Un dimanche à l'opéra, seconde partie
Lorsqu'on a pas, ou peu,
l'occasion de voir des amies qui sont collées sur notre cœur,
malgré la distance, les années, les vies qui vont dans toutes
sortes de directions différentes, et que la rencontre a lieu; on a
les mots qui nous titillent le bout des doigts. Enfin, j'ai les mots
qui me titillent le bout des doigts.
Dimanche dernier, donc,
nous sommes allées à l'opéra. Parce que Ju participait à une
pièce, foulant pour la première fois, la scène, depuis plus d'une
décennie. Elle qui est habitée par la musique comme je le suis par
les mots. Mais comme moi, elle a choisi de pratiquer son art pour
elle-même plutôt que pour gagner sa vie.
C'est San qui nous a
mises en mouvement, c'est elle qui a manifesté l'importance de
l'événement et la nécessité d'y aller. La suite appartient à
toutes, puisque nous avons collectivement fait fi des agendas et des
impondérables pour nous réunir. Ça lui ressemble bien d'ailleurs,
réunir plein de gens autour d'un événement, en toute discrétion.
Mais l'orfèvre, celle qui a pu faire en sorte que les billets se
sont passés de mains en mains, c'est évidemment Alexe, la
pragmatique voisine de la chanteuse que nous allions admirer. Il y a
de ça dans l'amitié, toutes sortes d'archétypes dans les
personnages en présence qui se cantonnent plus souvent qu'autrement
dans les rôles que l'on attend les unes des autres, mais si le
sentiment est sincère, tous celles-ci savent pertinemment qu'elles
peuvent sortir de leur carcan.
Personne dans notre
groupe, sauf moi, ne connaissait la pièce que nous allions voir. Et
je la connaissais de nom parce que dans les romans d'amour insipides
que j'aime lire, elle est souvent citée. En la voyant, j'ai compris
pourquoi :j'ai eu sous les yeux un roman d'amour victorien à la
finale facilement bouclée et franchement trop rose bonbon. Le pire
du pire. Ceci étant dit, la pièce est une super belle manière
d'apprivoiser le chant classique, parce que la drôlerie et la
légèreté du propos, rend le tout tout accessible pour des oreilles
novices.
Notre groupuscule aurait
aimé que les choristes soient un peu plus solistes, histoire de
pouvoir déceler plus distinctement la voix de Ju, parmi toutes les
autres. Par contre, nous sommes toutes particulièrement heureuses de
l'avoir simplement vue sur scène.
Il faut savoir que ce
noyau s'est constitué au hasard des horaires de soir, je dirais. Le
seul point commun que nous ayons ensemble est d'avoir passé de
longues soirées à la librairie. Enfin, presque toutes. Parce que
Lew n'a jamais travaillé avec nous. Il est l'amoureux de M et s'est
joint à nos bières bimensuelles l'air de rien, sans que qui que ce
soit ait l'idée de trouver qu'il ne cadrait pas dans notre décor
féminin.
On remarquera ici que je
conjugue le groupe au féminin depuis deux textes, malgré le fait
qu'il y ait un gars dans l'unité.
Et je sais qu'il est
particulièrement fier d'être une fille dans la gang de filles parce
que ça lui donne un accès à notre intimité que peu de gars
peuvent se vanter d'avoir, même une seconde, obtenu.
Libellés : Digressions, Spectacles