vendredi, mai 12, 2006

Les nuits qui tanguent

4h07 dans le noir de cette nuit qui tangue dans un lit immense de ma seule présence. Les chiffres rouge vif me narguent. Je suis bien éveillée, ce n’est pourtant pas une heure pour se tenir debout. J’ai le muscle du cœur qui fait des courses dans tous les sens. J’ai rêvé de quelque chose d’horrible dont je ne garde que le souvenir confus de l’intensité. Mes dents sont serrées et mes poings crispés. À voir l’étendu du désastre dans mes couvertures, j’ai dû courir pour échapper à je ne sais quoi. Je tente de retrouver un certain calme, sans vraiment y arriver. Je me revois dans cette chambre inondée de bleu. À l’époque durant laquelle je me réveillais en sursaut juste avant qu’il ne me quitte. J’ai passé tellement d’heures nocturnes à laisser filer mes doigts sur sa chair chaude de sommeil, en veillant ses nuits. Comme pour m’imprégner de cette douceur affective que je savais s’enfuir. La régularité de son souffle dans l’obscurité me redonnait la force de plonger dans le sommeil. Je me gagnais des sursis.

J’ouvre les yeux à nouveau, 4h15. Autour de moi, il n’y a que des oreillers épars. J’ai l’angoisse facile à cette heure qui précède le lever du jour. Je sais bien que je verrai toutes les teintes de l’aurore. À tâtons, je trouve le commutateur de la lampe de chevet. Je tire un livre de mon barda pour faire taire les idées qui se bousculent. Je voudrais retrouver ce calme des heures qui s’écoulent dans le silence d’une respiration réconfortante. Retrouver ces instants au cours desquels j’imaginais l’avenir. Aujourd’hui, je me sens seule dans les débris de mes mythes. Je ne cherche plus l’éphémère qui ne me nourrit que peu. Je voudrais être déjà dans le quotidien d’une relation qui sait où elle en est. Je voudrais pouvoir me retourner et me blottir contre le corps de celui que j’aimerais et qui m’aimerait de retour. Mais j’ai perdu la faculté de rencontrer un homme de cette espèce. Depuis quelques années, je ne fais que deux types de rencontres masculines : des amitiés qui durent ou des histoires sans trop de lendemains.

Il y a bien quelques hommes que j’ai placés quelque part entre les deux. Mais je connaissais le point de chute. Je savais qu’ils ne m’aimaient pas et je me convainquais de ma petite importance en comptant les jours. Comme si les redondances des rencontres étaient garantes d’un certain sentiment. J’ai laissé de petites bêtes d’appréhension dévorer mes tripes et se repaître de mes hésitations. J’ai oublié comment on fait autrement que d’être si rigide et dure. Si intensément inatteignable. 5h27 comme des perles de sang sur le cathodique de ce cadran qui éclaire la chambre. L’oblique du soleil rend la lumière électrique inutile. J’éteins. J’entends les pas des personnes qui sont chez moi. Leur discrétion évidente, le bruit d’une discussion feutrée, me fait réaliser que je suis encore plus seule que je ne voudrais bien l’admettre.

6h00, je suis seule. Dans la chambre comme dans l’appartement. Je soupire. J’aurais voulu pouvoir étendre la main pour entendre sous mes phalanges le bruit régulier d’une respiration autre que la mienne. Et savoir qu’à son réveil, il me trouverait belle.

8 Commentaires:

Blogger Lew s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Je suis capable de m'imprégner de la solitude qu'émane ce texte, et ça m'attriste un peu... pas facile ces soleils levant solitaires.

2:19 p.m.  
Blogger Arto Joe s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Un huis clos fort touchant.
La solitude... la solitude...

3:00 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Un texte qui me bouleverse. Quelle écriture !

6:28 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Lew : T'es gentil avec moi. Merci.

Arto joe : Des fois, c'est long la solitude.

Obni : Oh! Je rougis.

9:26 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Tu as vraiment bien transcris ces heures blanches de solitude, de cette solitude là.
Oui, comme Obni, c'est bouleversant.

4:11 a.m.  
Blogger igby s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Aube mélancolique. Solitude intempestive et ennui contagieux. Chaud et froid à la fois.

11:38 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ouf!

Ca me donne envie d'arrêter de chialer à propos du ménage et de lui dire simplement combien j'apprécie d'entendre le son régulier de sa respiration dans la nuit...

Magnifiquement écrit.

Merci.

12:33 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Dda : j'aime bien l'expression : les heures blanches de la solitude.

Igby : Ça doit être ça, l'ennui contagieux. Je dois être une p'tite bébitte trop sociale.

Anonymus : Eh bien, bonjour à toi. Je crois qu'il est bien de ne pas trop se mettre en rogne pour les manquements de l'autre pour mieux profiter de sa présence.

Mais je sais que c'est difficile à réaliser.

5:01 p.m.  

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