Bouillir
J'étais particulièrement
en colère ce soir-là. En colère contre un garçon de ma
connaissance qui m'avait fait savoir qu'il ne désirait plus me
fréquenter, en colère contre un paquet d'autres choses aussi, qui
n'allaient pas très bien dans ma vie.
Je ne saurai sans doute
jamais ce que je pouvais bien dégager à ce moment précis, toujours
est-il que j'ai rarement attiré autant de commentaires que ce
soir-là.
C'était un soir d'impro,
à l'époque où j'animais des matchs hebdomadairement. Ce qui
faisait en sorte que je sois sortie de ma tanière malgré mon humeur
massacrante. J'avais une entente avec un joueur : je lui
trouvais trois mots par soir à glisser quelque part dans ses
apparitions. Ce soir-là, j'avais sorti « ignifugé » de
ma manche, par pur esprit de provocation, et parce que ma mauvaise
foi légendaire, quand je suis de mauvais poil, avait évidemment
pris le dessus. Le joueur en question avait, bien entendu, relevé,
adéquatement, mon défi, me faisant rire et adoucissant au passage
mes plumes hérissées.
Mais certains jours ne
nous laissent pas de répit. Ainsi, à la fin du match, j'étais
plantée près du bar pour demander je ne me rappelle plus trop quoi
au barman (nous avions des consommations gratuites dans l'arrière
scène), et là, un gars que je n'avais jamais vu de ma vie me dit :
« Tu ne devrais pas t'habiller de même, t'as l'air grosse ».
J'ai figé, et vu encore plus rouge qu'en début de soirée. Comme
pour faire exprès, son commentaire est tombé dans un silence entre
deux pièce musicales, enfin, c'est l'impression que j'en garde étant
donné que tout le monde dans le secteur nous regardait.
J'ai serré le dents
avant de me retourner et de lui demander : « Est-ce
que ça t'as fait du bien de me dire cela? » Et lui de me
lancer quelque chose dans le genre qu'il me disait ça pour moi ou
une autre ineptie dans le même genre. J'ai répété ma question et
il s'est remis à patiner dans le même sens. J'ai fini par lui
dire : « Ben, si ça ne t'as pas fait du bien de me le
dire, pourquoi tu l'as fait? Moi, ça ne m'a pas fait plaisir de
l'entendre et si tu me trouve laide, il y a sûrement au moins une
fille ici que tu trouves de ton goût, alors au lieu de gaspiller ta
salive avec moi, va donc lui dire à elle, qu'elle est jolie, si tu
en as le courage ».
Je pense que c'est la
seule fois de toute ma vie que j'ai dit les bonnes répliques au bon
moment, au lieu de les penser deux heures plus tard quand elles
n'auraient plus d'impact.
Je retournais
tranquillement vers l'arrière scène, quand un gars que je ne
connaissais pas davantage que le premier m'a attrapée par le bras et
plaqué un baisé aussi vif que surprenant sur les lèvres. Je l'ai
regardée, ébahie, il m'a sourit et est parti.
Je ne l'ai jamais revu.
Depuis ce temps là, je
me dis qu'il doit y avoir quelque chose d'hormonal quand je boue,
comme je bouillais ce soir-là. Sinon, comment pourrais-je
m'expliquer qu'autant d'événements inattendus me soient arrivés en
aussi peu de temps?
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