Une bouteille dans le sable
Voici encore un texte pour le Coitus impromptus. Cette semaine le thème était une bouteille dans le sable.
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La journée était chaude et les enfants couraient sur la plage entre l'eau et les parasols sous lesquels étaient installés les adultes qui discutaient entre eux tout en gardant leur progéniture à l'oeil. Un petit groupe d'adolescentes faisait des messes basses en regardant les sauveteurs d'une manière qu'elles voulaient subtile, mais qui ne l'était pas du tout. Je faisais semblant de dormir, non loin d'elles ce qui me permettait de capter les secrets de leurs inclinaisons, que je n'aurais pas pu connaître, autrement. J'avais depuis longtemps un fort penchant pour Aurélie, ce qu'elle ignorait, bien entendu. Cette fille avait toujours eu le chic pour me mettre dans tous mes états d'un simple haussement d'épaules. Il y avait dans ses petits gestes désinvoltes, dans sa façon de ne pas se trouver belle, quelque chose qui m'arrachait le coeur, chaque fois.
Durant, l'année, je m'étais aménagé un espace dans les buissons sous les fenêtres de ma soeur Sophie ce qui me permettait d'épier un peu plus les secrets que les filles voulaient soigneusement me cacher. Je savais pour qui le coeur de celle-ci ou celle-là battait. Et je pleurais, en silence, les peines d'Aurélie.
C'était mon secret, très bien gardé. Les autres garçons de mon âge, avec qui nous partagions les vacances depuis des années, ne le soupçonnaient même pas. Quand le soir tombait et que nous partions en expéditions de chasses, je jouais les mêmes jeux qu'eux et je me laissais souvent aller à voler un baiser sur les lèvres pulpeuses des jeunes filles que nous rencontrions au hasard de nos pérégrinations. J'avais cette facilité pour en faire succomber plus d'une parce que chantais autour des feux sur la grève, penché sur ma guitare. C'était comme un appel pour les sirènes de ces étés insouciants. Et ça me permettait de laisser croire que j'étais déjà blasé à 18 ans, quand au fond, je n'étais qu'un amoureux, mal dégourdi qui attendait patiemment que sa belle le voit.
À la toute fin des vacances de ce dernier été que je passerais en entier à la plage avec toute la famille, j'avais ouvert mon coeur dans une lettre et plutôt que de la lancer à l'océan turbulent, je l'avait enterrée loin des ressacs, près de la maison familiale, à bonne distance de l'air pour bien la conserver. En cette journée d'août si belle qui me permettait une fois de plus d'espionner les filles, j'étais assez satisfait de moi.
Douze ans plus tard, lorsque Grand-mère est morte et que nous sommes tous retrouvés pour la première fois au même endroit, j'ai passé la soirée tout seul sur le ponton à me remémorer les souvenirs heureux de mes étés dépassés. J'entendais les bruits étouffés qui venaient de la maison et je me suis rappelé de ma bouteille enfouie quelque part dans le sable, près des habitations. Je me suis levé pour aller la récupérer, porté par un parfum de nostalgie avec lequel je me sentais en harmonie, mais à l'endroit où j'avais autrefois caché mon grand secret il y avait des plates bandes qui n'avaient jamais été là auparavant.
J'étais là, déboussolé, à me demander où cette foutu bouteille avait bien pu atterrir quand j'ai entendu la voix d'Aurélie dans mon dos : « C'est ça que tu cherches, me dit-elle en me présentant des tessons usés, ou peut-être davantage ce qu'il y avait à l'intérieur?» J'ai hoché la tête en signe d'acquiescement et elle a sourit avant d'ajouter : « Je l'ai trouvée il y a quelques années et j'ai reconnu mon nom à l'intérieur. J'ai cassé la bouteille et c'est comme ça que j'ai su que tu étais amoureux de moi. Je n'ai jamais jugé bon de te signaler que j'avais percé ton secret. Mais je peux te dire aujourd'hui que c'est ce qui m'a donné le courage, autrefois, de te dire je t'aime, une première fois. »
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La journée était chaude et les enfants couraient sur la plage entre l'eau et les parasols sous lesquels étaient installés les adultes qui discutaient entre eux tout en gardant leur progéniture à l'oeil. Un petit groupe d'adolescentes faisait des messes basses en regardant les sauveteurs d'une manière qu'elles voulaient subtile, mais qui ne l'était pas du tout. Je faisais semblant de dormir, non loin d'elles ce qui me permettait de capter les secrets de leurs inclinaisons, que je n'aurais pas pu connaître, autrement. J'avais depuis longtemps un fort penchant pour Aurélie, ce qu'elle ignorait, bien entendu. Cette fille avait toujours eu le chic pour me mettre dans tous mes états d'un simple haussement d'épaules. Il y avait dans ses petits gestes désinvoltes, dans sa façon de ne pas se trouver belle, quelque chose qui m'arrachait le coeur, chaque fois.
Durant, l'année, je m'étais aménagé un espace dans les buissons sous les fenêtres de ma soeur Sophie ce qui me permettait d'épier un peu plus les secrets que les filles voulaient soigneusement me cacher. Je savais pour qui le coeur de celle-ci ou celle-là battait. Et je pleurais, en silence, les peines d'Aurélie.
C'était mon secret, très bien gardé. Les autres garçons de mon âge, avec qui nous partagions les vacances depuis des années, ne le soupçonnaient même pas. Quand le soir tombait et que nous partions en expéditions de chasses, je jouais les mêmes jeux qu'eux et je me laissais souvent aller à voler un baiser sur les lèvres pulpeuses des jeunes filles que nous rencontrions au hasard de nos pérégrinations. J'avais cette facilité pour en faire succomber plus d'une parce que chantais autour des feux sur la grève, penché sur ma guitare. C'était comme un appel pour les sirènes de ces étés insouciants. Et ça me permettait de laisser croire que j'étais déjà blasé à 18 ans, quand au fond, je n'étais qu'un amoureux, mal dégourdi qui attendait patiemment que sa belle le voit.
À la toute fin des vacances de ce dernier été que je passerais en entier à la plage avec toute la famille, j'avais ouvert mon coeur dans une lettre et plutôt que de la lancer à l'océan turbulent, je l'avait enterrée loin des ressacs, près de la maison familiale, à bonne distance de l'air pour bien la conserver. En cette journée d'août si belle qui me permettait une fois de plus d'espionner les filles, j'étais assez satisfait de moi.
Douze ans plus tard, lorsque Grand-mère est morte et que nous sommes tous retrouvés pour la première fois au même endroit, j'ai passé la soirée tout seul sur le ponton à me remémorer les souvenirs heureux de mes étés dépassés. J'entendais les bruits étouffés qui venaient de la maison et je me suis rappelé de ma bouteille enfouie quelque part dans le sable, près des habitations. Je me suis levé pour aller la récupérer, porté par un parfum de nostalgie avec lequel je me sentais en harmonie, mais à l'endroit où j'avais autrefois caché mon grand secret il y avait des plates bandes qui n'avaient jamais été là auparavant.
J'étais là, déboussolé, à me demander où cette foutu bouteille avait bien pu atterrir quand j'ai entendu la voix d'Aurélie dans mon dos : « C'est ça que tu cherches, me dit-elle en me présentant des tessons usés, ou peut-être davantage ce qu'il y avait à l'intérieur?» J'ai hoché la tête en signe d'acquiescement et elle a sourit avant d'ajouter : « Je l'ai trouvée il y a quelques années et j'ai reconnu mon nom à l'intérieur. J'ai cassé la bouteille et c'est comme ça que j'ai su que tu étais amoureux de moi. Je n'ai jamais jugé bon de te signaler que j'avais percé ton secret. Mais je peux te dire aujourd'hui que c'est ce qui m'a donné le courage, autrefois, de te dire je t'aime, une première fois. »
Oh, comme c'est tendrement romantique ! :)