Chasse humaine
Ses yeux mi-clos épient la foule. À la recherche de sa prochaine proie. Elle se sent belle et féminine. Sur sa peau, une odeur saline traîne langoureusement. Elle a barbouillé ses lèvres charnues d’un rouge éclatant, rappelant le sang qui monte sous le coup d’un désir soudain. Aujourd’hui, elle se sent féline. Elle ne veut pas d’amour, pas de baise, seulement un jeu. Elle veut savoir qu’elle a encore ce petit quelque chose qui éclaire un sourire, attise une envie. Quand il s’assoit, elle le remarque tout de suite. Elle fera voile vers lui dès que possible, en débarquant avec une affirmation, comme si elle était convaincue que ça présence serait désirée. Elle aura eu raison. Entre deux verres elle ira chercher des compliments, parce que c’est tout ce qu’elle veut, en fait. Quand il tirera sa révérence, elle le laissera partir sans échanger d’informations personnelles et se dira que la prochaine fois, elle pourra se transformer en requin.
Ses yeux mi-clos épient la foule. À la recherche de sa prochaine proie. Il est carnassier ce soir. Il le sait. Tout dans son attitude dénote le mâle. Ses dents sont longues. Il a des envies de mordre. Des cous se ploient sous ses prunelles exploratrices. Des gorges tressaillent devant tant d’attention. Il sourit, conquérant. Il ne parle pas, pas tout de suite. Le jeu consistant à attirer les dames autour de lui sans qu’il n’ait levé le petit doigt. Il se désintéresse de la salle, lui tourne le dos. Il sait bien que les papillons volèteront autour de lui dans quelques instants. Fragiles et hésitants. Quand il tiendra la proie dans sa gueule, quand elle se sera offerte à lui de son plein gré, il sortira ses griffes pour marteler le corps consentant, il plongera ses canines dans la chair, se délectant de chaque parcelle de peau. Il est un loup.
Elle a des envies de mordre. Elle grogne dès que l’Autre s’approche. Elle connaît son félin. Elle sait à quel point il est friable sous sa fourrure. Elle reconnaît la femme requin dès qu’elle la voit louvoyer entre les tables. Elle voit l’envie de sang. Elle sait que la femme requin ne laissera rien de la carcasse. Tout sera consommé. Jusqu’à l’os. Elle ne peut pas laisser faire cela. Elle est louve. Elle protège ses petits. Elle défend le territoire âprement. Quitte à avoir l’air jalouse. Peu lui importe. Elle sent que la douleur et l’éclatement sont proches. Elle a peur pour lui. Peur de ne plus jamais le retrouver intact. Elle sort ses griffes, prête à se battre avec tout l’acharnement qui la caractérise. Et elle sait que si elle perd et qu’il part avec le requin, la louve en elle, maternelle, sera toujours là pour lécher ses plaies.
Dans la chasse qui s’agite autour des célibataires, toutes les comparaisons animales sont bonnes. Étrangement, il me semble que les hommes et les femmes ne sont pas les mêmes prédateurs. À mes yeux, les femmes sont impitoyables et ne laissent pas de restes. Surtout pas pour les suivantes. Pour une raison obscure j’ai toujours vu les hommes en loups. Et je leur trouve quelque chose de sensuel dans l’approche.
Peut-être est-ce simplement parce que j’aimerais bien en être la proie.
Qu'ils soient loups, requins, félines... Finalement une même faiblesse les réunis, la peur de la solitude :)
Etre la proie d'un loup est toujours mieux que d'être celle d'un chat, qui joue avec, blesse mortellement et parfois même délaisse le trophée.
Ces caractéristiques de chasse sont finement bien observées et transcrites. On s'y croirait !
Très belle métaphore. Elle m'a fait questionner sur les jeux animals dans mon monde... car il n'y a définitivement pas que des félins, des loups et des proies... il y a aussi beaucoup de paons et quelques vautours!
Matthieu M : Pas certaine. En fait, je crois que beaucoup de gens ont davantage peur d'être à deux que de la solitude.
Dda : Ces caractéristiques sont souvent utilisées ailleurs. J'en ai seulement fait un condensé. :)
Alex : J'avais oublié les volatils!