mardi, janvier 17, 2006

Pour moi

Dans un monde où le sexe est devenu une marchandise courante et surdéveloppée, il y a des hommes, jeunes souvent, qui ont été éduqués sexuellement à regarder des films pornos. Dans la vraie vie, ils s’imaginent que ça branche toutes les nanas de se faire prendre violemment, sans tendresse, comme ça sur le coin d’une table, de préférence quand il y a des témoins pour voir la scène. Il y a des mecs qui s’imaginent qu’être lesbienne ça veut dire de faire l’amour à une femme en ayant envie d’un homme. Il y a des mecs qui pensent que notre plus grand fantasme c’est de tourner notre langue dans la gueule d’une autre fille. Rien que pour les voir bander.

Dans un monde où le sexe est moins tabou que les sentiments, il y a des filles pour se plier aux fantasmes masculins et je les vois draguer à deux en s’embrassant à bouche-que-veut-tu et en se tripotant les seins pour le plaisir du croûton lubrique assis non loin d’elles. Et qui en remettent quand ledit croûton quitte. Le show, cette fois, est pour une gang de jeunes énervés qui vont se permettre ensuite d’aller voir d’autres filles qui dansent tranquillement ensemble en leur affirmant qu’ils les veulent toutes les deux là et maintenant. Ensuite les filles qui jouent viennent me demander comment je fais moi, pour être à ce point respectée. Ou mieux encore, me dire que le féminisme est inutile dans notre société.

Il y a des hommes qui me baisent en me donnant l’impression de se masturber avec mon corps, sans chercher à savoir qui je suis ni pourquoi je suis là. Il y a des hommes qui m’ont engueulée parce que je leur ai dit que j’étais mariée, à l’époque où c’était le cas, en me disant que c’était du gaspillage, comme si je devais obligatoirement leur prêter mon corps pour une nuit, sous prétexte qu’ils me trouvaient jolie. Il y a des hommes qui sont monté à l’assaut de mon corps comme des toutous frétillants, tout énervés et secoués. Moi je les ai trouvé mignons et je suis devenue leur maîtresse, celle qui les dirigeait et les regardait se dépatouiller avec mes indications de toute leur bonne volonté maladroite.

Dans une société qui considère que parler de ses maux est une tare mais que parler de cul est bienvenu en toute circonstances, j’ai vu des gens traîner des peines dans le fin fond de la dépression, qu’on laissait sur le bord du chemin, en évitant leur regard soigneusement. J’ai dérangé une quantité incroyable d’individus parce que je raconte mes sentiments et mes histoires sans honte. Parce que j’assume que j’ai fait un tour du côté de la pente raide de la non estime de soi. Parce que je ne me gêne pas pour dire que je suis sous le charme de telle ou telle personne. Et ces mêmes personnes viendront me dire plus tard que je suis bizarre parce que je ne raconte jamais mes aventures sexuelles dans le détail mais que je suis impudique au point de parler de ce qui se passe côté cœur.

Je suis sans doute une femme étrange, sauf que j’aspire encore à trouver un mec qui va avoir envie de moi, pour moi.

9 Commentaires:

Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ton message rejoint une partie de mes réflexions et mes résolutions...

Très intéressant comme texte. Très réaliste aussi, je crois que ça dépeint une partie de notre société.

p.s.: Personnellement, j'aurais rajouté la sodo dans le premier paragraphe! Il paraît que c'est bien populaire.

5:28 p.m.  
Blogger tchendoh s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ouin ça perd de son impact avec le nombre de fois que je te le dis mais j'ai vraiment aimé ce texte-là.

6:43 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Et d'un autre côté, y ceux qui se font aimer sans se faire baiser. Avoir envie de moi pour moi est probablement aimer par le sentiment et par le corps. Indissociablement. L'équilibre est souvent précaire entre les deux tant on nous a éduqué dans la séparation et la schizophrénie(). Redéfinir et rééduquer le 'Moi' serait déjà une bonne chose et je crains que ce ne soit pas des féministes qu'on ai de besoin mais des pacificateur de chaos interne, des rééducateurs centralistes, des réunificateurs de pôles. Et finalement pour l'aspiration, je te souhaite sincérement de la réaliser promptement et complètement. Namasté.

7:11 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Aie-je besoin de te dire que je me reconnais dans ton texte ? Non, je crois pas, tu le sais. Parce que je suis l'un de ceux que tu as sorti du fin fond de la ruelle de la peine d'amour, en me montrant qu'il y a encore des gens qui sont simplement ce qu'ils sont et qui offrent leur amitié, aussi simplement qu'on offre une tasse de thé.

Je continuerai aussi à parler de sentiments, pour déranger les gens. Peut-être qu'on aura raison, à la fin, tu crois pas?

8:24 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

« J’ai dérangé une quantité incroyable d’individus parce que je raconte mes sentiments et mes histoires sans honte. » Et bien c’est eux les pire. Il est déjà assez difficile de vivre pour soi, sans devoir constamment penser autres, sans quoi ce serait l’enfer. « Et ces mêmes personnes viendront me dire plus tard que je suis bizarre parce que je ne raconte jamais mes aventures sexuelles dans le détail mais que je suis impudique au point de parler de ce qui se passe côté cœur. » Ce sont eux les personnes bizarres parce qu’incapable de reconnaître la profondeur d’un texte, la justesse de tes mots et la personne que tu es derrière l’histoire. Il faut d’abord vivre pour soi… c’est ce qui nous mènera vers l’autre… je pense… j’espère… je crois.

11:57 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Souris : J'espère que ça dépeint une partie de notre société : c'était le but visé. En ce qui a trait à la sodomie... Ben je dirais que je rentre cette pratique dans l'ordre de l'itime entre deux personnes consententes et que je parlais surtout du sexe mis en public. Et, l'air de rien, j'élague mes textes de contenu souvent, pour que le rythme ne soit pas cassé.

Tchendoh : Non, ça ne perd pas d'impact. Jamais. Me faire dire que je fais réfléchir ou que j'écris bien c'est un boost quotidien. Alors, ne te gêne pas pour me le dire ou le dire aux autres blogueurs que tu lis.

lp soleil : Belle réflexion que je ne commenterai pas sur tous les points parce qu'on ne serait pas sorti d'ici mais je retiendrai que l'équilibre relationnel est sans doute la chose la plus difficile à aller chercher effectivement. Et merci de me souhaiter cela ;).

Jay : Non bien sûr. Merci pour l'éloge. À lire ton commentaire, on croirait que je suis un super héros venu sauver les coeurs brisés de cette planète. Touchant.

Alex : Ben voilà, on est d'accord. Sauf que je ne dit pas que tout le monde est ainsi n'est-ce pas? Seulement une partie de gens. Mais cette partie là me tape sur les nerfs. Alors je l'exprime.

10:48 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Et il y a des hommes qui ont compris qu'une femme prend du plaisir avec des mots, des regards, des gestes, des caresses... Des hommes qui ont compris que le coit est l'aboutissement de...

2:44 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Écran Blanc : Oui, bien entendu. Mais je décris précisément les autres.

10:05 a.m.  
Blogger Cédric s'est arrêté(e) pour réfléchir...

ben moi j'ai rien à rajouter à tout ça, sinon que oui les féministes ne disent pas que des conneries. il faut juste dire que c'est un très beau texte, très juste. j'allais continuer mais ça prendrait des pages et...bref.
mais longue vie à annie sprinkle!

8:48 p.m.  

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