L'idiot du village
Ce matin j'ai relevé deux défis à la fois : répondre aux consignes du Coïtus impromptus, soit d'écrire un texte au «je» ayant pour thème «L'idiot du village» tout en écrivant une «zolie» histoire, pour Horizon qui m'en a fait la demande expresse dans ses commentaires.
Bonne lecture!
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J’avais les joues souillées des larmes de mes amours fanées. Toujours meurtrie à essayer d’aimer les survenants qui passaient par chez-nous. J’avais passé toute mon enfance à rêver d’un prince qui me tirerait de ce bled perdu, niché dans les collines québécoises. Comme toutes les petites filles de ce coin reculé, je rêvais de ville et de grandeur. Je pensais que la vie était ailleurs. Alors les hommes de passage attisaient mes rêves comme un soufflet ranime le feu. Et je partais en cavale dans les confins de mon imagination. Je me voyais reine des soirées mondaines des grandes villes que je ne connaissaient que ne nom. J’aurais voulu fouler les tapis rouges des soirées de gala, parader devant des yeux curieux pour me sentir quelqu’un. Quand Steve est arrivé dans sa décapotable rutilante et qu’il m’a fait les yeux doux, je touchais mes rêves du bout des doigts.
Il m’a emmenée avec lui. J’ai vu la ville. J’ai senti l’odeur du béton mouillé. J’ai vu le jet-set; j’y ai traîné. Steve me paradait partout où il allait, j’étais sa petite chose campagnarde, un peu candide, très innocente des choses de la vie. Je me suis heurtée à l’hypocrisie ambiante, j’ai vu les couteaux se tirer dans toues les directions. J’ai compris le sens de l’expression « jouer dans le dos de quelqu’un ». J’ai su, à mon cœur défendant, que le monde des apparences est vil et sans saveur, quand on y regarde de près. J’avais tout pour être heureuse, je baignais dans mes espoirs les plus longtemps caressés et pourtant, je n’avais jamais été aussi malheureuse ni aussi seule. Quand je rentrais dans l’appartement de Steve, et que je le laissais à ses soirées trop mouvantes pour moi, je pleurais mes déceptions en boucles. Tout en prenant soin de ne laisser aucune trace de mes tristesses dans mes yeux, pour ne pas qu’il se choque.
J’avais compris, dès que je suis arrivée en ville, que mon rôle se résumait à être la belle. Durant les 4 années qui ont suivit notre rencontre, je n’ai jamais pu travailler parce que je devais le suivre partout où il allait. Il était la vedette, j’étais la femme derrière son épaule. J’avais perdu mon identité. Il aura fallut que Manon meurt pour que je trouve le courage de revenir au village affronter mon départ en catastrophe. Je m’attendais à la colère de mon père, à mon retour. Au lieu de quoi, il m’a simplement regardée avec une telle douceur dans les pupilles que je me suis écroulée sous le poids de mes sanglots. Ma mère m’a prise dans ses bras en murmurant que c’était fini et que les rosiers étaient en fleurs.
J’ai marché pendant des heures à l’orée du village. Et puis j’ai croisé Léo. Il m’a fait le sourire d’enfant dont il ne s’est jamais départi. J’avais les joues souillées des larmes de mes amours fanées tandis qu’il me disait : « Oh, belle dame, tu es revenue! » Tant de générosité dans ces simples mots. C’est son truc à lui. Jamais mesquin, toujours ouvert. Un peu lent, extrêmement étrange. Un bel idiot tout en douceur. Je l’avais lâchement laissé en arrière, sachant très bien qu’il était amoureux de moi, parce que je croyais que la vie c’était autre chose.
Ce soir-là, il m’a tendu sa grande main de journalier en me disant : « Je t’attendais ». Alors j’ai pleuré de plus belle parce que je savais que c’était vrai.
Ohhhhh! C'est tellement cute!
magnifique!
Juli : J'avais l'intuition que tu aimerais cela.
Tubuaï : Merci, encore.