vendredi, mai 06, 2005

Porter un sens

À la suite d’un reportage choc dans Le Devoir sur les mœurs sexuelles des adolescents Québécois, le sujet est à l’ordre du jour. Il me semble que pas une journée ne passe sans que j’en entende parler. Je suis surprise d’entendre les uns et les autres monter aux barricades parce que, maintenant, la sexualité adolescente est pire que jamais. Pourtant il n’y a pas eu de réelle différence dans les statistiques à ce sujet.

Je me rappelle ma propre adolescence. Je me rappelle de la pression des pairs pour «faire la chose». Il y avait des étiquettes apposées sur tout le monde en fonction d’avoir fait ou de ne pas avoir fait. Je fais partie de ceux, les plus nombreux, qui ont eu leur première relation sexuelle complète après l’école secondaire. Et je pouvais nommer tous ceux qui avaient franchi le pas avant moi. Ce n’est donc pas si nouveau que des adolescents, encore un peu jeunes, se livrent à cette expérience ou cette expression d’amour, selon les cas. Je sais que je me suis tenue au principe selon lequel il fallait que j’attende d’avoir plus envie que peur. Et je sais que plusieurs filles que j’ai connues ont au contraire tout fait pour se débarrasser de cette virginité encombrante, comme si tout changerait une fois que ce passage serait passé. Je sais que j’étais moche parce que je ne voulais pas plier. Aujourd’hui, j’en suis très fière.

Je crois que ce qui ne va pas dans la situation actuelle tient davantage de la pornographie que de la sexualité adolescente à proprement parler. Et je crois aussi que cet état de fait n’est pas si récent que cela. On parle de cul à tout vent. Il est souvent plus bienvenu de raconter sa dernière aventure en liste plutôt que de parler de ses problèmes, ses peines et ses détresses. Tout est sujet aux commentaires salaces. Néanmoins, je ne suis pas certaine que nous sachions vraiment faire l’amour. J’ai connu bien des hommes qui me donnaient l’impression de se masturber avec le corps des femmes qu’ils rencontraient. Bien des hommes qui semblaient croire que tous les fantasmes mis en scènes dans les films pornos font partie de l’imaginaire sexuel féminin. Bien des hommes qui pensaient que la tendresse est un élément accessoire dans une relation sexuelle complète. Je ne cause pas ici uniquement d’aventures.

En somme, je crois que malgré les cours d’éducation sexuelle, malgré le fait qu’on parle de sexe tout le temps et qu’il est surreprésenté dans tout ce qu’on voit, il faut chercher plus loin que dans la génération des adolescent actuels la source des comportements inadéquats adoptés par certains.

Il faudrait d’abord commencer par débanaliser les relations sexuelles pour qu’elles soient à nouveau porteuses de sens.

8 Commentaires:

Blogger Luzur Maurat s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Où sont-il les commenteux.
Torieu.
Mamathilde, je suis heureux d'être le premier.
Comme tes mots ont du sens et du recul.
Je dirais que l'avenue d'internet permet aux jeunes
d'être plus informés sur les pratiques sexuelles, même à l'extrême, sans pour autant qu'il en saississent tout les impacts. C'est tout beau, tout drôle, tout neuf.
Faire porter le chapeau à l'homme pour la pornographie, je sais qu'il ne me faut pas blogguer trop loin pour me rendre contre qu'il y a plusieurs femmes qui se masturbent avec le corps d'un homme, elles aussi sous l'effet miroitant du sexe sans limites.
Tout ça n'est pas question de mœurs pour moi, ni de culture ou d'éducation. Seulement du commerce, de beauté factice et de clin d'œil léger.
La solitude d'un être ne se guérie pas dans le sexe mais, dans une intimité où tout est partagé.

Ce n'est qu'un autre outil de consommation

10:16 p.m.  
Blogger Luzur Maurat s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Fichu bon texte!!!

10:18 p.m.  
Blogger Daniel s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Intéressant point de vue. J'avoue que, pour ma part, comme ma cadette passe un peu par-là, je n'ai pas la distance nécessaire pour en parler. Mais ça m'inquiète quand même un peu, je dois dire. Je me demande où ça va finir...

10:19 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Complètement d'accord avec ce que dit l'Homme du Néant.
Je ne rajoute donc rien, juste une question, comment débanaliser la relation sexuelle - hors pornographie j'entends - acte des plus naturels qu'il soit ?

3:41 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Oui bon, des fois, il faut clarifier semblerait-il. Je ne voulais pas dire que ce ne sont que les hommes qui agissent ainsi, je parlais ce que je connnais. Et je suis profondément hétérosexuelle.

Quand même, chers hommes, je ne voudrais pas que vous sentiez peser sur vous l'opprobe de mes propos.

Mélie : Ouah! Maudite bonne question! Mais je ne sais pas quoi te répondre.

11:09 a.m.  
Blogger Danielle s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Un texte audacieux, bien senti et juste en ce qu'il raconte d'expériences et d'observations. Comme Mathilde sait souvent en écrire.

Je me demande si on ("on", pour tous ceux qui ont traité de la question partout, pas précisément les commentateurs d'ici) ne commet pas l'erreur déplorée en traitant de la sexualité hors d'une perspective globale des rapports humains. D'ailleurs, Mathilde la rappelle, cette perspective dans son texte. Ce que j'essaie de dire, c'est que nous vivons dans un monde où les rapports avec les autres sont identiques à la société dans laquelle on baigne : des rapports de consommation. L'autre n'est souvent qu'un "objet" dont on profite pour son plaisir, sans se préoccuper (ni même en avoir conscience en certains moments) de la réalité de l'"être" qui se trouve devant soi.

Et pourtant, elle tourne, la terre...

11:54 a.m.  
Blogger Pitounsky s'est arrêté(e) pour réfléchir...

J'abonde dans le même sens que Maridan'. La sexualité d'aujourd'hui n'est que le reflet de notre société. C'est un peu triste au fond. Je ne sais pas si les jeunes d'aujourd'hui ressentent les mêmes papillons au creux du ventre que j'ai éprouvés à frencher durant des heures mon premier chum (et que j'éprouve encore à chaque fois que je french un homme que j'aime!).

Embrasser, sentir, goûter et caresser juste pour le plaisir de découvrir l'autre... ça ne semble pas exister pour les jeunes. Tout est axé sur la performance alors que la sexualité, c'est pas ça.

À mon avis, ils passent à côté de bien des plaisirs. Mais ils y reviendront sans doute... parce qu'à un moment donné, venir pour venir, ça doit être vide de sens.

3:34 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Si on résume, nous trouvons tous que les relations sexuelles, qui pourraient être des relations d'amour, à une époque où il est permis de le faire par amour, sont devenues une quelconque marchandise que l'on peut comparer avec celles du voisin.

Je crois que j'ai encore envie de croire que ça peut être différent et que l'espoir est permis.

9:26 p.m.  

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