vendredi, janvier 20, 2006

Une p'tite gêne?

Quand j’ai ouvert ma boîte de courriel, il y avait ce message. Ce message qui me parlait d’un mec bien particulier. Et pour la première fois, j’ai vu son prénom sans son nom de famille, comme cela, tout seul sur la page. J’ai pris quelques minutes à le reconnaître. Je ne savais pas de qui elle me parlait. Hésitante devant une affirmation. Je regardais le prénom avec l’impression qu’il était tout nu. Étalé impudiquement parmi d’autres vocables. Je peux me permettre de l’appeler Monsieur Untel, j’ai l’habitude de jongler avec les noms de famille et affubler les hommes d’un Monsieur en guise de prénom, commun et rassembleur. Ça me permet aussi de garder une petite distance. Parce que le Monsieur implique un vous de politesse, du moins au départ.

Il y a des hommes comme cela qui me gèlent. Je me sens un peu chose devant eux et je me dis que je ferais mieux de rentrer six pieds sous terre. Ils posent un silence sur mon visage, voyeur et curieux, cherchant en quelque sorte à puiser dans mon âme une fibre de mon essence. Alors je me terre la tête entre les épaules et je rougis dès qu’ils ont les yeux tournés. Souvent, ils se retournent vers moi avant que j’aie repris ma contenance et je me sens démasquée. Je rougis davantage. Pour me remettre sur pieds, je me raconte toutes sortes d’histoires. Je me dis qu’ils ont déjà une amoureuse, que je ne suis qu’une petite Mathilde de rien du tout, qu’ils sont énervants pour telle ou telle raison. J’essaie de rationaliser. La plupart du temps, j’y arrive très bien.

Devant le prénom tout nu ce jour-là, je n’y arrivais pas. J’étais désarçonnée. Je pivoinais devant l’écran, constatant tout le ridicule de la situation. Intimidée que j’étais devant cet aplomb qui surgissait inopinément dans ma vie. J’avais les mains moites et le souffle court. Je me sentais licencieuse, autant que si j’avais regardé par la fenêtre de sa chambre à son insu, ou encore lu son journal intime en me pourléchant de tous ses secrets. Il y avait ses trois syllabes audacieuses qui me narguaient, insolentes. J’ai fermé la fenêtre, je suis allée voir du côté des blogues ce qui s’y passait. J’ai essayé de ne plus y penser, sans y arriver. J’ai entrepris de répondre à mes courriels, sans avoir la tête à cela. Je revenais toujours à la nudité qui s’étalait sans gêne dans ma foutue boîte de réception.

Il y a des hommes comme ça que j’espère revoir pendant des mois sauf qu’au moment où l’occasion se présente, je me replie sur moi-même et je les évite avec diligence et agilité. S’ils passent à côté de moi, je m’électrise et je garderai la mémoire de leur contact longuement encré sur ma peau. Si je ferme les yeux, je rêve qu’ils passent à la librairie, pour me voler un baiser. Je me tance de nourrir ces pensées lubriques et je me juge sur les fantasmes qui jaillissent de mon esprit.

Il y a des hommes comme ça qui me font de l’effet et je les sens impudiques quand je croise leur prénom, tout nu.