lundi, octobre 30, 2006

Les plages de l'automne

Voici ma contribution au thème du Coitus cette semaine. Le thème était de moi, mais lorsque je l'ai créé, je n'avais aucune idée de l'endroit où il m'amènerait. J'ai décidé de suivre la vague... Je vous l'offre.

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C'était une soirée froide sous un ciel dans laquelle les étoiles aveuglées par les lumières de la ville. Un vent de novembre pourchassait les dernières feuilles d'octobre sur le pavé battu par les pluies torrentielles qui s'abattaient sur la tête des passants. Au delà du temps, les rivages de l'automne s'éloignaient de leurs ancrages saisonniers. La tête lourde et les doigts gourds, le corps parcouru par des frissons provoqués par l'humidité et les rafales, elle se tenait dans l'éclairage blafard d'un porche illuminé de néons. Elle pensait, sans trop savoir à quoi. Mais des images se bousculaient, flashs tenaces d'une vie qui avançait lentement. À ses côtés, l'homme parlait sans cesse, développait et défendait avidement ses opinions, sur la famille, les rêves, les absolus obsolètes des réalisations que l'on croit généralement aller de soi. Elle l'écoutait sans l'entendre vraiment. Des bribes seulement.

« T'as pas d'enfants?» Avait-il interrogé entre deux claquements de dents. Elle avait sourit et répondu d'un signe de tête négatif. Il avait jeté un regard par dessus le lainage de son manteau, surpris. Le silence s'était étendu entre eux, sans inconfort. La question, comme une brèche à travers les années. « T'as pas d'enfants? » Elle avait envie de demander s'il il s'imaginait depuis combien de temps on ne lui avait pas poser une telle question sur ce ton-là. Celui qui annonce, sans équivoque, une intention à plus longue portée. La dernière fois, c'était sans espoir. Jamais plus l'homme ne s'enchaînerait à une femme assez pour avoir des enfants d'elle. Elle le savait, était avertie. Elle l'avait choisi lui en toute connaissance de cause, faisant taire les désirs de maternité qui grondait en elle. Elle avait cru que l'amour, le grand, pourrait l'amener à revoir sa position. Que la patience viendrait à bout des réticences. Mais ses entrailles étaient restées vides. Et au final, il avait fait des enfants à une autre, bien longtemps après que leurs amours fussent mortes.

Revenant lentement au présent, à son interlocuteur du moment en songeant qu'il la fatiguait un peu. Trop, il était trop. Les grands discours sur l'art, teinté de religieux, les colères grandiloquentes sur les injustices sociales, les flammes qui le consumaient, les rêves réalisés et en cours de route. Elle savait, du fond de son âme que désormais elle faisait partie des rêves en cours. Sans fausse modestie, elle avait reconnu le sens de la question. Clair comme un soleil dans une matinée estivale. Dans les ombres de la nuit il avait poussé un cri de douleur, pour elle. Parce qu'elle n'était pas mère encore. Il avait ajouté dans un éclat de jeunesse : « Je suis certain que tu serais une excellente mère. Je sais que beaucoup d'enfants dans le monde seraient choyés de t'avoir pour maman. »

Elle lui avait lancé un regard oblique, sans rien dire d'autre que merci. Posant sur son existence un nouveau regard, sur cette nuit d'automne, trop froide pour la saison une pensée amusée. Il y a des plages sur lesquelles on s'échoue abruptement, laissant les ruines de nos rêves s'étioler sur les rives rocailleuses d'événements que l'on ne peut pas contrôler. Parfois aussi, il y a des plages qui s'ouvrent sous nos pas comme des espérances d'avenir. Sans les savoir, nos gestes et nos paroles nous guident tout droit vers ces quais qui permettent de prendre un nouveau départ.

Cette nuit-là, elle n'a pas saisi la main tendue ni mis les pieds dans l'esquif qui se dessinait devant ses yeux. Elle continua plutôt à sourire, moins seule que durant la minute précédente, sachant qu'il y avait désormais dans toute son attitude un petit quelque chose de différent. Cette étincelle qui fait en sorte que les hommes qui croiseraient dorénavant son parcours verraient en elle autre chose qu'une conquête nocturne que l'on oublie au matin. « T'as pas d'enfants? » avait-il demandé.

Elle avait compris tout ce que sous-tendait cette question. Qu'à ses yeux à lui, s'il devait choisir, elle était celle qui pourrait devenir la mère de ses propres marmots à venir.

5 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Dis, elle avait quel âge? Probablement 30 ans... car c'est à cet âge que la vie commence vraiment ;-)! Va-t-on aller aux noces bientôt, dis ?!?!?

11:37 a.m.  
Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Fiction ou réalité, ça?

6:33 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Alex : Je dirais qu'elle doit être assez vielle pour avoir une solide expérience de la vie.

NON.

La Souris : Les deux, mais plus de fiction que de réalité.

9:52 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

quand on voit qu'65 ans on peut devenir mère ...tous les espoirs sont permis .....
et si c'était à elle de le choisir ....de devenir mère ....en s'accrochant moins à des chimères ...et en acceptant de passer à la recherche du père (on notera que je n'ai pas dit géniteur ...)??

5:29 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Aly : Si l'on parle de moi ici, non, je n'ai pas envie de partir à la recherche d'un père pour des éventuels enfants. Peut-être que j'ai lâché prise sur cela. Peut-être que je me trouve désormais trop vieille pour entreprendre une vie de famille. Je ne sais pas et je n'ai pas tellement envie de me poser la quesiton.

De toute manière, je tiens à mes chimères. Du moins assez pour avoir encore envie de faire des enfants par amour. Amour pour la personne qui partage notre existence.

Oui, je serais une bonne maman. Je le sais dans le fond de mes trippes. Mais je n'ai pas envie de m'embarquer dans une histoire qui me laisserait froide parce que le mec pourrait être un bon papa.

Je rêve encore à aimer un homme, de toutes les forces de mon coeur.

3:48 p.m.  

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