Photographier mon âme
Il y a eu un arc-en-ciel faisant le pont entre le quartier Saint-Roch et la Haute ville imprimé sur ma rétine. L’Œil voulait photographier mon âme. Et j’ai eu un coup au cœur. Que trouverait-on sur une photo de mon âme?
Une volonté de beauté. La beauté des mots et celle des gestes. Un parfum de candeur qui ne m’a pas encore déserté malgré les crues de mes printemps tristes. Malgré les écueils tordus sur les plages des hivers rigoureux. Une volonté d’amour, de partage, de tendresse, de réalité et de rêves aussi. Des rêves noyés dans les rires et dans les absurdités. Des rêves qui se sont butés à des refus. Et les échos de ceux que j’ai abandonné en route. Sans trop savoir ni pourquoi ni comment.
Plus que tout il y aurait le noir de toutes mes peurs. Celles qui m’ont amenée vers le pays des zombies. Celles qui de craintes se sont mutées en gargantuesques affolements. Du rationnel à l’irrationnel. Peur des hauteurs, peur des gens. Peur de la solitude, peur du rejet. Peur d’aimer, peur de ne pas être à la hauteur. Peur des autres, peur de moi. Peur de me casser le nez, poids de l’immobilisme. Peur de perdre, poids de la jalousie. Peur d’être happée, poids de l’indépendance. Peur, peur, peur, peur, peur.
Peur de ne plus pouvoir vivre à force d’avoir peur.
Si l’on photographiait mon âme, elle serait entravée. Des lianes et des lianes de peur autour de ce qu’elle devrait être. Avec, ça et là des éclaircies, celles de mes rires, de mes forces, de mes aspirations. Des lianes qui étouffent la femme qui n’est jamais née laissant place aux spectres de mes années d’enfance et d’adolescence : un non fini qui ne sait plus comment se terminer.
J’ai passé la fin de semaine sur les remparts d’une ville que ses murailles n’ont pas su protéger. Je suis comme cette ville; envahie par les peurs que j’aurais tant voulu garder dans l’océan à mes pieds. En regardant les voiles qui parsemaient les eaux du fleuve, j’ai compris que je n’avais plus aussi peur. Plus de peur des hauteurs, plus de peur de la foule, plus de peur des chiens, peu de peur de la solitude et plus cette peur immense de l’abandon qui m’a poussée et tirée dans tous les sens durant une dizaine d’années.
Si l’Œil photographiait mon âme, aujourd’hui, il y verrait sans doute une femme qui ne demande qu’à naître mais qui a encore un peu peur de pousser
Magnifique photographie que celle de ton âme...
Si on pouvait photographier ton âme, je la ferais laminer et je l'afficherais dans ma chambre.
L'Oeil avec un grand haut, comme l'Oeil de Dieu genre :op.
Robin, c'est un deal mais ça va te coûter cher en Ta...
Cet alliage entre la photographie et l'âme me fait frissonner de plaisir. Et cette insertion subtile d'une géographie réelle... Difficile d'expliquer rationnellement pourquoi je fus tant ému puisque je n'ai pas étudié la littérature : ce n'est qu'instinctif, émotif. C'est un des plus beau texte que j'ai lu depuis longtemps.
Ps critique que je ne devrais pas écrire: le mot «zombie» m'a sauté à la figure et me l'a écorchée.
Ps 2 : Combien y a-t-il de personne ici qui «ne demande qu’à naître mais qui a encore un peu peur de pousser»? Je n'ai pas de scrupule à lever la main...
Mots dits
On s'y retrouve, on s'y perd
On s'y prends, on s'y joue
J'aime cette façon que tu possèdes
Cette sagesse du recul
Tu n'as pas peur d'humilité
Tes mots sont beau
Sont baumes
C'est superbe Mathilde... Ah, tu pourrais t'en faire un portefolio de toutes ces photographies de ton âme...