mercredi, mai 03, 2006

Les échardes du coeur

« Je suis timide Mathilde, m’as-tu dis, et tu le sais. Quand je rencontre une fille qui me plaît, je ne sais plus du tout comment interpréter ses gestes » Et tes yeux noirs me sondaient pour trouver une réponse comme si je devais nécessairement la connaître. Et pourtant je ne savais pas plus que toi ce que l’on peut faire dans ces circonstances. Bien sûr, j’aurais pu te dire que tu devrais oser. Ou encore que tu pourrais simplement lui tendre la main par-dessus la table, mais je savais que tu me rétorquerait un « Franchement! » exaspéré, sur le même ton que si je t’avais dit de t’habiller tout nu pour attirer son attention.

Il y a des filles avec lesquelles tu peux rire toute une soirée, passer des nuits mémorables et qui le lendemain matin, partiront en te saluant de la main pour vaquer à leurs occupations. Il y a des filles qui mordront ta chair sans en savourant chaque goutte de ton sang et tu resteras pantois devant tant de violence. Il y a des filles qui te feront souffrir toutes les morts du monde et tu te diras amoureux. Mais la plupart d’entre elles, ne seront pas vraiment pour toi. Elles cultiveront le doute, les silences et les jeux de séduction tous plus faux les uns que les autres afin de se présenter le mieux possible à toi.

Parce que t’es un peu con, comme la plupart d’entre nous, tu n’y verras que du feu. Parce que t’es un peu peureux aussi tu te retrouveras encore assis à ma table à me dire que les gestes des femmes te deviennent des énigmes de plus en plus insolubles. Et tu me demanderas pourquoi ce n’est pas ainsi avec moi. Pourquoi quand il s’agit de moi tu sais tout lire, tout comprendre, tout interpréter. Pourquoi tu ne doutes jamais de mes silences ni de mon affection. Pourquoi tu ne t’es jamais retenu de m’appeler, de passer me voir et de me dire que tu avais besoin de moi.

Ce que je crois moi, c’est que dès lors qu’on met son cœur en jeu, dès lors qu’on veut plaire, on s’enfonce dans la peur du rejet, puis de l’abandon. Tu n’as jamais voulu me plaire. J’étais ce petit bout de femme qui te faisait rire. Cette personne à qui tu as laissé les clefs de ton intimité. J’étais une fille, sans être une séductrice, à tes yeux. Parce que tu me percevais ainsi tu pouvais être naturel. C’est, entre autres, pour cette raison que tu m’as plu. Et inversement. Tu me dis tout le temps qu’avec moi c’est de l’authenticité, mais je connais un paquet de gars qui trouveraient à redire sur cette affirmation. Ils te diraient que je suis plus compliquée que la plupart des femmes qu’ils connaissent et que mon non verbal est particulièrement muet.

Je comprends ta peur et ta timidité. Je comprends que tu n’aies pas envie de te casser la margoulette. Mais je me dis aujourd’hui qu’à trop avoir peur de s’avancer on s’enfonce dans les sables mouvants de notre immobilisme. Qu’en réalité, c’est sans doute la meilleure méthode pour passer à côté de la vie.

Et ne t’en fait pas, dans la bande des trouillards, j’ai accumulé tous les écussons.

6 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Je l'ai vu celui là aussi!

5:17 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

J'ai bien vu ça!

8:41 a.m.  
Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

C'est drôle, avec un de tes amis l'autre jour, on disait justement qu'on élaborait des relations beaucoup plus profondes avec les gens quand il n'y avait pas de rapport de séduction... parce qu'on cherchait moins à plaire et qu'on y allait avec moins de pudeur.

L'envie de plaire bloque souvent toute conversation et toute spontanéinté.

1:58 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Souris : Voilà, c'est exactement ce que je voulais dire.

8:15 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Je m'immisce dans la conversation refroidie (j'ai pas vu de date de péremption) juste pour dire, du haut vacillant de mon vécu, que 1) même l'amitié n'est pas dénuée de toute séduction - on a aussi envie de séduire ses amis, et je me garderais de dire que c'est une séduction purement affective ou intellectuelle - et 2) que ça n'empêche pas la spontanéité et la profondeur des échanges. Je crois que ce qui risque d'inhiber dans la relation amoureuse c'est tout simplement la peur de perdre l'admiration, l'amour, le, la les, de l'autre, et donc de se retrouver brutalement face à son petit ego rejeté ou déconsidéré, peur qui n'existe pas dans l'amitié.

10:41 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Théo : c'est pas tellement qu'il y ait une date de péremption qu'aucun moyen pour moi de savoir s'il y a des nouveaux commentaires sur mes vieux textes. M'enfin...

Je suis d'accord avec ce que tu dis, en partie. Le bout qui me chicotte c'est le rapport de séduction non dénudé d'intérêt dans l'amitié. Tu vois, je crois que lorsqu'on mêle tout cela, la relation devient tordue, du moins quand ces émotions prennent le devant de la scène.

Et je sais d'expérience que d'arrêter d'être amoureuse d'un ami, est parfois très difficile.

2:02 p.m.  

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