vendredi, février 24, 2006

Des ponts qui se tissent

Il y a des hommes qu’on rencontre par calcul, d’autres qu’on croise par inadvertance. Il y a des hommes qu’on nous présente avec des idées derrière la tête et d’autres avec qui personne ne prend la peine de nous mettre en relation. Il y a des hommes qui ont de la prestance, tellement de prestance que c’en est presque écrasant. D’autres qui s’assoient dans un coin et ne font qu’une petite blague de temps en temps. Si on accroche au premier jeu de mot, si on laisse passer un sourire dans nos yeux, alors seulement on va avoir une chance de s’en faire un ami.

J’ai rencontré un gars comme ça récemment. Derrière l’écran il est fort en gueule et plein d’assurance. En personne, il faut aller le chercher discrètement. Ne pas trop en faire, surtout rire de ses blagues. Mais je suis un bon public, ce qui était un bon point pour moi. Il s’amuse toujours bien à mes dépends parce que j’utilise, live, des grands mots improbables. Il me regarde à chaque fois avec cet amusé dans l’œil et je sais que j’ai encore eu l’air de jouer à faire de l’épate. La minute suivante il me sort une abomination et je lui dis qu’il est nono. À toutes les fois il me répond, pince-sans-rire, « franchement, Mathilde, tu manques de vocabulaire. » Et moi je reste silencieuse parce que tout ce que je pourrais répliquer c’est qu’il est nono, et ça ne m’avancerait pas.

Quand j’ai pris la décision de reprendre ma vie en main, quand j’ai pris la décision de crier que je n’en pouvais plus, quand je me sentais la chair en lambeaux et le cœur écrapouti, je l’ai contacté, pour rire un peu. Il a eu la classe de ne pas me demander ce qui n’allait pas. Il a eu la délicatesse de me laisser moi-même poser mes ouvertures. Mais il m’a accueillie d’une blague au détour d’un sourire et m’a réconfortée, plus que je ne saurais dire. Quand la seconde brique m’est tombée sur la tête, quand j’hurlais à ma douleur à l’intérieur de moi, quand je ne savais plus comment on fait pour garder la tête droite, il a pourfendu un dragon pour moi, sans que je ne le lui demande. Il me dira que le fait que je lui en parle était une demande en soi, et il aura bien raison.

Quelquefois il me parle de lui, quelquefois il me raconte ses contradictions. La plupart du temps il m’en dit une partie directement et laisse traîner le reste de l’information innocemment. Je sais bien que j’ai tout avantage à la colliger précieusement, parce qu’il ne la répètera pas. Moi j’ai toujours l’air au-dessus de la mêlée, forte et indépendante. En tout cas, c’est ainsi qu’il me voit. Un certain temps, il me plaçait à un étage qui ne me convennait pas, mais on est revenu rapidement à des proportions plus réalistes.

Un matin où je me demandais sur quoi écrire il m’a suggéré d’écrire sur ses cheveux. J’ai trouvé le sujet un peu court. Je lui ai dit que cette taquinerie relevait de la provocation; j'ai toujours eu bien de la misère à ne pas relever un défi.

12 Commentaires:

Blogger Magenta s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Hum .. ça me rappelle drôlement quelqu'un que je connais!

1:37 p.m.  
Blogger Marie-Hélène Gauthier s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mathilde, t'as le don de nous titiller juste assez pour qu'on veuille rencontrer ces gens que tu décris si bien, ne serait-ce que pour constater la justesse de ta vision.

3:16 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Jolie présentation, ma foi !
Eh oui, parfois on voit apparaitre des ponts, des passerelles là où l'on s'y attend le moins. Quelle chance à ne pas rater !

4:04 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

J'aurais voulu trouver une autre anologie que celle de ton adresse avec le pinceau et ta façon de présenter des détails périphériques qui nous permettent non seulement d'imaginer, mais surtout de sentir ton portrait, mais je n'y arrive pas. Un jour, les gens du monde entier viendront admirer ta gallerie!

4:49 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Magenta : C'est ben normal. C'est lui que ça devrait te rappeller.

M : Comme si tu connaissais pas la grosse majorité des gens dont je parle!

Dda : Oui, un pont transatlantique, pour rêver des différences.

Alex : Ma maman m'a dit l'autre fois que j'étais bien chanceuse de t'avoir dans ma vie parce que tu me dis des choses si gentilles. Je suis pas mal d'accord avec elle!

10:27 a.m.  
Blogger Marie-Hélène Gauthier s'est arrêté(e) pour réfléchir...

C'est sûr qur je les connais à travers toi, et tu me les as présentés au coin d'une table, rapidement... Mais de les rencontrer vraiment, pas encore fait.

1:19 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

C'est vrai que ça donne envie de le rencontrer ce monsieur !
Et que tu nous en dises un peu plus... :)

7:15 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

M : je parlais de la sélection "Renaud-brayenne". Qui est la vaste majorité des gens que j'ai portraitisés.

6:04 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mélie : désolée ma réponse n'est pas apparue ci-haut donc : l'affaire c'est que dans ton cas ça commence à être compliqué en bébite de les rencontré. Sauf Cali Rise tiens. J'ai fait quelque chose qui ressemble à un portrait sur elle dans le coitus de la semaine dernière. Tu pourrais la rencontrer à ma place?

6:06 p.m.  
Blogger François s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Tu es si prolifique, déjà un message du passé!
Vraiment, je me suis laissé prendre à ce texte. Ou plutôt, je me suis laissé prendre car cette définition est la mienne à un point qui m'étonne. J'aime bien la manière dont tu offres tes images et tes souvenirs, qui viennent si aisément se coller sur les images et les souvenirs de tant d'autres gens; et aujourd'hui, pour moi, ce que je vois colle presque trop bien...

9:42 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Pfffff... Non mais honnêtement, quel ringard! Qui est-ce qui fait encore des jeux de mots de nos jours? Overrated prick moi je dis.

2:06 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Francois : Ce n'est pas un portrait du passé ; j'ai rencontré ce mec il n'y a pas longtemps. Mais le texte coulait mieux au passé.

Tchendoh : T'es nono, pis moi je manque de vocabulaire!

8:37 a.m.  

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