La babouchka
J’ai dans la peau des traces de doigts. Celles de ces hommes que j’ai invité à caresser ma peau. J’ai dans ma chair des lacérations : celles de celui qui s’y est servi sans mon consentement. J’ai sur la nuque le picotement des yeux lourds de ceux qui voudraient me voir tournée vers eux, mais que je n’ai pas envie d’aborder.
J’ai dans le cœur les images bousillées de toutes mes espérances abandonnées. J’ai des rêves qui se ternissent aux mesures des secondes. J’ai des désirs de chaleur humaine pour palier à celle de l’été. J’ai des sourires ancrés dans des souvenirs pas si lointains. J’ai des paysages désertiques sur mes périodes noires. Et l’obsédant de savoir que j’ai refusé des amours parce que je ne me sentais pas à la hauteur de ceux qui me les offraient.
J’ai sur mon épiderme une marque de vent et le poids d’une bouche qui ne s’est pas effacée à temps. J’ai dans le cœur des résurgences blessées qui se dressent en barricades entre moi et les autres. J’ai des relations amicales intenses. Des relations virtuelles qui me protègent des meurtrissures du concret. Des relations charnelles vides de sens. J’ai l’impression d’être une babouchka éparpillée sur une table sans plus savoir quels sont les morceaux à assembler. Je ne suis qu’une foule de compartiments hermétiquement clos. Et même lorsque j’ai l’air de faire un tout, je ne suis qu’une poupée de bois contentant d’autres poupées entourées de vide.
J’ai sur le bord des lèvres des mots à crier, mais personne pour les recevoir.
(Entendre un bruit de buzzer) Faux...
Mathilde, est-ce un texte que tu as écrit aujourd'hui ? (je pose la question parce que tu as déjà mentionné que certains de tes textes avaient été écrit quelque temps avant)
Ce texte est sublime Mathilde, l'image de la Babouchka très efficace.
Et maridan, en son absence, je me permettrais de répondre que j'en suis sûre, qu'elle l'a écrit aujourd'hui (ben qui est rendu hier)...
Oui, Maridan' c'est un texte écrit le 25 juin 2005.
Merci Cath.
Homme du Néant : pourquoi tu dis faux? Moi je te dis que c'est ainsi que je me sens et que je vois les choses...
Moi j'ai beaucoup aimé ce texte...
Parce que je tente de faire de mon quotidien un éclatement de ces compartiments, parce que je me bats contre cette segmentation facile de ma vie, qui fait moins mal mais qui fait moins vrai.
Tes mots, déposés ici, sont reçus. Faible consolation j'imagine, mais mieux que le vide...
Je répondais à la dernière ligne de ton texte: les gens sont là, il suffit d'ouvrir les yeux.
S'il s'en trouve pour affirmer une fausseté, Mathilde, ce n'est pas pour nier ton sentiment. Ces affirmations sont le cri de coeurs qui t'aiment, qui te clament que tu n'es pas seule. Sans nier la Solitude essentielle. La belle image de la Babouchka dont tu t'es emparée, elle est en partie juste, en partie erronnée, et c'est peut-être de là que surgit le différend (et non "différent") à propos de ce que les autres et toi éprouvent.
J'entends un vide, une souffrance, un appel. Peut-être un égarement aussi ? En même temps, je vois (et je ne suis pas la seule) une richesse chez toi.
Qu'as-tu donc qui demande à naître ?
(J'ai hésité entre t'écrire en privé ou ici. Comme j'ai cherché à formuler ce que provoquait en moi ton texte, et que la lecture des commentaires des autres m'a permis d'y arriver, je le publie ici. Cela dit, je peux m'être trompée dans mes perceptions. Il n'y a que toi pour savoir ce qui t'appartient en propre. J'ajoute que mes questions et mon commentaire n'attendent pas de réponses. Tu en fais ce que tu veux.)