Un soir de bouette
T’es entrée quelques minutes avant l’heure. Tu t’étais un peu maquillée parce que tu te trouvais bouette depuis le début de la journée. Tu t’étais même pas assise que ce gars, au bar, te faisait des signes de reconnaissance. Oh, d’ordinaire il te parle, un peu. Mais généralement il garde le nez plongé dans ses livres et te sourit à peine. Mais ce soir-là, il t’as envoyée valser entre le tables tellement ses fossettes étaient sincères. T’as toujours eu un faible pour les fossettes, de toute manière. T’as refusé de t’asseoir avec lui parce que tu attendais quelqu’un, mais tu t’es retournée avec un demi-sourire, caché derrière ton épaule, flattée de cette attention que tu n’attendais plus.
Quand il est arrivé, tu t’es pas levée pour le saluer, clouée au sol par la gêne, et cette impression d’imposture parce que non contente de t’être maquillée, tu t’étais parfumée un peu. Et dans l’atmosphère boucanée du bar, tu te disais que c’était de trop. Mais tu te sentais passablement épaisse de ne pas faire d’effort pour accueillir ton invité. À peine s’était-il installé que la discussion est partie sur des chapeaux de roues, dans toutes les directions, dans toutes les digressions. Le langage a fleurit sous vos mots et les rires ont construit l’ambiance sonore. Vous avez disséqué les erreurs les plus courantes, tergiversé sur les mauvais emplois, revisité vos études, sans vous apercevoir que le temps passait. Tu savais, la première fois, que t’avais rencontré un pair. Mais cette soirée-là te confirmait que franchement, t’aimes discuter avec des gens qui ont du répondant.
Il est allé se promener un moment donné et là, t’as vu. Cette étincelle que tu connais si bien dans les prunelles masculines, chasseresses. C’était la première fois que tu les voyais depuis des mois. Comme si tu t’étais blindée contre ces attaques. T’avais la confiance en mille miettes, la certitude que tu n’étais plus jamais jolie. Tu t’étais crevé le sens de l’observation de ces détails. Parce qu’après tout, tu n’étais qu’une femme parmi tant d’autres, pas mal plus ordinaire que tu voulais bien te le faire croire. En tout cas, c’est ce que tu pensais. Tu t’es levée à ton tour et, dans le court espace entre la toilette et ta table, t’as intercepté d’autres clins d’oeils aussi appuyés que sincères. Et tu t’es demandée si c’était parce que tu étais assise toute seule avec un gars, et que ce n’est pas tellement dans tes habitudes, pour que soudainement les autres te remarquent.
T’as des amis qui se sont assis à votre table. Tu ne leur as porté que peu d'attention. De toute manière, ils ne sont pas restés longtemps. Juste assez pour prendre un verre histoire de faire passer le stress d’une soirée agitée. Ailleurs, tu t’amusais beaucoup à commenter et questionner parce que tu trouves toujours intéressant de voir la réaction des gens qui se vautrent dans le silence. Un moment donné, t’as trouvé que ça payait parce que la discussion avançant, il t’a envoyé chier; trois fois.
Et quand vous êtes partis, il t’as dit que par ta faute, il serait magané le lendemain matin. T’as refusé la culpabilité, mais t’es partie avec le compliment. Très contente de l’avoir mérité.
«Un moment donné, t’as trouvé que ça payait parce que la discussion avançant, il t’a envoyé chier trois fois.»
J'adore cette phrase!!! Ça confirme les clins d'oeil volatils!! rire. J'espère que tu te trouves jolie à nouveau, ma belle! ;)
Ce matin même, je disais à mon mec : «J'sais pas comment j'me sens, j'ai pas les mots, mais c'est pas beau...»
Bouette, voilà. Je me sentais «bouette». L'expression est idéale.
Je te l'emprunte, dis ?
;-)
Tiens donc...
Si je comprends bien, c'est un espèce de mec qui attire les regards vers toi?
Considère ce commentaire comme la quatrième fois. ;-)
Dis, vas-tu sortir avec lui? ;-)
Juli : Me trouver belle est une épreuve quotidienne. Un jour, sans doute, j'y arriverai.
Intellexuelle : Bien entendu que tu peux me l'emprunter. J'en ai plein de même en plus. Pas des airs de bouette hein? Des expressions colorées.
Benoît : Ben oui, il parraît que c'est une question de déviation de la loi de Murphy. Et que c'est fréquent qu'une personne attire les regards parce qu'elle est en compagnie d'une autre personne.
Mais qu'est-ce que j'ai fait, cette fois?
Alex : je vais sans doute retourner prendre un verre avec lui.