Les conteurs
Toute petite, le papa de Guillaume me racontait des histoires. Des histoires écrites pour son garçon, que je ne connaissais pas. Mais j’adorais l’entendre me dire, toujours selon les mêmes inflexions, ces aventures rocambolesques au fil des saisons, que je connaissais par cœur, mais pas aussi bien que mon frère qui peut encore nous les répéter exactement comme on les entendait. J’ai passé des heures à chercher des trésors, faire des cerfs-volants, rêver à des ponts et aux oncles sympathiques qui jalonnaient les récits. Je suis une enfant des mots et de l’imaginaire, j’ai toujours aimé les livres, les préférant souvent à l’écran parce que je peux y voir surgir des personnages que je façonne complètement. Et les histoires sur l’oreiller, à l’heure où les rêves se lèvent pour venir habiter mes nuits, ont toujours été une source de joie.
Dans ma vingtaine, c’est Guillaume qui a pris le relais. Au début, je n’avais pas fait le lien entre les deux conteurs puis, ça m’est apparu évident. Il y avait, dans la fluidité du verbe, dans les pauses calculées pour susciter l’émotion, quelque chose de grand. Des univers différents, mais les mêmes sillons dans lesquels arrimer mes pensées pour filer jusqu’au bout de l’histoire, sans me déconcentrer. Je me suis laissée portée par ses héros en me disant qu’on s’entendrait bien. Et j’avais raison. Le temps a prouvé que nous avions en commun cet amour du verbe et un sens de l’humour quelquefois étrange qui nous amuse beaucoup. Et la cigarette. Cette cigarette qui nous jette dehors des endroits où autre fois nous nous sentions chez-nous. En ce moment, il se sent sédentaire autour de son salon. Je sens que l’hiver va couper des ponts.
Un soir d’hiver, quand les verres roulaient sur la table et les esprits étaient à la rigolade, Guillaume s’est mis à raconter certains de ses souvenirs d’enfance. Avec les vrais noms des personnages que j’avais connu sous d’autres identités. Il s’est animé à l’évocation de ses souvenirs et j’avais devant moi le conteur, en plus grand. C’était une soirée d’alcool, c’était une soirée de rires, et moi j’étais pendue à ses lèvres en questionnant les détails des aventures qui résonnaient si fort en moi. Il me répondait, patiemment, sans se choquer de mes interruptions intempestives. J’étais retombée en enfance impatiente, le temps d’une histoire bien ficelée.
Je suis retournée chez-moi avec de la magie plein le cœur. Plusieurs mois sont passés depuis cette soirée et pourtant j’entends encore, quand j’y pense, toutes les inflexions de la voix qui se posait à mon oreille. Et je souris en me disant que les lignées de conteurs, décidément, ont un petit quelque chose d’indéfinissable.
le charme magique des histoires à réver et de la voix. La voie.... la voie de l'âme.
Evidemment, tu auras corrigé : la voix... la voie de l'âme.
Je suis en prosternations envers les conteurs... avoir leur talent mes histoires seraient moins pathétique autour d'une bière... ^__^;
Dda : Comme j'ai toujours été sensible aux voix qui m'entourent, je suis en total accord avec ta remarque (corrigée ou non ;))
Lew : Tes histoires ne sont pas pathétiques! Pffffff!