vendredi, novembre 03, 2006

Mélodie en fuite

Je suis une peureuse dans l'âme. J'ai cette tendance à fuir sans me poser de question, les situations que je juge par trop stressantes. Ne pas regarder les gens dans les yeux lorsqu'ils me disent ce que je ne voudrais pas savoir, mais qu'ils tiennent à me dire. Je suis une fuyante quoique je puisse projeter comme image, si la fuite n'en fait pas partie, l'image est faussée. J'ai passé mon enfance à raconter ma vie, une coche à côté de la réalité pour être intéressante et pour ne pas me faire gronder. Les reproches me sont toujours tombés dessus comme une tonne de briques, trop lourde pour mes épaules. La première fuite. Je ne mentais pas vraiment, mais j'organisais la vérité pour ne pas avoir à vivre avec certaines conséquences. Pour ne pas avoir à lire la déception dans les regards parentaux.

Je suis légèrement plus assumée aujourd'hui, mais pas tellement. Il y a des gens qui sont rentrés dans ma vie par de drôles de portes. Un certain nombre s'y sont glissés par les fenêtres que j'ai ouvertes sur la toile. J'ai eu l'impression parfois, que quelques unes de ces personnes se fiaient trop à ce que j'écrivais pour se faire une idée de moi. Je n'écris pas tout le temps la vérité. Pas souvent en fait. Ces pages sont les dépositaires de mes vies imaginées. J'ai eu à convaincre des personnes qui sont entrées en contact avec moi, à travers ce qu'elles lisaient que je n'étais pas du tout celle que je présente. Je ne suis pas un puit de sagesse qui ne fait jamais d'erreur. Je ne suis pas une personne plus réfléchie que la moyenne. Il m'arrive parfois d'écrire des lettres adressées à des êtres qui me sont chers et qui sont percutantes, mais j'ai eu le temps d'y penser, de triturer les mots sous mes doigts courant sur le clavier, avant de les livrer en pâture à quiconque s'attarderait ici.

Je suis tellement froussarde que j'évite de regarder le contenu de mon courrier quand je pense que ça vient de quelqu'un qui me pressurise. Les gens à qui je dois de l'argent, par exemple. L'enveloppe à l'air de cela, c'est jeté quelque part dans un fouillis de lettres qui ne seront jamais ouvertes. Je fuis, je vous le dit. Il y a d'autres gens que j'évite aussi. Des personnes dont la présence me donne l'impression de faire tanguer le sol sous mes pas. J'ai connu un mec qui voulait me faire la bise lorsqu'on se croisait et qui me rendait complètement folle. Juste par ce geste. J'avais toujours l'impression qu'il me volait la moelle des os en même temps qu'il me faisait la bise. Comme s'il prenait toute la substance que je suis, comme si ce n'était pas une geste vers moi mais une espèce de prise de moi. C'est le type de personne que j'avais toujours envie de faire semblant de ne pas reconnaître si jamais je la croisais. Aller le plus loin possible de ses tentacules qui me gardaient prise dans leurs filets.

Il y a des individus qui me mettent en déséquilibre. La plupart du temps, ce sont des hommes, sans doute parce que je suis fragile à leur charme. Il y a des gens à qui je n'ai même pas la force de dire : « T'es juste un peu trop pour moi. » Parce que malgré le fait que j'aie 33 ans, du vécu et un caractère de cochon, j'ai encore peur des reproches et des affections trop grandes pour moi. Je ne suis pas courageuse, je ne suis pas confiante, je n'ai pas plus de guts que la moyenne des gens. Tout ce que sais faire, c'est fuir le plus loin possible dans trop en avoir l'air. En laissant derrière moi des gens qui ne savent même pas qu'ils m'effraient.

Non, je ne suis pas tellement une battante, au bout du compte. Je suis un courant d'air qui se déguise en brise estivale.

9 Commentaires:

Blogger Cartouche s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mais Mathi, si tu n'écris pas toujours la vérité, comment savoir si ce que tu nous dis là est vrai?

Désolée, mais je ne te crois pas!

5:54 p.m.  
Blogger Sauterelle s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Il me semble que tu m'as dit une bonne partie de tout ça un soir aux Marches, et que j'ai deviné le reste ensuite. J'ai répondu une variante sur le même thème.

Et depuis on s'aime.

8:44 a.m.  
Blogger Pitounsky s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Moi, je crois que tu es tout ce que tu écris, à plus ou moindre degrés. Les personnalités riches comme tu sembles en avoir une ont ceci de merveilleux: elles sont constituées des plus grands paradoxes... c'est ce qui les rend intéressantes. Ainsi, tu peux être forte et fragile. Et même si je ne te connais qu'à travers tes écrits, donc à peu près pas... il y a longtemps que j'ai deviné que ces deux pôles se cachent en toi et se tirent souvent la couverte!

Quoiqu'il en soit... les mots viennent de ton âme, de ta tête et ils sont toujours magiques. Ils ont toujours cette touche Mathilde qui le rend si humain, si touchant.

9:06 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Moi, je sais.
C'est pas en échangeant 4 mots qu'on devenine quelqu'un. C'est en portant ses yeux, quelques heures.
Cela dit, ta fuite m'a permise un envol que je croyais impossible. Peut-être est-ce que les pas des unes, vers l'arrière, portent les autres, vers l'avant...
:-)

1:11 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ce texte est très émouvant. Les mots sont évidemment poignants parce qu'on sent qu'ils sont éminemment sincères, qu'ils viennent du dedans. Un grand texte.

4:06 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Fuir, c'est d'abord connaître ses limites, sa fragilité. Fuir, c'est ne pas pouvoir nommer à 2 ans, toute la difficulté de devenir l'aînée, de devoir être grande. Fuir, c'est ne pas pouvoir se permettre de dire: "je suis encore toute petite, ne m'en demandez pas trop" Fuir, c'est dire à l'autre-moi:"tu m'énerves avec tes idées de grandeur et de force ouste, fous le camp" Fuir, c'est se brancher sur soi et faire des pas vers son équilibre.

La seule et unique personne qu'il ne faut pas fuir c'est toi petite Mathilde. Quand tu te promèneras fièrement en tant que toi qui donc auras-tu à fuir? Les gros méchants loups qui se délecteront des bonnes gauffres que tu leurs lanceras au visage. Ils ne pourront plus sucer ta sève, ton essence tu seras l'arbre. Et alors tu les auras vaincus

9:36 a.m.  
Blogger François s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Dis donc, ça respire pourtant la vérité ce texte...

Je crois que nous fuyons tous en fait, mais comme nous fuyons dans pleins de directions différentes, certains croient avancer et de leur point de vue, l'autre direction est un recul. La réponse serait donc purement vectorielle!

Comme j'ai lu quelque part, tous les chemins mènent ailleurs...

10:18 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

ta fuite ressemble étrangement à celle d'une biche appeurée...peur de vivre, peur de ce que l'on est,de ce que l'on voudrait être, de ce que les autres attendent de toi ....il faut apprendre à se faire confiance à soi même à s'affirmer etre fier de qui tu es imparfaite mais réelle, à aimer la vie ..
peut être que je suis ou ne suis pas ce que je dit être ce que j'écris être pt'être bien qu'oui pt'être bien que non ....que d'hésitation ..... de perte de temps de vie écoutes la vie elle ne cherche qu'à te charmer pose toi et vois tu verras ce n'est pas si effrayant que ça ....

3:38 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Cartouche : Tu devrais pourtant. C'est tout vrai ce que j'ai écrit.

Sauterelle : Tu me ramènes un souvenir presque oublié.

Moi je t'aime depuis que tu as décidé de venir voir Marc Déry avec ta nouvelle coloc presque inconnue : parce que tu osais.

Pitounsky : Je suis vraiment heureuse de voir tes commentaires qui s'égrennent ici un peu. J'oserais affirmer que t'as pas mal saisi ce que j'essayais de dire.

Josée-Martyne : Ah bien, si mes réflexions et mes mésaventures t'ont permis un envol, tu m'en vois ravie!

Obni : ça beau faire près de deux ans que tu laisses de temps à autres des commentaires sur mes textes, ça me pousse toujours la confiance en mon écriture quand tu me dis que tu apprécies.

Miche : tu pouvais bien être contente de toi pour ce mot : j'ai les yeux mouillés. Parce qu'à travers ce commentaire il y a tellement d'amour que ça fait du bien.

François : Oui, tous les chemins mènent ailleurs. Le plus étrange c'est que lorsqu'on y arrive, on se sent chez soi.

Aly : Je crois que je suis une fuyante et que c'est un trait de ma personnalité. Ceci étant dit, je n'ai pas TOUJOURS peur d'être qui je suis. Je réagis à certaines personnes et à certaines pressions. Mais si je veux avancer, faire ma place dans un milieu dans lequel je me fais confiance, je n'ai que très rarement des hésitations à foncer.

12:25 p.m.  

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