jeudi, mai 12, 2005

Se débrouiller

Je suis l’aînée d’une famille de quatre enfants. Lorsque j’étais toute petite et que nous n’étions que trois, j’ai eu ma période de cauchemars. Je faisais un récurrent. Parce que je lisais un livre intitulé Papa fais-moi peur. Ça racontait une histoire de forêt et de loups mangeurs de petit garçon. À la fin, les loups étaient vaincus par un trou béant, creusé sur leur chemin, et des gaufres pour les rassasier.

Je rêvais que je me faisais poursuivre par des loups qui avaient faim d’une petite fille. C’était une forêt sombre et humide. Et j’avais peur, peur, peur. Je criais, courais, me débattais. J’avais dans l’idée que je devais régler mon problème toute seule. J’étais grande vous comprenez. J’étais la plus grande. Je ne pouvais pas faire le bébé et réveiller maman la nuit. Et maman n’aurait jamais voulu me laisser dormir avec des gaufres à côté de mon lit.

Que pouvait faire une petite fille, toute seule dans la forêt, avec une meute de loups affamés qui l’entouraient et la zieutaient avec appétit? Une petite fille était bien démunie. Dans ma tête d’enfant, je ne pouvais plus être une petite fille dans mon rêve. Comment être autre chose qu’une petite fille?

En dormant en camion.

C’est-à-dire, sur le ventre, la tête enfouie dans l’oreiller, les genoux remontés sous moi et les bras pliés de chaque côté de ma tête. Voilà, c’était le camion. Et ça fonctionnait. Parce que, dès lors, dans le cauchemar, je n’étais plus une petite fille. J’étais un énorme camion blanc. Avec une lumière à l’intérieur. Les loups ne pouvaient pas me mordre, ils s’y cassaient les dents. Et je me réveillais au matin, très satisfaite de mon astuce. Je n’avais ni réveillé maman ni été mangée par les loups.

J’ai trouvé cela un peu plus dur quand j’ai commencé à rêver que mes parents me donnaient à un monsieur pas fin qui avait l’air d’un crapaud. Parce que mon bébé sœur, tant attendu, était enfin né. Vous comprenez, je n’étais plus la seule fille de la maison. Donc, plus la fille préférée.

Ce rêve là non plus je ne l’ai pas raconté. Il est revenu jusqu’à ce que je comprenne que ma sœur ne prenait pas ma place, mais la sienne.

Ce jour là, le monsieur a cessé de venir me chercher dans mes cauchemars.

Vous croyez que c’était le Bonhomme Sept-heures?

1 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mignon, la technique du camion. C'est vraiment de la débrouillardise!

T'as pensé te partir une entreprise?

8:24 p.m.  

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