Souvenirs d'aube
Il faisait trop chaud pour dormir à deux, mais tu étais là. J’étais épuisée par la journée et j’avais encore le sommeil du trajet dans le fond des yeux. Mais plus que tout, mon corps me trahissait puisque même le désir m’était interdit sous peine de douleurs trop intenses pour qu’elles soient nommables.
Tes bras me serraient contre ton corps, chauds et douillets. Une avalanche de bisous doux s’est abattue sur mes lèvres; ailes chaudes sur ma nuit. Cette tendresse des mots que l’on ne dira pas; ces mots-là n’étant ni pour toi ni pour moi. Hésitants quelque part entre l’amour et l’amitié, entre le désir et le néant, entre tout et rien, nous nous sommes lovés dans le sommeil.
J’ai toujours eu le sommeil stagnant. Je me réveille souvent engourdie de n’avoir pas assez bougé. Avec toi, c’est impossible puisque tes heures se mêlent et se démêlent autour de mon corps. Tirant et poussant dans tous les sens, m’emportant dans ton sillage. Mes draps se froissent, mes cheveux se nouent. Et je ne puis avoir d’espace de solitude dans ces nuits; il y a toujours un bout de peau qui s’accroche à la mienne.
Au cours de cette nuit moite où mon corps douloureux créait les espaces pour ne pas souffrir trop, tu as glissé ma main sur ton sexe. Je me suis réveillée à 05h00, surprise de sentir le mouvement de tes doigts qui m’ont dirigée sans détour. Et je l’ai senti grandir, pousser sous les pulsations de mes doigts immobiles. Mon cœur a manqué un battement et mon corps me criait de mettre une distance, déchiré qu’il était, en dedans.
Au matin, il ne me restait que le souvenir de ces minutes d’aube. Fugaces instants dont je garderai longtemps la mémoire. On s’est quittés en se disant à bientôt. Sans savoir quand serait bientôt.
Moi je t’ai regardé descendre les marches, avec vrillée dans le cœur cette déception de n’avoir pu répondre à ces avances nocturnes. Sachant que j’avais tant insisté pour que tu t’abandonnes et me retrouver là, impuissante, à la minute où tu le fis.
beau et touchant, Mathilde
Encore une fois un si beau texte.
Dieu que tu as du talent! Tu sais laisser parler ton âme, tes tripes.