mercredi, octobre 04, 2006

Les messages du répondeur

Voici ma participation au Coitus impromptus pour cette semaine


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En entrant dans la chambre, l'oeil unique du répondeur me narguait de son éclat rouge. Un message. Pas celui que j'attendais, bien entendu. Un unique message que je n'avais pas du tout envie d'écouter. J'en connaissais d'avance la teneur et le ton. J'aurais voulu jeter le téléphone par la fenêtre, faire semblant que rien n'existait. Surtout ce message. J'avais des pierres dans le coeur, les jambes en coton. Toutes les fois. C'était pareil toutes les fois. Quand je savais qu'il allait m'appeler. J'avais entendu le téléphone sonner plus tôt dans la journée. Je m'étais terrée sur mon divan en me bouchant les oreilles et en me balançant d'avant en arrière, comme un enfant qui cherche à fuir un mauvais rêve. Ma bouche avait un goût de sang. Le pourpre perlait à mes lèvres. Il ne me restait qu'à composer mon code d'accès pour avoir le message, pour pouvoir l'effacer.

Il y a toujours eu dans cette voix, quelque chose de possessif, de vindicatif qui me dressait la pilosité plus certainement que le bruit d'une craie sur un tableau. Cette manière de parler qui laissait supposer que tout lui était dû. Déjà, sans lui avoir adressé la parole, je me sentais coupable. Déjà sans avoir entendu ses propos, j'avais l'angoisse qui gravissait les Everest de mes paniques les plus profondes. Le coeur battant, je regardais fixement le voyant en espérant qu'il s'éteindrait de lui-même. Je me sentais plus seule que jamais. J'aurais tellement voulu que quelqu'un soit à mes côtés, un homme qui m'aimerait assez pour me protéger de ce dragon qui me happait à chaque fois que j'entendais cette voix. Cette voix comme un enfer qui me tuait.

Je regardais l'appareil avec appréhension, certaine d'y trouver exactement ce les mêmes mots qu'à l'ordinaire. Cette formule, pourtant banale, qui me tombait dessus comme la pire des menaces. Je n'arrivais plus, à expliquer ce qui me traumatisait à ce point dans la suite de mots. Je savais que ça paraissait ridicule aux yeux de mon entourage. Et quand je voyais son numéro de téléphone sur l'afficheur, je me disais : « Réponds, ma grande, tu seras débarrassée ». Invariablement, je me retrouvais, dans le coeur de la nuit, à me sentir zieutée par la lueur rouge qui indiquait un message sur la boîte vocale. Il était toujours trop tard pour rappeler. Sauf que je remettais l'écoute au lendemain matin pour ne me pas me retrouver isolée dans l'encre nocturne à tourner dans mon lit pour essayer de repousser les fantômes que la culpabilité faisait voguer autour de moi.

Le matin me voyait hagarde et peu reposée. Les loups avaient vaincu mes résistances. Je finissais par actionner le mécanisme et j'entendais le bête : «Salut, c'est moi. Rappelle-moi. » Jamais rien d'autre que cet ordre plat. La voix ne prenait jamais de mes nouvelles. Elle exigeait que je me rapporte. Bonne petite bête éduquée à répondre à l'appel. J'avais la peau plaquée de psoriasis, contre-coups de mes angoisses qui allaient en se multipliant.

Et puis un jour, j'ai dit non. J'ai crié des insultes à tue tête à l'appareil, et à la voix à l'autre bout. J'ai hurlé que ça suffisait, que j'étais épuisée et que je n'en pouvais plus. J'avais tellement peur, j'étais tellement en colère en même temps que je ne me rappelle plus très bien de mes paroles. Je versais des larmes impuissantes en me demandant d'où sortirait le prochain couteau. En sachant que quelqu'un de mon entourage servirait de nouveau vecteur de manipulation. Mais j'ai tenu bon, j'ai tenu le coup.

Aujourd'hui, je n'ai plus d'afficheur et je réponds dès la première sonnerie. Et lorsque le voyant illumine la nuit, je souris en retardant le plaisir de découvrir, celui ou celle qui aurait parlé avec mon répondeur.

2 Commentaires:

Blogger Juli s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Je sais pas pourquoi, mais il me rejoint particulièrement celui-là. Mais bon, excellent!!! ;)

Quand ça fini bien, j'aime ça moi!!!

3:17 a.m.  
Blogger Joss s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ça s,appelle faire du ménage... Un espèce de garnd ménage à hauteur de coeur.
Tu vois, tu es bien plus forte que tu le penses...
Bravo Mamathilde...
Le plus difficile reste encore de garder les allentours bien propre...
XXX

8:52 p.m.  

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