Samedis de feux
J'ai écrit ce texte hier, mais je n'étais pas satisfaite de ma chute, c'est pourquoi je l'ai retournée dans ma tête toute la journée avant de finir par en trouver une qui m'aille. Ce qui explique le fait qu'aujourd'hui est un samedi dans le texte, même si la publication a lieu un dimanche.
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J'essaie, généralement,
de passer les soirées de feux d'artifices loin de ma maison. Pas
tant que les feux en soit m'énervent, mais disons qu'il y a du
bigarré dans la foule qui se masse aux pieds du pont
Jacques-Cartier, ces soirs-là. Bon d'accord, il y a du particulier
dans la faune de mon quartier en tout temps, sauf que la densité
d'énergumènes au pouce carré augmente vertigineusement, avant et
après ces événements, les samedis surtout.
Il y a quelques instants,
une ambulance s'est stationnée juste sous mes fenêtres pour venir
récupérer quelqu'un. Pour quelles raisons, je l'ignore; je ne suis
pas allée écornifler. Lors de mon premier été ici, un samedi soir
de feux justement, j'avais été réveillée par une chicane de
ménage qui voyait valser le mobilier d'un troisième étage vers le
bitume. Je crois que c'était autour du premier juillet ce qui fait
qu'on additionnait le premier du mois, à une belle soirée d'été,
elle-même additionnée aux feux. J'imagine que les policiers étaient
arrivés rapidement et la discussion avec la responsable de ma nuit
écourtée avait eu lieu devant chez moi, assez pour me donner
l'impression qu'elle avait lieu sur mon oreiller. C'était assez
perturbant.
Adolescente, je suis
venue dans le coin avec des amis pour regarder les feux et je me
souviens que certains des jeunes se bourraient de toutes sortes de
substances pour les savourer différemment. J'imagine que c'est
encore vrai de nos jours puisque les échos qui viennent jusqu'à moi
me laissent croire que certains spectateurs, ne sont pas tout à fait
à jeun. Ils sont bruyants, désordonnés et traînent leur jeunesse
devant chez-moi bien longtemps après l'extinction de la dernière
fusée.
C'est aussi un
rendez-vous largement familial. Les abords du métro Papineau en font
foi. À partir d'une certaine heure, les escaliers mobiles vont tous
dans la même direction. Jusqu'à 22 heures, la station se vide sans
arrêt d'une meute compacte à une vitesse ahurissante, comme si
l'heure de pointe de tout le grand Montréal migrait à cet endroit
précis. Si on est pris dans le flot, ce qui m'est arrivé un peu
trop souvent à mon goût, on ne peut rien faire d'autre que de
suivre le trafic jusqu'à ce qu'on atteigne l'air libre, et même-là,
il est possible qu'on soit pris dans un détour si on a eu la
malheureuse idée de ne pas choisir la file qui tournera dans la
direction où l'on veut aller (et lesdites files sont aléatoires).
J'ai aussi appris qui valait mieux ne pas tenter de descendre à
cette station, après les feux; le contre-courant étant presque
impossible à réaliser.
Bref, les soirs de feux
sont souvent hauts en couleurs et pas juste dans le ciel. Tout à
l'heure, en grimpant les marches de la station de métro, j'étais
précédée par un homme qui tenait dans ses bras une magnifique
statue de Jésus à qui il parlait tendrement. Si j'ai bien suivi ce
qu'il disait, le plan était d'arriver assez tôt afin de sécuriser
un certain banc près du fleuve pour qu'ils puissent, tous les deux,
jouir du spectacle toujours plus extraordinaire du feu de Dieu.
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