Mes aigus
Je sais depuis longtemps
qu'il y a une nuance entre ce que l'on dégage et ce que l'on est. Je
suis une personne sensible, d'aussi loin que je me souvienne, mais je
n'ai pas la larme facile, ce qui peut même être un problème étant
donné que je semble me mettre les nerfs en boule au lieu de vivre
mes émotions. Généralement, lorsque je raconte quelque chose qui
m'est arrivé, même quand ça m'a fait mal, et peut-être même
surtout dans ce cas, je triture mon récit jusqu'à lui donner un
aspect drolatique, histoire de bien démontrer à mon public, que je
suis forte. Ou en tout cas, que je ne suis pas totalement tombée.
J'ai quelques exceptions.
Des personnes avec lesquelles je suis capable d'aller plus loin dans
ce que j'offre de moi. Ils sont triés sur le volet et ce sont des
gens avec lesquels j'ai établi une relation de confiance dans le
temps. Des gens à qui je ne dirai pas nécessairement tout sauf que
je laisserai transparaître un peu plus que ce que je laisse voir
d'ordinaire. Je m'en aperçois ces temps derniers sans doute parce
que je tente, avec mes faibles moyens, de comprendre mes propres
mécanismes et de les désamorcer afin d'éviter de me retrouver à
nouveau en situation de crise.
Vendredi soir, je suis
aller prendre un verre avec un Gentleman de ma connaissance, dont
j'ai parlé ici déjà plusieurs fois. Depuis que nous avons renoué
connaissance, nous avons fait le choix d'aller au fond des choses
dans nos discussions. Ce n'était probablement pas tout à fait
volontaire au départ, toujours est-il que c'est ce que nous faisons
ensemble. Nous avons donc traité de mes sujets sensibles, ceux qui
me mettent en déséquilibre, ceux qui jettent dans mes états les
plus lamentables et je lui ai expliqué les tenants et les
aboutissants de tout ce tralala. Du moins, ce que j'en comprends à
l'heure actuelle.
J'ai noté que je parlais
dans des aigus qu ne ressemblent en rien à mon timbre de voix
normal. Pas tant que je criais, je crois être restée calme toute la
soirée, mais je parlais au moins deux tons plus haut que mon
registre habituel. Assez pour que je ce que je percevais de ma voix
me tape sur les nefs. Je me suis alors dit qu'il y a quelques êtres
humains dans le monde avec lesquels il m'est possible de me poser.
D'oublier de faire de l'esbroufe, d'oublier d'avoir l'air de posséder
tous mes morceaux parce que ces gens m'écouteront sans me juger,
qu'ils ne tireront pas partie de mes faiblesses, qu'ils ne me
mettront pas davantage en danger que je ne le suis déjà parce
qu'ils me savent faillible.
Et je me suis souvenu
qu'adolescente c'était pas mal mon motus operandi, je faisais
confiance aux autres jusqu'à ce que deux personnes que je n'ai pas
vu depuis mais que je peux encore nommer, utilisent mes confidences
et ma sensibilité pour me marcher sur la tête et se revaloriser.
Des ados un peu épais comme nous sommes tous capables de l'être à
ces âges, qui auront marqués ma personnalité beaucoup plus
durablement que ce que j'avais d'abord soupçonné.
Maintenant, je dois
réapprendre à faire confiance à ceux que j'aime et qui m'aiment en
retour, histoire de continuer à avancer et à ne plus imploser.
Dur contrat.
Libellés : Digressions, Maudite angoisse