samedi, juillet 02, 2005

Le drap

Voici ma contribution hebdomadaire pour le Coïtus impromptus. Cette semaine le texte devait absolument débuter par Armelle fixa le coin du drap. Double difficulté pour moi qui préfère le présent au passé pour la structure du texte. Je n'avais pas d'inspiration vraiment alors j'ai décidé de continuer l'histoire de Philippe et Marie qui ont vus le jour dans le cadre du coïtus justement. Je les ai précédemment mis en espace ici, et . D'ailleurs la lecture des textes précédents pourrait aider à la compréhension de celui-ci.

Clin d'oeil à Charles qui aime bien mes histoires présentant des personnages que j'ai créés ailleurs.

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Armelle fixa le coin du drap, soigneusement, le lissant du revers de la main avant de se tourner vers nous.

Il y avait dans ses yeux un mélange de détresse et de compassion. Et cet amour si grand qu’elle a pour ses enfants. Ma propre mère m’aime bien sûr. Je le sais. Cependant elle n’a pas cette immensité dans le regard. J’ai toujours pensé que c’était causé par le fait qu’Armelle était si loin de la famille qui l’a vue naître et grandir. Tous ses ascendants étaient encore en Europe. À Montréal, elle n’avait que son mari et ses enfants. Son mari, sa grande histoire d’amour, qu’elle avait suivi par delà l’océan.

Dans la pénombre de la chambre d’enfant, elle regardait son fils, son seul fils, avec cette acuité propre aux mères.

Moi je sentais la main de Philippe dans la mienne se tendre. Je savais bien qu’il ne la croyait pas. Je savais bien qu’il ne voyait dans ses mots que de vains efforts de réconfort. Armelle s’en doutait aussi.

Nous sommes sortis de la chambre lentement pour aller nous réfugier dans le sous-sol. La Caverne. Philippe ne lâchait pas ma main. Depuis cette nuit de frousse, de grande terreur où nous l’avons perdu pendant des heures, avant que je ne le trouve sous mes fenêtres, Philippe et moi étions toujours ensemble. Avec un contact constant de ses mains sur ma peau. Comme si j’étais l’ancrage qui le gardait vivant.

Cet après-midi-là, sans qu’Armelle ait pu trouver les mots pour faire taire la culpabilité de son fils, il a doucement pris mon visage dans ses mains. Dans ses yeux il y avait une tempête de mots. Mais il m’a simplement dit : «Je t’aime Marie».

Et moi, j’ai souri.