lundi, décembre 04, 2006

Les heures qui tuent

4h12.


La nuit est noire. Dehors, la première neige étouffe les bruits. Je connais le monstre qui m'éveille. Je le connais trop bien. Un raz-de-marée me remonte l'oesophage. L'angoisse, la maudite angoisse, celle de mes années d'insomnie et du mal-être que je croyais avoir quitté me reprend à bras-le-corps. Ce n'est pas une heure pour faire des façons, m'excuser ou encore dire tout simplement que je me sens mal. Je suis toute seule dans un lit trop grand, dont je connais tous les plis depuis des années. J'ai le coeur qui s'amuse à faire des pirouettes hallucinantes dans ma cage thoracique et je n'ai pas besoin de prendre ma pression pour savoir que ma tension s'amuse à grimper les Everest de mes doutes.

4h45.

Je sais que je ne dormirai plus. J'ai beau essayer de penser à autre chose, je suis complètement prise par la panique qui me ronge. La culpabilité m'habite. J'ai mal aux yeux, comme si je venais de passer les dernières heures à essayer de lire dans la noirceur. J'ai mal aux poignets et mes doigts sont engourdis. J'ouvre la télé pour faire taire les bruits dans ma tête. J'ai une envie d'allumer la radio aussi. Comme quand je ne dormais plus du tout lorsqu'il faisait noir. Comme lorsque je ne pleurais plus et que mes épaules étaient trop lourdes à porter. J'écoute, sans y prêter attention, une biographie sur une espionne américaine des années 1920. C'est pourtant intéressant mais mes pensées en tumulte m'empêchent de comprendre ce qui se déroule devant mes yeux. Je n'aurai pas de répit, je travaille à 8h45. Pas d'espoir pour moi de dormir quand le soleil se lèvera, plus tard, beaucoup plus tard.

5h18

Je sais qu'il est complètement inutile que je ressasse la dernière soirée. Je sais que je n'ai rien fait de si grave que cela. Mais je ne peux m'empêcher de sentir le venin de la culpabilité qui s'insinue dans mes veines. Hier soir, c'était le party de Noël du magasin. Comme à chaque année, on avait droit à un sac de livres et de disques. Chacun des sacs ayant sensiblement la même valeur marchande. J'ai essayé de ne pas prendre un sac avec trop de disques. Je ne suis pas musique. Mais de retour à ma table, je me rends compte que j'ai trois foutus objets d'audio. Dont un coffret de musique classique. Je laisse tomber les objets devant Julie et je lui dit : « Arrrrrrrrggghhhhhhhh! J'ai rien que des disques. Tu les écouteras et tu me diras de quoi il en retourne » Comme le souper arrive tout le monde n'a pas encore eu son cadeau. Lorsque la répartition se termine je demande à Julie où sont mes disques. Elle me dit qu'elle les a déjà échangés. Je suis estomaquée puisque la répartition vient à peine de se terminer. Et puis, et puis, je voulais avoir une monnaie d'échange au cas-où je pourrais avoir un livre. Rien qu'un livre. Un livre pour moi. J'explique à Jenniko que les disques qu'elle avait obtenu en échange de son dictionnaire pour enfant était à moi. Elle me le redonne. Je le troc contre des livres. Et depuis 4h00 du matin, j'angoisse parce que je me sens méchante d'avoir repris mon seul bien d'échange. Je me sens vile, et conne et laide et grosse et n'importe quoi de pas rapport parce que j'ai repris le petit machin que j'avais eu pour le troquer contre quelque chose d'autre, mais je l'ai VOLÉ.

6h30. Je m'assoie et j'écris.

7h30. Je l'ai dit, mais je ne me sens pas mieux. Je me sens toujours laide et grosse parce que j'ai VOLÉ le disque à Jenniko. Et ce faisant, j'ai volé Julie aussi.

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7 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Là, il va falloir que tu m'expliques comment ta culpabilité, ta "laideur d'âme" supposée peut se transformer en "laideur" physique...

12:00 p.m.  
Blogger Juli s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ben voyons donc pauvre tite, tu t'en fait TELLEMENT pour rien!

4:45 p.m.  
Blogger Pitounsky s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Maudit que ça ronge que de ne pas s'aimer. Maudit que c'est souffrant de se sentir tel un monstre, la nuit venue, recroquevillée au fond de son angoisse.

Y a des fois où je te lis et que je me dis que si j'aime autant tes mots... c'est qu'au fond, tes maux ressemblent beaucoup aux miens.

6:30 p.m.  
Blogger Jenniko s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Y'a rien là Mathilde! Ça ne me dérange pas du tout que tu aies repris le coffret de musique classique! De toute manière, je n'aurais rien fait avec ce dictionnaire et si j'avais eu autre chose, je ne m'en serais certainement pas servie de toute manière! Et qui sait? Peut-être que j'aurais trouvé ça barbant comme musique, moi qui n'aime que l'opéra Carmen de Bizet!!
Un gugusse de plus, ça encombre ma bibliothèque déjà trop pleine! ;)

12:36 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Benoît : Ça ne s'explique pas. Une crise d'angoise n'est pas rationnelle.

Comme je me trouve grosse et laide en général, et que j'arrive à peu près à me convaincre que je ne suis pas si pire que ça face publique, quand l'angoisse me tombe dessus, c'est certain que je me vois comme l'affaire la plus laide au monde.

Juli : Mais depuis quand on angoisse pour des bonnes raisons? Quans les lemmings dans mon cerveau se mettent à courir dans tous les sens, l'élément déclancheur est souvent un gros n'importe quoi.

Pitounsky : Oui, on a sans doute des maux semblables, qui n'ont pas nécessairement les mêmes racines, mais ils sont voisins, c'est clair.

Jenniko : Merci, tu me rassures. Vraiment...

7:52 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

T'es grave !!! toi :o)))...comme tu te supportes mal tu te demandes si t'es z'amis ne t'abandonneront pas pour une fois que tu pense à toi ???!!!
Je crois que tes amies t'aiment énormément et que 'un cd ne vaut certainement pas grand chose face à tout ce que vous vivez au quotidien tout ce que vous échangez ..et puis c'est bientot noel il te reste encore la possibilité d'offrir un cd en core plus sympa et personnalisé à ton amie ??? on dit aussi que faute avouée et à moitié pardonnée!!
Et ARRETE DE DIRE QUE T'ES GROSSE !!!! et même si t'es en rondeur t'es surtout tout en douceur et ça c'est beau !!!!

2:09 a.m.  
Blogger Miss Patata s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Hey Mathilde je fais comme toi...
Je m'empêche de dormir pour des broutilles, en fait je ne me rend compte que ce sont des broutilles seulement au petit matin. Tout la nuit j'observe l'ombre grandiose de la chose, je tord la réalité pour mieux me condamner, et pour expier quoi? Avoir oubliée de saluer un tel? Avoir jettés de vieux trucs? Avoir fait une blague dont personne n'a rie? M'être montrée un peu moins parfaite que d'habitude devant l'attitude exaspérante d'un de mes proches?
Au petit matin j'oublie, ou plus tard je vérifie et hop l'ombre disparait!
J'aimerais ne plus vivre cette anxiété...
Je me souviens la première fois que le phénomène est apparu, j'avais une dizaine d'année, j'avais emprunté un livre sur la vie de Mozart à la bibliothèque de mon école, la fin de semaine venue, je suis à la maison, je cherche le livre et je ne le trouve pas! La panique! Le monde d'une petit fille qui se déconstruit, inconsolable! Finalement j'ai découvert le lundi que je l'avais laissé dans mon pupitre...
Maintenant je tente de me parler un peu plus, je me réconforte en pensant au pire, en me disant que finalement ce n'est pas si pire que ça, mais trop souvent la culpabilité gagne...
En gros anxiété et culpabilité...
Mais un jour je trouverai la solution :)

11:11 p.m.  

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