mardi, février 21, 2006

Un zeste de mépris

Il me regardait désarçonné quand je lui ai annoncé que je le quittais. Il ne comprenait pas. Pourtant, tout au long de notre relation il m’avait traitée avec un zeste de mépris et une bonne dose d’indifférence. Je savais qu’il voyait d’autres filles en même de temps que moi, mais je n’étais pas assez confiante en moi pour le quitter. Parce que j’avais dans l’idée qu’il était bien la seule personne au monde à qui je pourrais plaire. Après tout, je n’étais que moi, petit bout de femme aux idéaux romantiques et grotesques. Chaque nouvel amour devait être le bon et j’avais l’impression de commettre des erreurs lorsqu’une histoire ne durait pas vraiment. Avec lui, j’aurai essayé. Je voulais qu’il me trouve belle, tendre et irremplaçable.

Avec lui j’ai passé des heures sur le plancher des cuisines à pleurer en silence les déroutes et les pieux que je recevais en plein cœur. Avec lui, j’ai tordu mes peines jusqu’à l’évanouissement en le voyant en embrasser d’autres à bouche que veux tu, sans pouvoir y faire grand-chose. Parce que je savais, qu’il savait que je savais, et elles aussi. Je le voyais sortir des présents de ses poches, couvrant ses belles de bijoux pendant que je me tordais de jalousie sur les pavés usés par mes genoux meurtris. Et quand venait le temps de partir, il me disait : « Allez, je t’appellerai demain. J’irai te chercher après ta journée. » Je quittais la salle chiffonnée de toute part en sachant que ses mots tendres seraient réservés à une autre belle, pour la nuit.

Pendant les jours qui suivaient, il se montrait charmant avec moi, j’étais le centre de son univers et j’y croyais particulièrement fort. Et puis, une soirée nous ramenait à la case départ : il usait de son charme sur d’autres peaux que la mienne, sous mon regard blessé, sans en tenir compte. Et je retournais chez moi, éraillée et ternie, la mine basse en lui hurlant que c’était la dernière fois pendant qu’il me répondait amusé : « Mais non, tu le sais bien. Tu m’aimes trop pour cela. » Et je m’en voulais parce qu’il avait raison. C’est pourquoi, il n’en croyait pas ses oreilles quand je lui ai dit que je partais. D’ailleurs, je ne me suis pas contentée de mettre un terme à notre relation : je savais trop bien qu’en restant dans son entourage je succomberais à la première occasion. Je me suis cachée très loin. Sans jamais l’oublier.

Quelquefois, il m’a appelée dans ma retraite. Pour me raconter ses peines et ses détresses, à moi qui le connaissait si bien. Les premières fois, j’ai couru vers lui, avalant les kilomètres comme d’autres calent des bières. Ensuite, je me suis rendue compte que cela ne faisait qu’étayer ses petits jeux pervers. J’ai changé de numéro de téléphone, je me suis effacée un peu plus de la surface de son monde et j’ai attendu la suite des événements.

Dix ans ont passées. Hier, il m’écrivait qu’il me lit depuis plusieurs mois et qu’il se demandait quand il allait se reconnaître dans un de mes textes. J’ai souri dans ma barbe imaginaire en me disant que certaines demandes ne peuvent être passées sous silence.

8 Commentaires:

Blogger Martyne l'intellex s'est arrêté(e) pour réfléchir...

...Moi je ris dans ma barbe imaginaire...
;-)
En plein dans ses dents imaginaires !
;-)
Chacun de tes mots, imaginaire ou pas, est tellement pesé, tellement révélateur, tellement vrai et tellement juste, que parfois je me dis que certaines ont plus qu'un don : elles ont aussi la faculté de l'utiliser avec brio. Comme tu le fais.:-)

11:31 a.m.  
Blogger Lumières s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Eh bien voilà! Demandez et vous recevrez. Il peut, à tout le moins, se vanter d'être source d'une belle inspiration ;)

12:39 p.m.  
Blogger Lew s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Je ne te cacherai pas que le punch m'a particulièrement plu. J'me suis retenu pour ne pas lâcher un gros "Han!" mais je l'ai pensé très fort.

Il y a des moments comme ça dans la vie, où c'est juste trop jouissif!

1:00 p.m.  
Blogger La Dame du Lac s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Haha! Excellent, vraiment excellent!

1:14 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Me too, je trouve tout cela excellent. Du grand art. Le texte, la décision courageuse (je maintiens !) et surtout le sourire final. Yeeess !

3:20 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Intellexuelle : *Sourire en coin* Je dois dire que c'est tellement plaisant faire des voyages au bout d'une idée.

Lumières : Je ne suis pas certaine que c'est ce qu'il voulait recevoir. Et il ne répond pas à mes courriels! =

Lew : Shit, ça aurait été bien mieux si t'avais pas pu t'empêcher de réagir vocalement!

Laurie : Toi t'as dû exploser de rire dans ton laboratoire!

Dda : Moi je sais que de ne pas écrire c'est de me condamner à mourir lentement. Alors je m'obstine à ne pas savoir il est où le courage.

11:36 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Il a voulu jouer la muse, mais je ne suis pas sur que ça l'amuse. La virtuosité de tes mots en font une arme particulièrment tranchante. Bravo!

3:25 p.m.  
Blogger A s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Excellent...
L'intime étant universel j'ai aussi vécu un truc du genre! Ah... le meilleur c'est lorsqu'il m'appelle, savourer mon indifférence et savoir que j'ai évolué à cause de ce petit mec.

Embrasser plein`filles à bouche que veux-tu ça dilue à la fin non?

Magique!

Bravo à ta plume caustique et juste!

12:05 p.m.  

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