Les brodeurs
Ils se dressent fiers comme des paons, droits dans leur maladresse, courageux dans leurs peurs. Ils affirment qu’ils n’ont besoin de rien, que l’esthétisme de leur ascétisme consenti leur suffit. Il me proposent un verre, une nuit et me demandent gentiment de partir au matin.
La fois suivante, ils me parlent de leurs ambitions, des femmes qui ont marqué leur corps, leur âme, leurs sensibilités. Ils m’en jasent l’air de rien, comme s’ils étaient indifférents; pour ne pas que je sache. Ils rient en cascades ces aventures sans queue ni tête dans lesquelles ils se sont enfoncés. Ils m’ouvrent le noir de leur cœur, les désirs inassouvis, les haines qui les habitent et me demandent de les aimer inconditionnellement. Ils versent des larmes de désespoir sur les maux qu’ils ont laissé couler sans s’en apercevoir.
Ils sont jeunes et me racontent l’impossible de se trafiquer dans une relation durable. Ils me tiennent la main en hurlant en silence qu’ils ont peur. Pour, eux, pour moi, pour ces femmes qui les touchent. Pour moi encore. Ils me parlent de leurs travers, doutant un peu de ma fidélité, doutant un peu de me perdre au hasard d’un mot blessant dont ils ne m’épargnent jamais les épines. Ils se roulent en boule à mes genoux, quémandant du geste mes phalanges dans leurs cheveux.
Ils se cassent sur mes silences, se retirent d’un pas. Leur voix se disloque. Ils pirouettent une drôlerie pour se sortir de l’embarra, acceptent des roses sans trop savoir comment. Ils me quittent en mordant le creux de ma paume, me promettant de revenir bientôt. Mais je sais que ce ne sont que de belles paroles.
En voyant leurs doigts trembler lorsqu’ils ramassent leurs paquets, je sais toujours que c’est la fin.
Ouf! Un texte chargé...
Je pense que je vais réfléchir et revenir demain ;-)
Mais sérieusement, je ne voulais pas partir sans te dire combien ton texte est touchant.
Sur ton post on ne retrouve pas seulement la qualité de ton écriture(très forte, très bien maîtrisée), mais toute la charge émotive cachée, car dans le ruisseau de tes textes qui coulent ici, tu nous révèles ton paradoxe douloureux et à la fois attachant. La princesse vivant dans un château avec de grandes salles de bal et est aussi garni de donjons et de douves.
Un texte tellement bien écrit.
Simplement, il me ramène tant d'images, d'émotions, de sensations. Et surtout, cette difficulté des hommes et des femmes à communiquer la vraie chose, à la bonne personne, au moment juste...
Merci à toi ma belle.
Lumières merci. Difficulté à communiquer; tout est là. Limitée par la crainte de blesser la personne devant soi. Enchaînée au silence.
Et meurtrie tout de même, au bout du compte.