avoir oublié Marie parce que c’est vrai qu’elle est insipide et qu’elle n’a rien à dire. Ce n’est pas avec elle qu’on va pouvoir retourner le monde dans toutes les directions comme on se plaît à le faire d’ordinaire.
Quand la soirée sera terminée, Marie aura été une comète dans notre ciel. Je partirai en me serrant contre Vincent, sachant pertinemment que je suis un second choix. Mais ça fait tellement longtemps que je suis là, que dans le fond, il ne me remplacerait pas.
Salut!
Ça fait un petit moment que je te lis et je n'ai jamais vraiment ressenti le besoin de t'écrire un commentaire. Mais, avec ce texte, tu me rejoins tellement que tout pleins de souvenirs se sont mis à tournoyer dans ma tête.
À part quelques petits détails, la seule différence entre mon histoire et celle que tu viens d'écrire c'est que moi je ne suis pas certaine qu'il ne me remplacera pas...
Je suis probablement jalouse pour vrai...
Peu importe, merci de me faire vivre ces émotions!
Jessica
Très bon texte Mamathilde. (je suis vraiment à court de commentaires hin?)
Wow que de talent
Excellent texte Mamathilde. Tellement bien décrit que je voyais la scène dans ma tête.
Ton texte m'inspire une réponse trop longue pour un simple commentaire.
Je peux à mon tour?
Jessica : Alors bienvenue dans mes commentaires! J'aime beaucoup découvrir mes lecteurs. Tu sais, la jalousie c'est tordu. Je pense honnêtement que ça ne donne pas grand chose. Parce qu'on fini toujours par se battre contre quelque chose sur quoi on n'a pas de prise.
Lew : Un peu, mais je prends les commentaires pareil.
Bonzai : *rougeurs*
Pat : Ah oui? J'aime bien ça relire un texte et voir l'action se dérouler sous mes yeux.
Isabelle : Bien oui! Après tout, j'ai piqué l'idée sur ton blogue
Je viens de regarder ton profile et je vois que tu es scripteur. Tu es à la bonne place si j'en juge par les images que ton texte a mis dans ma tête.
Pat : non non, je ne suis pas scripteur. Je me suis mis ça en descriptif. Je suis libraire.
Moi je suis là, je ne dis rien, j'écoute vos histoires avec délectation. Je ma plais à croire qu'elles sont vraies, chaque fois. Dans le fond je suis restée une enfant...J'espère toujours que ce soit la gentille qui gagne, innocemment.
Patata : Elles ne sont pas toutes vraies, mais elles racontent toujours quelque chose de vrai. Et platement, ce n'est pas toujours la bonne fille qui gagne...