mardi, mai 02, 2006

Je suis un ange déchu

Voici ma contribution, cette semaine, pour le Coïtus impromptus.
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Accroupie sur ma colonne de marbre, mes ailes froissées me blessent. Mes joues rondes sont sillonnées de rigoles salines qui creusent des traces dans la suie maculant mon visage. Je ne suis pas celle que j’ai cru être. Je ne le sais que trop bien. Un sanglot plus profond que les précédents me rappelle ce corps meurtri de la dernière bataille. J’ai échoué. Lamentablement. Je me sens vile et inutile. Rien ne laissait présager cet échec pourtant. J’étais si confiante, si naïve. Je croyais qu’en y mettant les efforts nécessaires, tout irait bien. Je me persuadais qu’il y avait une recette et que je la connaissais. Alors j’ai usé ma patience jusqu’à la corde pour l’atteindre. J’ai caressé son dos quand il était en lambeaux, j’ai couvert son visage de mille baisers quand il levait ce regard désenchanté vers moi.

Il me disait que j’étais si douce que ça frôlait la perfection. Il murmurait que mes auras illuminaient ses nuits. Il se blottissait contre mes courbes, et je sentais le lourd souffle de sa peine sans nom. Quand ses mains se posaient sur mon ventre, je devais ouvrir ma cage thoracique davantage pour aller chercher l’air qui m’était vital. Et le matin, je ramassais en silence les flétrissures de son sommeil agité. Quelquefois, il m’enchaînait dans sa chaleur et j’avais froid. Je sentais que mes ailes se rebiffaient à ce contact trop étroit. Une sourde colère sillonnait mes vertèbres. Je soulevais ses membres gourds et je m’enfuyais dans les matins chantants de cet été trop court. Je parcourais les rues environnantes en marche rapide, tentant bien inutilement d’oublier les traces que ses dents avaient laissées sur ma peau. Quand il se réveillait, j’étais toujours là, à le regarder émerger du sommeil. Je souriais tandis qu’il s’ébrouait.

Il me quittait tous les jours. Et je ne savais jamais s’il reviendrait. Je vivais avec une pointe de venin qui me terrassait le cœur. Il m’appelait pour entendre ma voix tandis que la sienne se cassait sur les octaves de sa solitude. Je lui disais : « Reviens. Je vais essayer de t’apaiser ». Il me répondait que ça s’était fini au matin, que je ne le reverrais pas. Mais quand l’astre du jour frôlait la terre, je le trouvais sur le pas de ma porte, hagard. Ses yeux hallucinés me narraient les cauchemars qu’il traversait quotidiennement. Il me racontait qu’Elle était encore venue le voir. Je le voyais tirailler ses souvenirs dans toutes les directions. Il me criait les trahisons, les raisons. Il me disait qu’il était mort et qu’il ne revivrait qu’à l’heure de la vengeance. Alors je lui prêtais mon corps comme champs de bataille et il s’y défoulais jusqu’à me laisser bleuie sous ses coups répétés.

Ce matin, quand il m’a embrassée, il a tenté de prendre mon âme dans le même souffle. Je l’ai sentie déraper vers lui, aimantée irrémédiablement par le puit qui s’ouvrait devant elle. Je lui ai dit que ça suffisait. Alors il m’a accusée de le trahir. Il m’a pointée du doigt en affirmant que je ne savais pas tenir une promesse. Il a lacéré ma chair à coups de ceinture. Il m’a dit que n’avais pas le droit de l’abandonner ainsi puisque j’avais juré d’être à lui pour l’éternité. Je lui ai dit : « j’ai mal. Arrête ». Il m’a rétorqué que je me foutais bien de sa douleur à lui. J’ai voulu dire non mais il m'a claqué le visage du revers de la main. Mes ailes se sont déchirées sur tant de haine.

Ce soir, accroupie sur ma colonne de marbre, je regarde la ville se mouvoir devant moi. Je pleure la haine. Je suis un ange déchu, profondément déçu.

4 Commentaires:

Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

*Ouin!*

2:13 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

sans voix - choc trop fort.

3:01 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Wow.
En 65 pages d'écriture, j'ai pas réussi à dire ce que tu as dit en quelques paragraphes. Jusqu'où on est prêt à aller pour tenter de sauver quelqu'un. À quel point on peut se blesser pour montrer à une personne qu'on l'aime, qu'est-ce qu'on est prêt à sacrifier pour maintenir un espoir.
Wow, je ne dirai pas plus, parce que le texte dit ce qu'il a à dire.

12:09 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Souris : Hep!

Dda : ...

Andy : Je crois que j'ai pris l'habitude de faire le plus court possible. Et tu sais, je ne suis pas du tout convaincue que je pourrais expliquer lentement mes ressentis.

10:57 a.m.  

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