mercredi, janvier 18, 2006

Dans ses yeux

Dans une salle bondée de personnes pour qui je suis l’inconnue, un regard s’est posé sur ma chair comme une instance avec laquelle je ne savais que faire. Des yeux trop perçants pour sous une chevelure trop ébouriffée qui me faisaient rougir sur place pendant que j’en perdais un peu contenance. Un coup d’œil qui donne envie de rentrer sous terre, le plus loin possible et de disparaître. En même temps cette envie, cet élan vers celui qui le porte, pour aller lui annoncer qu’effectivement il m’a déjà vue, mais dans des circonstances tellement différentes qu’il ne peut pas faire le lien entre moi et moi. Pour une fois, je suis restée sagement à ma place, sans rien dire. Quand il m’a croisée, les mains pleines de bière quelques heures plus tard, il a intercepté mon regard pour me dire bonsoir, d’une voix savamment placée. J’ai à peine levé les yeux pour lui répondre et j’ai fui son iris.

Je suis retournée à ma place, le cœur battant. Encore toute émoustillée de cet échange qui n’en était pas un. À la fois ravie et chavirée de ce qui venait de se dérouler dans la salle. Je me suis plongée dans une lune en orbite autour de la foule pendant que d’autres me racontaient leurs histoires de cœur. On me reprochait de ne pas être tout à fait là, de ne pas porter l’attention que je sais porter d’ordinaire et on m’a dit : « Allez, file, va le voir, ensuite tu m’écouteras ». Il n’en était pas question, je ne voulais pas du tout retourner me faire griller par cette attention malaisante. J’étais pétrifiée devant l’amabilité que je pouvais deviner entre les silences des yeux qui me cherchaient. J’étais coite au contact de cette curiosité que je savais avoir moi-même allumée il y a quelques années.

Je me suis retrouvée prise à mon propre piège. Petite bête traquée dans mes retranchements parce que j’ai cette mauvaise habitude d’aller voir des gens que je reconnais et de leur annoncer que je sais qui ils sont. Que ce soit parce qu’ils se meuvent sur une tribune publique ou plus simplement parce qu’ils étaient un peu plus vieux que moi à l’école et que je les zieutais avec envie et admiration, je possède cette mémoire des visages et des noms qui est parfois sidérante. Je ne me trompe que rarement. Lorsque les gens sont des personnalités connues, je me conserve une petite gêne et j’agi selon l’environnement qui s’installe autour de la situation. Autrement, j’ai plutôt tendance à foncer, à me jeter dans la gueule du loup quitte à avoir l’air totalement ridicule. Ce qui m’a fait apprendre, en cours de route que non seulement le ridicule ne tue pas, mais en plus il nous permet parfois de mettre les pieds dans des situations totalement gratifiantes.

Cependant, il m’arrive de regretter d’avoir osé une discussion. De me sentir déplacée dans mes propres souliers pour avoir un jour déclaré une quelconque niaiserie à une de ces personnes. Et de me sentir adolescente attardée, prise devant une situation trop grande pour elle. Et de me tancer mentalement parce que ces situations embarrassantes c’est moi qui les ai provoquées.

Ce soir-là, je suis rentrée chez moi penaude, sans lui avoir parlé.

2 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

C'est vrai que, parfois, se jeter dans la gueule du loup nous permet de faire de belles rencontres, on a peut-être l'air ridicule, mais ça ne fait que prouver que le ridicule ne nous fait pas peur...
Personnellement, je finis toujours par me couvir de ridicule et je rougis de honte en faisant semblant que rien ne me dérange... Surtout devant ceux qui m'impressionnent le plus...

11:18 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ben là Soleilsecret, faut pas que tu donnes tous mes trucs!

11:22 a.m.  

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